« Mais Dillon, comment veux-tu qu’elle le sache si tu fais tout pour qu’elle croit le contraire ? Tu sais, pour l’avoir côtoyée plus que toi, elle n’est pas exactement le genre de femme à vouloir une grande histoire d’amour, de grands bouquets de roses et des déclarations d’amour à faire frémir un mort… je crois que Morgana te ressemble énormément ! Je ne saurais trop te conseiller de lui faire au moins comprendre que cela t’ennuie qu’elle ait choisi ton père… et que tu ne pensais pas ce que tu as dit. Je sais que demander pardon n’est pas nécessairement ton genre mais il ne s’agit pas de ça : plutôt de rétablir une vérité. Tu n’es pas obligé de passer toujours pour le vilain coincoin, tu sais. » Elvia, l’oreille la plus attentive de tout l’ouest des États-Unis mais aussi meilleure amie de Dillon, avait aussitôt rappliqué lorsqu’il lui avait fait signe. La belle suisse n’était jamais occupée dès qu’il s’agissait de lui remonter le moral, de le conseiller ou simplement de passer un moment avec lui loin de toute cette pression qui pesait fortement contre ses épaules. Mais à force de le côtoyer, la jolie blonde avait fini par connaître ses réflexes, au moins suffisamment pour savoir qu’il n’abdiquerait pas facilement et qu’elle ferait mieux d’aller trouver Morgana avant qu’un gigantesque gâchis ne soit fait. Elvia prit un taxi sitôt sortie de chez Dillon pour tenter d’aller plaider sa cause auprès d’une monégasque particulièrement en pétard contre lui. Manifestement, jusqu’à ce qu’elle n’écoute réellement ce que l’ancienne patineuse avait à lui dire, jamais plus elle ne voulait entendre jusqu’au nom de Dillon Wolf. Mais Morgana était intelligente et Elvia bien plus fine d’esprit qu’elle ne le laissait entendre de prime abord. Leur discussion s’étendit en longueur, au point que la brunette profite d’une soirée où Wolf père soit à l’autre bout du pays pour faire ses petites recherches sur l’endroit où le futur sénateur pouvait bien se trouver. Voilà comment elle s’était retrouvée en face de la porte de secours de ce bar, où elle savait qu’il allait finir par sortir parce qu’elle avait fait en sorte qu’il la voie avant. Un long moment, dans cette ruelle déserte, ils demeurèrent à se regarder en chiens de faïence, Morgana restant adossée au mur d’en face, bras croisés sur cette magnifique robe moulante lui donnant un air à la fois provocateur et diablement attirant, tandis que Dillon venait de refermer la porte derrière lui. « Je ne sais pas pourquoi tu veux passer pour l’enfoiré de service et je trouve ça navrant. S’autoflageller, y’a mieux je trouve comme traitement pour soi-même. Mais bon je ne suis pas toi. Seulement voilà : d’un côté j’ai entendu ce que tu as dit quand j’étais dans ta salle de bain et de l’autre je suis plus que tentée de te refaire le portrait parce que crois-moi, une bonne fessée ce serait pas du luxe pour toi ! Elvia est plutôt persuasive quand elle s’y met… alors dis-moi : tu en as dans le pantalon et tu vas assumer ce que tu penses vraiment ou je dois juste revenir d’où je viens et tant pis pour la vérité ? » Morgana lui laissait l’opportunité de lui donner n’importe quoi, même juste un indice. Mais ce serait la dernière fois… ramper ne faisait pas partie de son caractère et elle ne comptait pas le faire devant Dillon, jamais. Qu’il prenne ses responsabilités ou se taise à jamais, en somme…

