Le cirque et son ambiance familiale me manquait. Ces derniers temps, je n’avais pas franchement eu le temps ni l’envie de m’y arrêter et il avait fallu que Tonia vienne me menacer de castration pour que j’accepte de remettre les pieds là-bas. Il faut dire que ma dernière engueulade avec mon père y était pour beaucoup. Comme à son habitude, il avait critiqué mes choix de vie allant me dire que je faisais honte à la famille. Je n’avais pas pu m’empêcher de lui assener que ma mère devait se retourner dans sa tombe de le voir critiquer la danse alors qu’il était tombé amoureux d’une danseuse. Si les gars n’étaient pas intervenus, surement que nous aurions fini par nous taper dessus à croire que lui et moi n’étions plus capable de nous parler sans que le ton monde. « Doucement bonhomme » murmurais-je au lionceau qui avait repris des forces depuis son opération. « C’est qu’on est bagarreur aujourd’hui » rigolais-je en jouant avec lui pendant de longues minutes avant qu’on vienne me trouver. Un homme se tenait en retrait et j’essayais de le replacer dans un contexte mais rien n’y faisait. « Bonjour, je m’appelle Abraham. Je suis le père de Maïa. » Se présenta-t-il et je priais pour ne pas avoir une vendetta sur le dos. « Ah. Bonjour, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » Lui demandais-je sans trop savoir ce qu’il me voulait et puis, Maïa était ma première petite-amie avec qui j’étais resté plus de quinze jours. « Je voulais vous parler de Maïa et vous. Vous avez un peu de temps pour qu’on discute ? » Me demanda-t-il et j’interpellais Rodrigue « Tu veux bien me remplacer quelques minutes steup’ ? » En caressant une dernière fois la grosse tête de mon lionceau et de refermer la cage. « Pas de soucis, prends une pause vieux frère, tu bosses depuis les aurores non stop » me répondit-il et je fis signe à mon « beau-père » de me suivre pour que nous puissions discuter tranquillement. Je le conduisis à ma caravane « Entrez » l’invitais-je à entrer avant de lui faire signe de de prendre place sur la banquette. « Maïa vous a peut-être dit que ça ne fait pas longtemps qu’on se connaît. Si je suis là aujourd’hui, c’est parce que j’aimerai vous aider tous les deux. Elle n’est pas la meilleure pour s’ouvrir facilement et d’après ce que j’ai compris, vous non plus. Mais je veux que vous soyez certain de ce que vous ressentez pour elle et que ça ne soit pas juste une passade. Je ne veux pas qu’elle ait le cœur brisé » commença-t-il et je me retins de lever les yeux en l’air. « En somme, si je comprends bien vous vous êtes donné une mission genre allons voir s’il la mérite ou s’il ne vaut mieux pas lui dire de quitter ce bon à rien ? » l’interrogeais-je à mon tour sur la défensive. « Qu’est-ce que vous attendez réellement de moi ? Je ne suis pas trop habitué à ce que les pères de mes petites-amies viennent me trouver sur mon lieu de travail. Je présume que Maia n’est pas du tout au courant de votre visite hein ? » Supposais-je avant de me passer une main sur la nuque « Je vous sers un truc à boire ? »

« Pour répondre à vos questions, je ne suis pas en mission pour vous empêcher de voir Maïa ou pas, je n’attendant absolument rien de vous aujourd’hui et en effet, elle ne sait pas que je suis là. » Encore heureux qu’il n’était pas là pour me séparer d’avec Maia car si c’était le cas, il allait repartir aussi sec d’où il venait. Je voulais bien être gentil mais je n’avais aucune envie d’avoir un père sur le dos. « Je crois que votre fille est bien trop têtue pour ne pas en faire qu’à sa tête » répondis-je néanmoins bien que je me retenais de lui dire que je trouvais sa démarche aussi amusante que stupide. Sérieusement, il se pensait à quelle époque pour venir voir si mes intentions étaient louables envers sa fille. Heureusement que mon père n’allait pas voir toutes les conquêtes de Tonia sinon, il y passerait sa vie entière tant ma sœur accumulée les hommes depuis deux ans. « Tout ce que je veux, c’est discuter avec vous. Maïa est adulte, elle sait ce qu’elle fait. Si ça veut dire être en couple avec vous, alors je respecterai ça » alors discutons si c’était ce que beau-papa voulait bien que personnellement, je n’avais pas grand-chose à lui dire. Il avait l’air gentil, je devais bien lui reconnaitre ça mais comment dire, je ne m’étais jamais imaginé lui servir un verre d’eau dans ma caravane pour me retrouver à recevoir des conseils matrimoniaux comme le prouvait ses paroles suivantes. « Je lui ai parlé de mes sentiments » rétorquais-je presque sur la défensive. « Attendez, vous êtes en train de me dire que vous voulez limite que je vous fasse une déclaration en bonne et due forme pour que vous puissiez aller la rassurer ? C’est une caméra cachée ? Vous allez pousser le vice à me donner des conseils sur la manière de coucher avec elle ou vous allez m’épargner cela ? » Lui demandais-je sur un ton amusé. Décidément, rien ne me serait épargné dans ma relation avec Maïa. « Je me doute aussi que je suis la dernière personne à qui vous voudriez en parler, mais je lui ai dit que si je pouvais l’aider en quoi que ce soit, je le ferai, alors je compte bien le faire maintenant » Noooon sans blague ? Il avait trouvé cela tout seul ?! « Ecoutez m’sieur, ce n’est pas contre vous, vous m’avez l’air vraiment prêt à aider votre fille mais les discussions de ce genre, c’est franchement pas mon genre ni même ma spécialité alors je ne vois pas trop comment on va faire. Je peux toujours vous faire une déclaration sur l’honneur si cela vous chante »

