« Où diable ai-je mis ce bouquin !! » Ils avaient craqué. Shaun et Anaé n’avaient pas mis longtemps avant d’acheter le bateau leur ayant justement tapé dans l’œil pour mieux s’installer dedans le weekend ayant suivi. Le pompier de son cœur jouait le jeu et se rendait aussi disponible que possible, tandis que la jolie française avait fini par céder à la tentation, non sans qu’Adrian ne vienne la persuader par-dessus le marché de reprendre ses études. Son ami d’enfance pouvait l’aider, qui plus est. Résultat, lorsque Shaun était à la caserne, elle restait sagement au bateau, comme elle le lui avait promis, tout en cherchant à se remettre dans le crâne les termes techniques que son cerveau avait malheureusement oublié. La journée venait de passer à la vitesse grand v, tant et si bien que la demoiselle était en chemise courte et culotte, un bouquin à la main, totalement désintéressée du monde extérieur. Elle n’entendit même pas la porte de la cabine s’ouvrir qu’elle essayait de détendre ses cuisses ankylosées en exécutant des mouvements souples et gracieux, un bouquin dans une main. Si n’importe qui d’autre s’était adonné à la chose, cela aurait été ridicule, mais Anaé parvenait à donner une touche classe à l’ensemble… ce qui n’était pas peu dire. « Voilier de rive droite à tendre suivant la virée venteuse… » énonça-t-elle à haute voir avant de ne se tourner souplement et de pousser un cri suraigu en apercevant enfin Shaun devant elle. La jolie française en avait littéralement laissé tomber son bouquin, paniquée par cette vision aussi inattendue que divine. « J’étais concentrée et je n’ai pas du tout entendu la porte de la cabine… » se défendit-elle, s’apercevant qu’elle y avait passé la journée non stop, non sans avoir eu le réflexe de manger tant Charly l’avait rendue ogresse. La preuve, son ventre gargouillait à nouveau avec insistance, comme si elle n’avait pas mangé depuis des semaines. Il n’y avait plus qu’à espérer que Shaun n’en conclurait pas qu’elle ne s’était pas nourrie, trop absorbée par ses études… Anaé avait une fâcheuse tendance à ne pas savoir s’arrêter mais tout de même. « Ta journée n’a pas été trop ardue mon amour ? » demanda-t-elle d’une voix douce, se penchant enfin pour ramasser son impressionnant ouvrage.

Anaé lâcha aussitôt son bouquin face à la remarque de Shaun, s’approchant ensuite pour lui ôter sa bouteille des mains et lui offrir un baiser de bienvenue des plus appréciables. D’ailleurs, elle prit particulièrement son temps afin de lui montrer qu’en dépit de toute sa concentration, son pompier lui avait manqué et qu’elle remarquait son absence, même si elle essayait d’abattre un maximum de travail avant la naissance de leur fils. A ceci près que ses révisions lui semblèrent lointaines lorsqu’elle le plaqua sans violence contre le frigo, prolongeant cette étreinte comme si elle ne l’avait pas touché depuis des semaines. Faisait-elle cela pour apaiser son manque de réactivité récent ou bien pour compenser de cette journée en demie teinte qu’il venait juste de passer ? Un peu des deux, sans doute. Il ne fallait pas croire, la demoiselle n’était pas aveugle et avait conscience des choses… y compris de ses récentes activités lui ayant pris un temps fou. « Je n’ai pas mangé, je me suis hélas gobergée… » avoua-t-elle non sans une pointe de honte sans pour autant s’écarter réellement de son fiancé, poursuivant ce petit moment délicat en frottant légèrement son nez à celui de Shaun en mode bisou d’eskimo. « Je vais faire en sorte que tu passes une meilleure soirée, alors… tu penses qu’un petit massage t’aidera ? » Inutile de lui demander de l’interroger sur ses récentes leçons apprises, la jolie française ne comptait pas lui faire