Ah, dans le genre mufle il se posait là celui-ci ! Morgana leva les yeux au ciel aussitôt, signe d’extraordinaire exaspération. Finalement, la belle monégasque se demandait pourquoi Elvia s’était donnée tant de mal : Dillon Wolf n’avait strictement aucun intérêt pour autrui surtout lorsque cela ne servait pas ses petits intérêts immédiats. Morgana se demandait même comment elle avait pu le supporter et faire l’erreur de coucher avec lui ! « Rien à cirer que tu m’aimes bien, je voulais juste voir de mes propres yeux à quel point t’en as pas dans le pantalon, c’est tout. » Il voulait être cynique ? Alors parfait ! La jeune femme ne serait certainement pas la dernière et s’il fallait lui enfoncer la tête sous l’eau avant de disparaître, alors parfait. Ce n’était pas du tout ce qu’elle s’était imaginé comme début de soirée mais soit ! « Je me demande comment Elvia peut te supporter et pourquoi elle a perdu autant de temps à plaider ta cause. Dans le fond, tu es parfaitement bien tout seul ! Personne pour te faire chier ou te dire comment vivre… c’est ma faute, je ne devrais pas courir après les petits cons, je me trahie en faisant ça. Ne jamais tourner le dos à ses instincts… et pour info, le troisième âge, je ne me le suis pas tapé alors mets à jour tes infos l’ami ! » Morgana le toisait avec sarcasme, n’ayant pas hésité à se rapprocher pour n’être plus qu’à quelques millimètres seulement de l’américain, prouvant ainsi qu’elle n’était pas du genre à courber l’échine et qu’il n’était pas question une seconde qu’elle s’amuse à le faire, surtout devant lui. Plus jamais elle ne donnerait sa chance à quelqu’un comme lui, jamais… « Parfait, donc nous sommes d’accord, j’en déduis que ce que tu as dit à ton père quand j’étais dans la salle de bain n’était rien d’autre que du bluff pour emmerder ton vieux et auquel cas… on s’est tout dit, Monsieur Wolf ! » Pas de bonne soirée, pas de fioriture, rien. Comme Morgana à la base avait besoin de se défouler et qu’elle ne pouvait joindre personne… Vioryna était à la maternité, Elvia avait prévu une soirée romantique avec Gabriel, Louise faisait encore passer des examens quant à Nicolas, il était en galante compagnie. Quelle poisse ! Mais par chance, dès lors qu’elle fut accoudée au bar, le barman eut l’extrême bonne idée de lui servir un scotch d’entrée de jeu… après tout, les habitués ont tous leurs petits péchés mignons !

« Dans ton esprit ? » Depuis le temps, Morgana était passée maîtresse dans l’art très noble des joutes verbales. Après tout, il fallait savoir dégainer plus rapidement que l’adversaire, surtout lorsque l’on fait un job extrêmement masculin. La belle monégasque avait l’habitude qu’on la prenne pour la première courge venue, aussi la détente qu’elle avait dans les poings ne venait pas de nulle part et n’avait pas aucune raison d’exister… bien au contraire. « Tu as mérité le poing dans la tronche. Et si c’était à refaire, je recommencerais par principe, je ne pense pas que cela t’ait fait du mal… dans le milieu où je suis, pour moi aussi c’est marche ou crève, à ceci près que je suis une nénette, toi non, donc tu pars avec un avantage. Mais c’était jouissif de t’enlever l’avantage, une fois n’est pas coutume ! » Morgana restait quelqu’un de foncièrement rancunier, hélas, et il s’agissait bien de son plus gros défaut mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’entendait pas les paroles de Dillon. La preuve, dans le cas contraire, elle ne lui aurait pas arraché le verre des mains pour le boire cul sec. « Bah quoi ? Tu l’as dit toi-même, c’est mauvais pour toi ! » Diable, dans le genre chieuse, elle savait très bien se poser là. Mais elle attrapa Dillon par le bras pour qu’il la suive, ne lui laissant pas le choix ou même l’opportunité de se dégager de son emprise : il valait mieux qu’il abdique immédiatement quitte à être insupportable après car son bras… elle avait tout le loisir de le lui briser si l’envie lui prenait. Et puis quelque part, elle n’avait aucune intention de s’épancher dans un bar, elle préférait mille fois se retrouver dans sa voiture, qu’elle démarra en un tour de main. Rien de tel pour se sentir libre et capable de parler sans crainte d’être écoutée. « Tu as beau avoir de l’expérience en matière de coucherie, tu es réellement nul à chier dans le sujet que moi je maîtrise le mieux : les gens. Et surtout au niveau des femmes ! Je pensais au