L’Art ou la manière de se mettre son beau-père à dos en deux leçons made in JD, à savoir moi-même ici présent bien que j’aimerais vraiment être ailleurs. Non mais sérieusement, il avait l’air sympathique mais je n’avais aucunement l’envie de jouer au patient et son psy et encore recevoir des conseils matrimoniaux de cet homme. Je ne le connaissais pour ainsi pas du tout et voilà qu’il débarquait comme une fleur, sourire aux lèvres pour me dire comment aimer sa fille. « Rahhhh ! S’il vous plait restez » m’exclamais-je sans trop savoir pourquoi. Peut-être un élan masochiste. « Pitié, je veux bien vous écouter, recevoir tous les conseils que vous voulez mais si vous vous lancez dans des explications scientifiques aussi tordues que celle de Maïa, je vous annonce de suite la couleur : je décroche ! » le prévenais-je avec un sourire malicieux. Franchement j’avais assez à essayer de comprendre Maïa pour me taper le père ensuite bien que me taper le père n’était pas la meilleures des expressions. « Je sais que vous voulez bien faire et que vous cherchez simplement à aider votre fille mais mettez-vous deux secondes à ma place. Je ne vous connais pas du tout, vous débarquez comme une fleur sur mon lieu de travail pour me dire : je vais vous donner des conseils pour votre couple. Sérieusement, vous auriez réagi comment ? Pour ma défense, c’est bien la première fois qu’un père vient me voir pour autre chose que me casser la gueule, cela change » rigolais-je de mes propres mésaventures. Il faut dire que j’étais assez coureur de jupon dans mon genre et j’avais certainement du briser un certain nombre de cœurs dans la nature mais c’était de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, il n’y avait que Maïa qui comptait à mes yeux. « J’aime votre fille mais je suis un boulet et je me doute que si vous êtes là, c’est parce qu’elle vous a dit à quel point je n’étais pas doué, c’est ça ? » le questionnais-je avec une certaine fatalité dans la voix. On peut dire que j’accumulais les conneries depuis que nous sortions ensemble. Je ne m’en cachais pas le moins du monde et si cela lui faisait plaisir de me donner des conseils j’étais… « Toute ouie m’sieur ! » Ok, il allait finir par croire que je me foutais de sa gueule alors je l’invitais sérieusement à reprendre notre conversation bien qu’intérieurement, je me disais que j’allais me faire chier comme un rat mort.

