« Fuck… my chest is just like stone… » Pourquoi avait-elle parlé anglais ? Un simple réflexe car Morgana se trouvait dans ce qui lui semblait être un hôpital, des pansements recouvrant sa poitrine et une vive douleur en émanant. Que c’était-il passé ? La jolie monégasque se souvenait d’une soirée avec Elvia et Vioryna, d’une discussion sur la séduction, de cris et puis… le noir complet. Depuis combien de temps était-elle inconsciente au juste ? Vaste question. En vérité, après être sortie de chirurgie, la demoiselle était restée pas moins de trois jours dans le coma. On lui avait enlevé le respirateur ce matin, suite à des pulsations cardiaques plus normales et les médecins étaient restés pessimistes jusqu’à ce qu’elle n’émette un léger gémissement de douleur. Qui dit douleur… dit conscience à priori. Là, elle peinait simplement à ouvrir les yeux, cherchant à revenir définitivement dans le monde des vivants alors qu’une silhouette se dessinait peu à peu devant elle. Était-ce son père ? Nicolas ? Louise ? Les trois avaient fait un scandale pour avoir des nouvelles durant tout le temps qu’avait duré l’intervention, se rongeant littéralement les sangs. Louise et Nicolas avaient pleuré de concert dans les bras du père de Morgana, sans que personne ne se doute qu’actuellement, c’était Dillon qui se trouvait à son chevet. « Je pensais que t’étais pas sentimental » articula-t-elle avec difficulté lorsqu’elle comprit l’identité de son vis-à-vis. « Mon père n’est pas là ? » osa-t-elle demander soudainement. Son père avait dû partir pour ses soins, bien qu’il n’ait pas fallut moins de cinq infirmiers plus deux vigiles pour le tirer de la chambre de sa fille, quant à Louise et Nicolas, ils n’avaient malheureusement pas pu prendre leur journée et avait promis de revenir dès la fin de leurs services respectifs. C’était presque étonnant que Dillon ait été seul en mesure de se libérer… lui qui courait tant après le temps d’habitude. « Tu as une tête à faire peur… j’ai loupé quoi de beau ? » Morgana avait conscience de s’être pris une balle. Elle savait que son bras comme sa poitrine lui faisaient un mal de chien… mais elle avait besoin de penser à autre chose.

« Si j’ai vraiment trente secondes à perdre, je vais pleurer sur ton petit cas parce que tu t’es fait distancer dans un pari ! Faut avoir plus de flair, qu’est-ce que tu veux que je te dise ! » Satisfaite qu’il ait perdu un pari ? Peut-être. Après tout, une petite leçon du genre ne pouvait pas lui faire de mal. Mais il n’y avait ni méchanceté dans cette réaction, ni même de vexation parce qu’il était incapable de faire preuve de davantage de douceur… sûrement l’aurait-elle envoyé bouler s’il l’avait traitée comme une pauvre petite bichette sans défense, chose qu’elle était loin d’être en temps normal. En tout cas, Morgana poussa plusieurs grognements face à ses paroles suivantes certes, mais ce n’était qu’à cause de la vive douleur qu’elle ressentait dans la poitrine, pas parce que sa présence lui déplaisait, bien au contraire. « Puis d’abord, qu’est-ce que tu flanques aussi tard ici ? Ca doit être parce que t’as rien d’autre à faire, hein ? Corrige-moi si je me trompe surtout mais contrairement à toi j’ai un excellent flair ! » De toute évidence, la joute verbale était devenu leur moyen de communication mais Morgana n’en n’était pas fâchée. Pour une fois elle n’était pas face à quelqu’un qui avait peur de lui tenir tête, ou qui l’ignorait superbement. Elle préférait mille fois qu’il lui dise merde de vive voix plutôt qu’il ne regarde ailleurs à chaque fois qu’il la croisait… même si en l’occurrence, l’entendre rire aux éclats face à l’information qu’il lui donnait sur son père fut on ne peut plus étonnant, surtout qu’elle dû se tenir la poitrine pour éviter que cela ne tire sur ses fils de points de suture encore frais. « C’est un Rose ! Donc un emmerdeur… pourtant ils le savent ici qu’il est pas fichu d’être à l’heure pour ses soins… mais le connaissant, il a voulu camper ici et