départ que tu resterais sur tes positions et que tu ne voudrais surtout pas briser ton petit rituel en changeant de nénette tous les soirs… mais en ce qui me concerne, j’ai uniquement accepté d’épouser ton père pour t’emmerder… avant de changer d’avis le lendemain. Il a dû se venger sur toi d’une quelconque manière, non ? Je suis imprévisible et particulièrement fière de l’être, mais je ne serais pas revenue si Elvia ne me l’avait pas demandé. Je savais très bien que tu resterais campé sur tes positions, positions que tu n’as d’ailleurs toujours pas quittées. Même si je suis bien meilleure que le whisky, franchement… et puis c’est pas ma faute si tu as la mâchoire en mode beurre aussi ! »

Rien que le terme de « sortir » manqua de provoquer une indicible nausée à Morgana. Disons que dernièrement, elle avait peiné à se reconnaître ou même à agir avec discernement. Qu’est-ce qui lui arrivait bordel de dieu ? Depuis quand était-elle si sentimentale, tiens ! Elvia et Vioryna avaient une fâcheuse tendance à déteindre sur elle, tant et si bien que l’envie de partir à l’autre bout du monde accompagnée par Nicolas, Louise et un simple sac à dos de randonnée lui frappa l’esprit. C’est exactement ce qu’elle marmonna dans son âme et conscience tandis que Dillon se lançait dans son propre laïus, ne manquant pas de lui provoquer un soupir à chaque mot. Merde, il ne pouvait pas juste se la fermer deux minutes qu’elle rassemble ses idées ? Techniquement parlant, dans un moment pareil, la demoiselle se tournerait vers son père, toujours d’excellent conseil, mais quelque chose lui disait que la donne risquait d’être fortement compromise pour l’instant. Celui-ci passait la nuit à l’hôpital pour sa rééducation et verrait d’un très mauvais œil que sa fille fricote avec son patron… ou plutôt ancien patron, puisqu’elle s’était fait renvoyer comme un vêtement usagé. Certes, Morgana pourrait avoir vu son amour propre blessé dans l’affaire mais en vérité, elle s’en moquait. Les contrats ne manquaient pas, elle n’avait plus qu’à choisir celui lui plaisant le plus… et puis un peu de vacances n’avait jamais fait de mal à personne. « C’est vrai, le grand Dillon Wolf qui fait des efforts, ce serait mémorable ! » se moqua-t-elle alors qu’ils se trouvaient dans la rue des bureaux du groupe Wolf. Il ne fallait pas croire, même d’une oreille distraite, la belle monégasque avait entendu ce qu’il disait et puisqu’elle ne connaissait certes pas son adresse, il n’y avait nulle part ailleurs où elle pouvait bien le déposer. Pour la beauté de la forme, d’ailleurs, elle freina particulièrement brusquement comme s’il s’agissait d’une décision de dernière minute… mais n’était-ce pas le cas, justement ? « Alors dégage. Va mener ta petite vie dans ton coin et surtout lève ton séant du cuir de ma voiture. Puisque c’est sûrement ton dernier mot et que j’estime avoir suffisamment argumenté de mon côté, ma foi… je ne vais pas pleurer dans les chaumières et sûrement trouver quelqu’un sur qui user de mes charmes. » Morgana arqua un sourcil de défi, le visage marqué par une impassibilité parfaite tandis que son sourire insolent avait totalement disparut. « Dégage ou c’est moi qui le ferait pour toi et crois-moi, ce ne sera pas agréable. »

Finalement, Morgana redémarra sans même un mot, bien trop consciente du nombre incalculable de caméras se trouvant tout autour d’eux et que le fait de faire une scène maintenant n’était guère avisé. La belle monégasque se terra dans un silence parfait, le temps de rassembler ses pensées, ne s’arrêtant que bien plus tard devant un immeuble ne payant pas de mine mais possédant un certain charme tout de même. A vrai dire, il s’agissait du sien, dans une rue tranquille et sans caméras intempestives, mais mieux encore : sans paparazzis potentiels présents pour dénaturer considérablement la vérité. « Je sais très bien ce que je veux mais