« Etes-vous comme elle le dit ? Etes-vous indépendant au point de ne pas vouloir vous attacher à elle pour être un couple ? Même la mère de Maïa vous aime beaucoup, elle me l’a dit elle-même. Seulement, elle veut juste que Maïa soit heureuse et il me semble que c’est ce que nous voulons tous les trois, je ne me trompe pas en disant cela, si ? » Et ce fut le drame le plus total de ma vie. Il n’était pas venu m’aider, il était venu me foutre une pression monstre oui !! En réalité, j’avais à faire à un sadique qui était venu simplement me pousser à bout pour que je craque et qu’il aille tout dire à ma petite-amie pour qu’elle me largue. Genre, ce type est un handicapé des sentiments, oublie-le très vite. Bien sûr, je pourrais très bien lui mentir, me faire passer pour quelqu’un d’autres comme lorsque je me glisse dans la peau de ce gigolo mais quelque chose me disait que le beau-père serait pas trop partant d’avoir un gigolo pour femmes mûres dans la famille –l’ironie voulant que j’ignorais tout des activités de ce dernier ; Enfin tout cela pour dire que je me retrouvais face à un sérieux dilemme : dire la vérité ou répondre ce qu’il voulait que je lui réponde. L’un dans l’autre, j’aurais tout faux. Dans le premier des cas, il s’empresserait de ranger sa fille dans un placard loin de moi et dans le second cas, je me foutrais dans la merde si un jour, l’engagement me foutrait la trouille. Ouais dans le pile ou face, ça m’aidait pas beaucoup. « Vous êtes sadique dans votre genre ?! » marmonnais-je en soupirant, m’installant confortablement sur la banquette. « Vous ne voulez pas m’aider moi, vous êtes simplement en train de me tester quoique vous disiez et ma foi, c’est de bonne guerre. Je sors avec votre fille et il est naturel que vous vous inquiétez de son bonheur mais l’un dans l’autre, vous n’êtes pas ici pour m’aider mais pour vous rassurer. Vous vous attendez à ce que je vous dise que j’aime votre fille, que je souhaite son bonheur et que je l’épouserai etc. » commençais-je avant de reprendre « Alors je vais vous le dire : oui j’aime votre fille, oui je souhaite son bonheur mais non, j’ignore si je suis prêt à m’engager. Ce n’est pas une question d’indépendance juste une façon de vivre. Je suis un nomade, regardez autour de vous, j’ai grandi dans un cirque et j’ai passé les vingt première années de ma vie sur les routes, sans attache. Est-ce que votre fille pourra changer ça ? Je n’en ai aucune idée. Je ne suis pas un homme qui fait des projets d’avenir, je vis au jour le jour. Est-ce que cela la blessera ? Très certainement. Seulement, si je peux l’éviter, je le ferais bien volontiers mais je ne suis pas parfait. Voilà ce que je peux vous répondre »

Je ne savais plus trop quoi penser de mon potentiel beau-père, il semblait soit vivre au pays des bisounours soit être une sorte de Dumbledore. L’un dans l’autre, il voulait apparemment sincèrement nous aider mais je doutais que Maïa ait réellement besoin d’aide. Ok, elle vivait les choses sur une autre planète et le plus souvent, je ne comprenais rien à rien à ce qu’elle me disait ou reprochait mais cela ne nous empêchait pas de communiquer voire de nous réconcilier. Je craignais simplement une seule chose : c’est ressentir cette pression sur les épaules qui me donnerait envie de me carapater le plus loin possible. J’étais simple dans mon mode de fonctionnement : je vivais à l’instinct. Je dansais, bossais, rigolais, bref, j’échangeais avec pour seule consigne de me sentir bien. Si ce n’était pas le cas, je me cassais tout simplement. La vie était bien trop courte pour se prendre la tête ou se presser le citron. Il y avait tant de choses à faire, à découvrir, à apprendre. J’aimais Maïa oui, c’était un fait non discutable. Est-ce que je l’aimais suffisamment pour avoir envie de me poser ? Aucune idée et je ne voulais pas le savoir car si je commençais à me farcir la tête de ce genre de question, il y avait une chance sur deux pour que je fasse tout foirer. L’avenir me donnerait raison et tort car si effectivement, j’allais tout foirer avec ma petite-amie, je saurais la reconquérir. Pour l’instant, j’étais loin de ce genre de préoccupation, plutôt en train de me demander ce que je faisais du beau-père car avec sa gentillesse et ses conseils, limite je m’attendais à ce qu’il me propose un bonbon au citron. « J’entends bien ce que vous me dites mais je ne vois pas trop quoi vous répondre. Je crois que vous avez tout dit ! Maïa et moi avons chacun notre passé et je pense que seul le temps nous dira si nous sommes faits l’un pour l’autre ou si nous ne ferons qu’un bref passage dans la vie de l’autre » haussais-je les épaules en levant légèrement les bras dans un signe évident d’impuissance. Qu’est-ce que je pouvais dire d’autre mise à part cela ?! Je présume que le père de Maïa avait fini sa mission et qu’il allait repartir avec l’assurance d’avoir été un bon père l’espace de quelques minutes. C’était tout le mal que je lui souhaitais. Pour ma part, un certain doute s’était insinué dans mon esprit me poussant à me poser des questions que je ne me serais certainement pas posé en temps normal.

Hrj : je sais pas trop quoi ajouter d’autre donc je te propose de le conclure soit avec ma réponse  soit avec la tienne.