cet affront et puis… ils avaient besoin de passer un vrai moment câlin ensemble. Charly avait l’air d’être tout à fait du même avis puisqu’il enchaînait les tous petits coups, comme pour donner son avis et inciter ses parents à se retrouver tous les deux ensemble… « Mon gratin dauphinois !! » s’exclama-t-elle soudainement, s’écartant de Shaun avec panique en se dirigeant vers le fou pour retirer le plat avec deux maniques sur les mains pour éviter de se les brûler. Par chance, son plat avait l’air diablement appétissant et l’odeur embauma aussitôt leur petite cuisine, prouvant deux choses : la première, que ses envies de femme enceinte étaient on ne peut plus culinaires quand elles s’y mettaient, et la deuxième, qu’elle n’avait pas oublié de se comporter en parfaite future épouse en préparant d’avance un plat sympathique pour le retour de Shaun. « Je pensais que tu allais rentrer une heure plus tôt alors… normalement j’ai régulé la cuisson mais j’espère que ce sera aussi bon que prévu ! Ca te fais envie j’espère… »

« Tu me trouves énorme ? » s’inquiéta soudainement Anaé, feignant de craindre d’avoir pris quinze kilos sans en penser un mot pour autant : il fallait dire que son gynécologue n’avait eu de cesse de la tanner pour qu’elle ne prenne pas trop de poids… la raison ? Ses hanches trop fines. Elle ne parviendrait jamais à mettre au monde son bébé par voie naturelle si celui-ci s’avérait de plus de trois kilos grand maximum ! De quoi avoir peur surtout lorsque l’on est confronté à des tas d’envies toutes plus incontrôlables les unes que les autres. Shaun n’avait donc aucun souci particulier à se faire : Anaé ne serait jamais une crève la faim ! « C’est bien que tu sois allé décompresser avec eux. Je suis tentée de dire que cela me fait moins de travail après pour te détendre mais peut-être serait-ce aller trop loin… en tout cas avant que nous ne nous jetions tous les deux sur mon plat, je pense qu’un massage s’impose, voilà qui te laissera le temps de te sortir la chanson de la tête, qu’en penses-tu ? » La jolie française n’était pas de la trempe de celles qui tapent un scandale en bonne et due forme parce que leur compagnon ou fiancé se rendent dans un bar après le travail pour partager un verre entre collègues, potes, etc. Anaé préférait savoir ce qu’il avait fait bien sûr, mais ne lui demanderait jamais avec qui ou même d’autres détails. Elle partait du principe qu’elle pouvait avoir une confiance aveugle en lui et que si détails il devait y avoir, alors Shaun serait sûrement le premier à lui en faire part. Pour l’instant, la jeune femme se concentra sur le fait de l’allonger confortablement sur le lit qu’elle avait fait au millimètre, comme si elle avait un jour été à l’armée : après tout, elle comptait bien devenir navigatrice, non ? Alors comme on fait son lit on se couche. Autant dire qu’elle ne perdit pas de temps avant de lui enlever sa chemise, sans arrière pensée mais plutôt en ayant bien en tête le massage qu’elle allait lui administrer. « Installe-toi confortablement je vais chercher de l’huile de massage. » Autant dire que l’irlandais allait être comme un coq en pâte puisqu’il allait goûter pour la première fois à ZE massage effectué par Anaé. Elle retourna auprès de lui en cinq secondes à peine et plaça chacun de ses genoux de chaque côté des hanches de Shaun, se trouvant au dessus de lui pour mieux commencer effectivement le massage. « C’est fou ce que tu es tendu… laisse-toi aller à mes mains, je sais ce que je fais. » Dans l’esprit de la jolie française, il n’y avait que son massage, bien évidemment. Pourtant, elle usait d’une sensualité que même un moine n’aurait pas pu décrire autrement que comme extraordinaire et évidente.