je n’avais pas l’intention de ramper comme un parfait toutou obéissant. Jusqu’à ce que tu ne m’offres ton charmant petit laïus je te signale que tu agis comme si tout le monde te devait tout et c’est horripilant à la longue car personnellement je n’estimais pas te devoir quoi que ce soit. Je suis venue pour voir si le portrait que m’a dressé Elvia était vrai ou si je perdais purement et simplement mon temps. Je ne suis pas venue pour te changer ou faire de toi un parfait toutou avec le poil soyeux, ce n’était vraiment pas le but de la manœuvre à vrai dire. » Mais si elle savait parfaitement ce qu’elle voulait, Morgana n’avait pas pour autant l’intention de lui faciliter la tâche, sinon ce ne serait pas drôle. Pour la forme, d’ailleurs, elle ne manqua pas de lui offrir une toute petite gifle pour ce tempérament d’enfoiré dont il faisait preuve pour rien alors qu’il finissait par changer de fusil d’épaule au final… exactement comme en présence de son père. Soit Dillon refusait de se simplifier la vie, soit il avait des tendances masochistes mais la gifle donnée par la brunette ne fut guère virulente, elle voulait simplement qu’il comprenne le fond de sa pensée par les gestes puisqu’elle ne comptait pas se lancer à son tour dans un petit laïus tout de suite. Cela viendrait… mais plus tard. « T’es vraiment chiant comme la pluie ! » s’exclama-t-elle avant de capturer fougueusement ses lèvres, faisant aussitôt monter la température pour mieux se raviser légèrement ensuite en s’éloignant. « Petit challenge pour toi Boby : passe la nuit chez moi mais chastement. »

« Chaste, ça veut dire que tu gardes tes mains chez toi ! » lança-t-elle sans l’ombre d’une douceur. Le pire ? C’est que Morgana n’aurait pas pu être plus sérieuse. Pour une fois qu’elle devait expérimenter quelque chose d’autre que ses simples défis dans des bars, alors autant dire qu’elle allait tenter de faire les choses en grand en changeant sensiblement sa manière d’être… sans quoi elle n’avait plus qu’à parier cent dollars avec Nicolas qu’elle se le retapait dans la nuit et le lendemain, elle le virerait de chez elle avec sa délicatesse habituelle. L’intérêt ? Inexistant. Autant qu’il s’y fasse, il était impossible de savoir où elle allait « frapper » tant elle se montrait imprévisible. C’était souvent pénible, mais ça n’en restait pas moins véritable et impossible à éviter… « Je suis allergique à la plupart des matières de pyjamas et de nuisette donc je ne mets rien… et ce ne sont pas des blagues » énonça-t-elle le plus sérieusement du monde, haussant les épaules sans sourire particulièrement, tentant de capter la moindre réaction de la part de Dillon. Allait-il tenir ? Mystère et balle de golf. « Tu as relevé le défi de conquérir un poste de sénateur et tu ne saurais pas garder tes mains chez toi ? Allez, ne me fais pas rire et relève fièrement le défi ! » reprit-elle tout en quittant la voiture, follement amusée de la torture qu’elle risquait de lui infliger. Ma foi, cela lui faisait légèrement payer son manque cruel de tact… cette vengeance allait avoir un goût follement divin. D’autant que l’américain se consolerait sûrement avec la récompense potentielle auquel il pourrait avoir droit, si toutefois il était en mesure de tenir la distance, ce qui n’était pas encore dit pour l’instant. « Qui m’aime me suive » reprit-elle en ouvrant la porte de son immeuble, la lui tenant afin qu’il lui emboite le pas, le conduisant dans son antre la plus privée et la plus inexplorée qui soit. Seuls Louise et Nicolas y étaient venus en dehors de son père… même Elvia et Vioryna n’avaient pas encore invitées. C’était décoré avec folie et goût, il y avait beaucoup de bordel –bien que ce soit extrêmement propre, ainsi qu’un bar particulièrement garni de bouteilles d’alcool de collection pour la plupart. « Je t’offre quelque chose ? » A boire, sous entendu, bien évidemment.