ils ont refusé, donc ils ont dû le virer avec pertes et fracas. Ca m’éclate rien que d’imaginer la chose ! » Sauf que son sourire disparut dès lors que Dillon lui donna des nouvelles des deux miss ayant vécu avec elle l’espèce de scène horrifique les ayant toutes les trois conduites à une déchéance dont elles avaient le secret. Celle qui l’inquiétait le plus ? « Faudra que je vois Vivi. C’était stupide et j’aurais dû retenir Elvia de lui faire faire un truc aussi débile ou enfin je suis censée savoir gérer ce genre de merde… dès que je sors d’ici j’irai la voir. Et sinon toi à part avoir perdu un pari, tu n’as pas d’autre complainte à soumettre ? Histoire que tu te lâches et qu’on passe à autre chose. »

« Je veux bien un bisou et un câl… hein ? » Tout en arquant un sourcil, Morgana passa singulièrement de la souffrance physique à la surprise puis au rire. Oui, il valait bien mieux rire plutôt que de lui faire comprendre que si cela le faisait chier, il pouvait toujours se casser en prenant en prime la porte dans la tronche histoire de lui faire définitivement les pieds. Avec Dillon, s’énerver ne servirait à rien et puis de toute évidence, il ne lui avait rien promis : elle ne devait donc rien attendre de sa personne. « Okay, bah si tu veux dégager t’es pas aveugle, la porte est juste en face de toi ! La prends pas dans la poire, ça risquerait d’être douloureux… pour ma part j’ai trop faim pour réfléchir. » Demander de l’aide ? Jamais. Un Rose supporte mais ne se rend pas. Voilà pourquoi elle se mit à chercher le premier fauteuil roulant des yeux pour mieux s’apercevoir qu’il se trouvait juste à côté du lit, comme mis à sa disposition personnelle. Elle balança son drap sur le côté, se hissant contre l’engin de malheur qu’elle n’avait jamais eu l’habitude de maîtriser pour mieux y mettre sa perfusion en cours. Ca ne devait pas être bien sorcier, il fallait juste qu’elle pousse à l’aide de ses bras, et ce n’était pas une foutue intervention chirurgicale qui allait annihiler des heures et des heures d’entraînements physiques. « Bon ben… à la revoyure Wolf ! Bon courage pour la suite ! » Peut-être Morgana était-elle un tantinet vexée. Elle ne s’en cachait pas d’ailleurs, et cette petite fuite lui permettait justement de s’éloigner de la source de son trouble. Dillon Wolf l’avait vu dans un moment de faiblesse particulièrement extrême, et elle voulait chasser elle-même cette idée de son esprit. Voilà pourquoi elle quitta rapidement la chambre, après un salut presque militaire histoire de dire, pour mieux longer les couloirs interminables de ce foutu hôpital de malheur qu’elle préférait ne côtoyer que de loin déjà d’ordinaire. Elle y avait passé plus de temps qu’à son tour après l’accident de son père, et voilà qu’elle risquait d’y être clouée pour un temps interminable… oh elle ne comptait pas rester des plombes si elle pouvait obtenir une autorisation de sortie, mais il fallait qu’elle se rende à l’évidence : elle parvint à la cafétéria en peine, la poitrine la brûlant, et la main droite saisie de tremblements particulièrement incontrôlables. Elle s’assit donc tout au fond de la pièce déserte à cette heure-ci, priant pour que quelqu’un vienne lui prendre sa commande et par une chance incroyable… ce fut le cas. « Je veux quatre muffins, six pancakes, deux sandwich dinde et salade, trois petits cookies que je vois là bas et un sachet de bonbons si vous avez. Le tout à emporter ! » Morgana avait envie de s’empiffrer dans le plus grand secret, et c’est pourquoi elle contourna les « autorités » pour se rendre dans le parc bordant l’hôpital… elle n’aurait pas pu aller plus loin étant donné la fatigue physique étant la sienne. « Quitte à faire péter le régime, autant que ça en vaille la peine… CQFD ! Ca manque d’un bon vieux Kung-Fu Panda cela dit… »