« Tu sais que je ne souhaite pas te dire oui devant témoins juste pour ne partager que les bons moments ? Si tu rentres amochés, c’est mon job à moi te t’aider à te détendre justement. » Cela ne choquait pas Anaé et elle préférait même savoir de quoi il retournait ou même ce qui pouvait bien se passer dans la tête de Shaun plutôt que de ne se mettre à cogiter comme une folle sans qu’aucune raison ne lui saute aux yeux. Voilà pourquoi elle trouvait qu’un bon massage ne pouvait qu’être le début du bonheur, surtout maintenant qu’elle sentait les muscles du dos de son pompier se détendre progressivement sous ses doigts. « C’est même l’une de mes plus grandes qualités » souffla-t-elle avec insolence tandis qu’elle parsemait également de baisers le dos tendu du jeune homme. Au moins, elle était certaine qu’il passerait une bien meilleure nuit avec ce genre de petites attentions. « J’ai fais une très importante partie aujourd’hui et Adrian va venir demain pour m’embarquer faire des achats pour Charly et ensuite me faire réviser. On dirait presque que c’est lui qui est enceinte ! » La jolie française ne stoppa pas une seconde de le masser bien qu’elle eut juste une seconde d’arrêt alors qu’il lui annonçait la grande réunion du clan O’Connor. De quoi avoir des sueurs froides lorsque comme Anaé on n’a jamais vraiment eu de famille. Bien sûr, elle se reprit sans tarder mais autant dire qu’elle balisait littéralement à l’idée d’être la cible de tous les regards, elle qui n’avait jamais flanqué les pieds en Irlande et qui n’en connaissait absolument pas leur culture. « A vrai dire… Maureen est passée aujourd’hui, elle m’a apporté les fleurs qui sont devant l’entrée. Tu n’as pas dû les voir sinon tu aurais probablement cru qu’il s’agissait d’un admirateur secret ! En tout cas elle est charmante. Par contre… cela te choque si je propose à Lily de venir ? » Sa sœur n’allait pas l’abandonner, pas vrai ? Ce n’était pas tant pour ajouter une touche de français au milieu de cette sainte Irlande mais plutôt pour avoir l’impression de ne surtout pas être la brebis galeuse parmi la perfection incarnée faite brebinette !

« Avec quoi d’autre suis-je douée alors ? » demanda-t-elle avec ce qui se voulait être de l’innocence dans la voix sans en être réellement. Anaé se faisait mutine depuis quelques temps, cherchant à détendre Shaun par tous les moyens en sa possession, que ce soit au gré d’une joute verbale ou, en l’occurrence, au cours d’un massage prodigué par ses soins. « Tu es jaloux ? Mais chéri, Adrian n’est que mon ami d’enfance, d’autant que tu n’as aucun souci à te faire il est déjà amoureux ! Il partage juste ma joie c’est tout… » se défendit-elle aussitôt car après tout, rien ne lui ferait plus plaisir que de faire les magasins pour la venue de Charly en compagnie de son fiancé mais hélas, le boulot de son pompier unique et préféré s’avérait extrêmement prenant et il était logique que le temps lui manque malheureusement pour s’adonner à ce genre de petites choses. Anaé cherchait à ne pas lui faire le moindre reproche, surtout pas à ce niveau là, et à se montrer la plus compréhensive possible mais il arrivait forcément un moment où elle devait prendre les choses en main et faire tout de même des achats… « Tu m’as dit que tu n’aurais pas de vacances tout de suite, mais notre bébé va avoir besoin de beaucoup de choses, tu es donc au courant qu’il faut bien que je les achète non ? Tu sais, c’est pareil lorsque ta mère me kidnappe littéralement pour dévaliser les magasins… cela revient au même. Tu sais bien que je voudrais vivre chaque minute avec toi mon ange et partager toutes les secondes de ma grossesse en ta compagnie mais ce n’est hélas pas possible. » Délicatement, face à sa dernière phrase, Anaé s’était collée au dos de Shaun, le serrant dans ses bras comme pour apaiser le feu de ses mots tout en lui faisant comprendre qu’il ne fallait surtout pas y voir de la colère ou une envie de vengeance. La jolie française était bien au dessus de ses conneries. « Brûler les fleurs ? Tu as perdu la tête, cela embellit la pièce ! Peut-être que tu ne connais pas bien ta cousine et que tu ne lui donnes pas de raison d’être charmante… elle m’a longuement testée, au début, je dois l’admettre. Mais après, elle était très détendue. Peut-être est-elle excellente actrice après, je ne sais pas. Mais elle m’a demandé à être la marraine de Charly, tu sais. »