« Bien sûr que je jubile, c’te bonne blague ! Mettre à mal la volonté de fer du tristement célèbre Dillon Wolf, ça vaut son pesant de cacahuètes en plomb… mais je sais être reconnaissante, je ne suis pas une ingrate » ajouta-t-elle avec malice, comme pour apaiser la torture qu’elle lui imposait de fait. Le plus étonnant, c’est qu’il avait accepté. Au départ, Morgana s’était figuré qu’il refuserait purement et simplement cette abstinence forcée, n’estimant pas lui devoir quoi que ce soit et surtout pas d’agir contre ses principes les plus fondamentaux. Rien qu’en cela, en quelque sorte, il forçait déjà son respect. Voilà pourquoi elle lui offrit son plus beau sourire, marqué par d’une évidence sincérité tandis qu’elle se dirigeait vers son petit bar pour lui faire ZE cocktail de fruits sans alcool. Autant dire que ses fruits étaient frais et qu’il allait redécouvrir le vrai goût des bonnes choses avec elle : avec le nombre de coupes et de médailles présentes dans son salon, difficile de ne pas imaginer Morgana tout savoir sur comment avoir une hygiène de vie des plus saines. « De toute façon si on faisait un concours de boisson du type Cardinal Pofpof je crois que je te mettrais la pile, ce ne serait absolument pas fun… tu vas goûter le délice de Morgy et tu vas devenir accro : effet garanti ! J’espère en tout cas que tu es flatté parce qu’à part Nico, Louise et mon père, personne n’est jamais venu ici. Même mon boss m’attend en bas de mon immeuble les rares fois où il vient me chercher. Mais c’est vrai que comparé à ton absence de déco… franchement quand j’ai vu ton appart’ pour la première fois, j’avais envie de faire un saut chez Ikea direct ! » Morgana éclata de rire toute seule, se lâchant nettement plus maintenant qu’elle se trouvait à l’abri des regards indiscrets. Tout en lui tendant son verre, d’ailleurs, elle reprit : « Goûte-moi ça ! Ca va te détendre… »

Tiens donc, l’héritier Wolf donnait dans le bricolage, première nouvelle ! Bon, d’accord, Morgana ne s’était pas réellement intéressée à ses passions lorsqu’elle avait fait quelques recherches à son sujet. Mais après tout, elle n’avait pas franchement besoin de savoir s’il préférait le bois ou le métal, s’il voulait se taper un manoir à retaper ou ce genre de sujet n’ayant strictement rien à voir avec son boulot de garde du corps… ou plutôt ancien boulot, ancien contrat puisque Wolf fils n’était plus rien pour elle à ce niveau là depuis qu’il l’avait renvoyée comme une mal propre. Bah, elle n’était pas du genre à pleurer dans les chaumières, elle saurait retrouver d’autres contrats, après tout, sa réputation parlait pour elle et ce n’était pas sans raison que Del Toro l’avait embauchée. Bien au contraire, c’est justement parce qu’elle avait su briller et se rendre indispensable auparavant qu’il avait accepté de la prendre dans son agence et de lui trouver des contrats. Dans le pire des cas, si Del Toro s’estimait floué et la renvoyait… Morgana se savait suffisamment débrouillarde pour faire autre chose, ou trouver une agence différente. Un chat retombe toujours sur ses pattes ! « Ca risque de soulager ton garde du corps si tu bouffes de la poussière à longueur de journée dans ton manoir à retaper… mais si Pô a un endroit pour se dépenser, il va te foutre une paix royale : les chiens sont nettement plus calmes quand ils se dépensent. Les apparts les rendent dingue, j’en sais quelque chose, les miens ne sont jamais ici, je les laisse toujours chez mon paternel quand je ne suis pas chez moi. Mais ils me manquent mes boules de poil, j’peux pas leur faire des beusous. J’suis en manque. » Morgana avait débité son discours avec un extraordinaire sérieux avant qu’un sourire