« Pas un régime de nénette, mais j’ai pas envie d’être un poids mort dans mon job, crétin ! Tu peux pas comprendre, tout ce que tu fais c’est faire risette et signer des papelards… t’as juste besoin de ce qui te sert de cerveau, et de deuxième cerveau je suppose aussi. » Ne pas se sentir vexé par sa remarque, car elle n’avait pas tort : même si cela demandait tout de même une santé de fer que de se lancer dans une course politique, il n’empêche que Dillon avait davantage besoin de son intelligence que de son corps. Pour Morgana, c’était exactement l’inverse et cette balle prise n’arrangeait donc pas ses affaires, surtout pas alors qu’elle constatait que les tremblements de sa main n’avaient de cesse de croître depuis son réveil. Sûrement était-ce normal, mais la monégasque ne manquerait pas de harceler tous les médecins qu’elle trouverait sur son passage afin d’être sûre de pouvoir remédier à la chose… « Hey, t’as pas le droit à des bonbons toi ! » maugréa-t-elle, sourcils froncés. Pourquoi ne la laissait-il pas en paix ? Morgana n’était pas exactement en forme pour s’adonner à ses joutes verbales habituelles et risquait fort de devenir hargneuse s’il lui cherchait continuellement des poux. A ceci près que sa réplique qui tue s’étouffa d’elle-même dans sa gorge lorsqu’il déposa un frêle baiser sur ses lèvres avant de ne la soulever pour s’asseoir lui-même sur le fauteuil, la supportant sur ses genoux à sa plus grande stupeur. Celle-là, elle ne l’avait clairement pas vue venir mais on ne pouvait pas dire que cela lui déplaisait en soi. La preuve, elle cala même sa tête contre son torse, fermant les yeux une seconde pour se satisfaire des battements réguliers de son cœur lorsque sa dernière phrase lui arracha un petit ricanement quasi mesquin, bien qu’il ne fallait pas le prendre comme tel car ce n’était bien que du second degré. « Alors là j’aimerais bien voir ça ! Essaye de m’en coller une pour voir histoire que j’t’en colle deux ! T’es pas trop inconfortable en fait. En coussin, tu pourrais presque faire l’affaire. » Il avait décidé de l’emmerder ? Qu’à cela ne tienne, elle lui rendrait la monnaie de sa pièce ! Elle prit donc le sachet de bonbons de son bras valide pour mieux le secouer en l’air, se redressant d’un même temps comme pour le défier. « Les bonbons ça se mérite et tu m’as fait un bisou merdique en plus de m’insulter depuis mon réveil. Mais en signe de bonne volonté promis, la prochaine fois que je prends une balle tu n’en sauras rien. »

« Ouais bah sois un peu plus un coussin et tais-toi ! » plaisanta-t-elle avant de reprendre son sachet de bonbons, parce que merde, elle l’avait payé avec son petit pécule et la fourmi avait oublié d’être prêteuse ! Du moins jusqu’à ce qu’il ne lui offre un baiser particulièrement passionné qui changea un tantinet sa façon de voir les choses. Morgana demeura sans souffle de longues minutes et ce ne fut qu’avec d’autant plus de surprise qu’elle accueillit sa confidence : il s’était inquiété ? Hormis son père, Louise et Nicolas, personne ne s’était jamais intéressé à sa personne et donc personne ne s’était jamais inquiété pour elle. La monégasque mettait le cas de Javier Del Toro de côté car il s’agissait tout de même de son patron, et c’était davantage une relation de respect qui s’était instaurée entre eux. « C’est clair que par rapport à moi tu dois forcément cogner comme une fillette » plaisanta-t-elle en partageant cette fois-ci son butin, en signe de bonne foi. Elle savait très bien que son bras allait l’emmerder, il n’y avait qu’à voir ses tremblements pour savoir que ses soucis étaient loin de se régler. Elle tendit d’ailleurs la main pour lui montrer que si celle-ci restait statique quelques secondes, dès qu’elle forçait trop, des tremblements intenses apparaissaient. « C’est la merde » souffla-t-elle sans pour autant donner dans le ton larmoyant. Ca l’énervait plus que ça ne l’attristait. Mais il fallait dire qu’elle n’était pas une pleurnicheuse née… « Je ne vois pas très bien quel genre d’aide on pourra bien m’apporter surtout si je ne peux pas bosser, mais bon… je suis pas encore sortie de cet asile alors j’ai bien le temps de m’emmerder avec ça ! »