Anaé ne put s’empêcher de sourire à nouveau alors que Shaun remettait les pendules à l’heure : c’était SON fils, son sang, la preuve que la fierté de l’Irlande n’était pas un vain mot et il n’était pas question de laisser sa place, qui plus est à un parfait inconnu. Sauf que la jolie française l’avait compris depuis longtemps et n’avait donc aucunement besoin qu’il ne le lui rappelle… il n’était pas question que quiconque prenne sa place, pas même son ami d’enfance, cela restait clair dans son esprit depuis le départ. « Qui te dis que tu ne l’endoctrineras pas en premier, mon ange ? Imagine, notre fils pourrait avoir ton charme, ma prestance et ta fierté d’irlandais… l’un dans l’autre, je crois que cette image peut porter le nom même d’endoctrinement, tu ne crois pas ? Cesse donc de t’inquiéter, Shaun. Personne ne va te remplacer de quelque manière que ce soit et compte sur moi pour faire en sorte que personne ne nous dérange lors de ton jour de repos. Tu seras tout à Charly et à moi ! » La jeune femme resserra de fait son étreinte autour du corps puissant de son fiancé, comme pour lui prouver par le geste qu’il n’était pas question qu’il en soit autrement. Il ne pouvait d’ailleurs pas savoir à quel point elle rêvait littéralement qu’ils passent cette fameuse journée ensemble, sans personne pour les déranger et avoir ainsi l’opportunité de planifier des choses. C’était devenu comme vital, une vraie obsession pour la française. « Que dirais-tu que j’invite un jour Adrian ? Imagine la chose : tu auras tout le loisir de questionner quelqu’un qui me connaît depuis des années et pourrait t’apprendre des choses particulièrement inavouables sur ma personne… n’es-tu plus le professionnel ès chantage que j’ai rencontré il y a quelques mois ? Je suis sûre que vous pouvez encore trouver des ressources cachées Monsieur O’Connor… » Un léger rire peupla soudainement l’atmosphère de la pièce avant qu’elle ne se relève face à un petit coup légèrement plus virulent que les précédents. Anaé se replaça donc en position assise, laissant passer la sensation avant de ne reprendre de plus belle son massage après avoir embrassé la nuque de Shaun. « J’ai demandé à Lily d’être la marraine à la seconde même où j’ai appris que j’étais enceinte. Je n’ai jamais dit que j’avais accepté la proposition de ta cousine… elle m’a parue agréable il est vrai mais ça ne veut pas dire que je lui fais confiance. Je mets énormément de temps à faire confiance aux gens et c’est sûrement pour cette raison que je risque d’avoir du mal à être à l’aise lors de ce fameux barbecue. Je pense que la présence de ma sœur ainsi que la tienne vont m’y aider. »

Anaé ne manqua pas de froncer les sourcils face à cette réminiscence qu’il lui imposait sur leur première rencontre. « Ah ne me rappelle pas la gifle que j’ai osé te mettre, je ne me suis toujours pas remise d’avoir perdu mes nerfs à ce point ! Tu ne vas pas inculquer des valeurs aussi violentes à notre fils, j’espère ? Ne crois pas une seconde que je vais te laisser faire sans rien dire ! » Et pour la peine, elle s’écarta en stoppant son massage, accompagnant sa petite menace d’un geste. Ou plutôt d’une absence de geste en l’occurrence, puisqu’elle se contentait de croiser désormais les bras contre son ventre arrondi, désapprouvant grandement ce qu’il était en train de lui dire. Le pire ? C’est qu’elle était amplement sérieuse ! Il n’était pas question que son fils devienne quelqu’un qui dénigre ainsi la gent féminine. Elle ne voyait strictement pas ce qu’il y avait de respectueux là dedans et aussi vrai qu’Anaé avait longtemps cessé de se respecter elle-même, elle ne voulait jamais