insolent et canaille ne se dessine contre ses traits fins. Elle haussa finalement les épaules, accueillant son compliment sur son cocktail avec plaisir mais aussi avec pudeur : elle détestait qu’on lui passe la pommade, bien qu’il ne s’agisse pas de ça et qu’elle serait bien emmerdée avec Dillon Wolf pour obtenir des compliments ! Mais elle n’était pas habituée à en recevoir et souhaitait que cela reste ainsi. Qui dit compliment, dit retour à l’envoyeur et disons que la demoiselle était plutôt avare elle-même en la matière. « Des talents ? Si l’on part du principe tout à fait véridique que j’ai un gros standing à respecter, je me démerde en déco et en peinture, je sais comment fonctionne le moteur de ma voiture, je suis une merde internationale en cuisine excepté en pâtisserie… oh et je suis redoutable en escrime aussi ! C’est utile ça quand tu veux effrayer un type qui t’a manqué de respect et que tu apprends qu’il se marie, franchement tu fais sensation si tu te pointes tout en tenue. Effet garanti ! Je suis un peu rancunière, j’avoue. » Morgana haussa à nouveau les épaules ne cachant pas ses défauts comme elle avait l’habitude de le faire : il n’était plus utile de lui donner du « monsieur Wolf » ou même de faire preuve d’un vocabulaire parfait… elle n’en n’avait plus rien à cirer désormais. « Il n’empêche que c’est couillon d’avoir tout un manoir à retaper avec ton emploi du temps… vu que je le connais je me demande sincèrement comme tu vas te débrouiller pour le retaper ton manoir ! Par procuration ? »

« Je n’aime pas qu’on me trahisse. En général je suis assez violente quand quelque chose me déplaît, question d’éducation. Va falloir t’y faire, je ne suis ni milliardaire ni la parfaite petite poupée qui se la ferme dès qu’on hausse un peu la voix. » Morgana était un peu extrême dans ses méthodes, certes, mais d’un autre côté elle n’était ni fourbe ni peu fiable. Dillon saurait toujours à quoi s’en tenir avec elle, qu’importe ce qu’il pouvait advenir entre eux. Et en parlant de ça, la brunette, plutôt que d’avoir honte d’avouer s’être pointée en mode escrimeuse au mariage de son ex, elle l’avouait avec fierté, comme s’il s’agissait d’un coup réussi de main de maître. Mais c’était le cas ! Peut-être autant que le fait d’avoir acheté un manoir à retaper pour Dillon en vérité. « C’est bien connu, t’es un petit bichon qui mériterait un câlin et un beusou… » le singea-t-elle sans aucune pitié, non sans lui offrir son plus beau sourire la seconde d’après. Sadique ? Peut-être un brin, quand elle s’y mettait. Mais quelque chose lui disait que Dillon n’était pas quelqu’un ayant l’habitude de subir une quelconque chasteté quelque en soit la source et il risquait d’être hautement tenté de tous les côtés… à moins qu’il ne s’enferme vraiment dans son manoir à retaper, avec pour seul compagnon le tristement célèbre Pô. Morgana s’amusa de cette image, sans la jalouser une seconde avant de secouer vivement la tête de droite à gauche. « Je dois me sentir flattée évidemment ? Je me demande combien de temps tu vas tenir avant de devenir barge… mais c’est d’un quelconque réconfort, je fais chasteté suite à un pari débile avec mon meilleur pote Nicolas. Trois cent dollars en jeu à qui tiendra au moins quatre jours… je ne suis pas comme toi, je ne cracherais pas sur trois cent dollars pour diverses raisons aussi c’est un challenge comme un autre ! Pas vrai ? Puis si tu avais la vie trop facile ce ne serait pas fun… une extase avec moi, ça se mérite ! » Ce qui serait moins fun c’est qu’il cherche à la tenter car effectivement, Morgana avait besoin de ces fameux trois cent dollars… mais loin d’elle l’envie de demander la charité à qui que ce soit.