que son propre fils devienne quelqu’un d’injuste et de peu recommandable. C’était peut-être exagéré mais elle ne voyait pas la chose autrement. « Sans vouloir t’offenser je ne serais pas contre rencontrer le futur parrain de notre fils avant que tu ne t’emballes ! » déclara Anaé alors qu’elle s’allongeait sur le lit. Dans le fond, la jolie française ne connaissait pas grand monde de l’entourage de Shaun. C’était tout ou rien avec lui : elle ne connaissait que ses parents et pouf, très bientôt elle allait rencontrer le clan tout entier. Pas étonnant qu’elle panique. Ce genre de procédé, elle ne connaissait pas du tout. A croire qu’elle ait vraiment vécu dans une bulle pendant des lustres ! « Shaun… tu savais je t’avais dit que mes parents étaient morts dans un incendie quand j’avais quatorze ans et que je n’avais plus aucune famille ? Et bien… ce n’était pas tout à fait vrai. Mon père n’était pas mon vrai père mais mon beau-père. Mon vrai géniteur est toujours en vie et si Lily a de bonnes infos, il est en ville… » Le Duc. Anaé n’avait jamais osé s’imposer à sa personne sans même savoir que ses deux filles lui avaient été enlevées et qu’il n’avait eu de cesse de les chercher. Un pro du protocole, ressemblant trait pour trait à son aînée. Mais le pire ? C’est que la française ne savait même pas ce qu’elle était censée ressentir. De la joie ? De la peur ? « S’il apprend que je suis enceinte sans être mariée, je suis certaine que j’aurais son conseiller sur le dos. » Mais elle en éclata de rire. Les hormones, sans doute.

« Ai-je dis que je voulais que notre fils soit précieux ? J’apprécie énormément comme tu as beaucoup d’attention pour mon éducation » lâcha-t-elle froidement. Le problème avec Shaun, c’est que si on le laissait faire, il fallait qu’il s’exprime en premier et que tout ce qui n’était pas lui n’avait aucune importance. Anaé ne voulait simplement pas que son fils ne devienne quelqu’un de détestable. Pousser une femme à gifler un homme n’avait strictement rien de noble à ses yeux, ne lui en déplaise ! « Tu ne mérites pas que je réponde à ta question puisque manifestement, tu connais déjà la réponse » reprit-elle, bien loin d’avoir envie de le caresser en prime dans le sens du poil même si elle devait admettre qu’il était bien le premier à ne pas lui manger dans la main et que pendant toute leur dispute, elle s’était sentie humaine, normale. Elle ne le lui avait jamais présenté sous cet angle et sûrement n’en n’avait-elle pas envie, pour la simple et bonne raison que cela ne ferait qu’attiser un passé qu’elle s’efforçait d’oublier : à ce moment là, elle était toujours enchaînée à ce maudit Carl. Elle se mit donc à soupirer, confortablement allongée sur leur lit, consciente qu’elle était en plein coup de sang et que leur discussion ne mènerait à rien si elle n’y mettait pas du sien… à nouveau. « Je ne veux ni lui donner une éducation à la française ni même qu’il ne soit mêlée au protocole Shaun, je pense te l’avoir déjà dit à de très nombreuses reprises pour que tu en aies conscience ! Mais je ne veux pas que notre fils devienne quelqu’un d’injuste envers la gent féminine. Tu t’amuses à pousser autrui et souvent c’est utile mais n’as-tu jamais à l’esprit que cela peut aussi blesser ? Imagine que notre fils tombe sur quelqu’un d’extrêmement fragile… on ne sait jamais comment les gens peuvent réagir. » Anaé prit soudainement la main de son fiancé pour la porter à ses lèvres, preuve qu’elle n’avait pas l’intention de se bagarrer avec lui, surtout pas ce soir. « Je ne sais guère… je crois que j’ai pris l’habitude de n’avoir aucune autre famille que Lily avant toi et notre fils, je ne sais pas si je suis prête à faire confiance à quelqu’un que je ne connais pas. Mais je sais aussi que ma curiosité me poussera à le rencontrer. » Anaé se redressa pour le regarder dans les yeux, l’embrassant du bout des lèvres. « J’aime quand tu veux nous protéger d’autrui mon amour. »

Tout en caressant doucement la chevelure de son fiancé, Anaé affichait une expression désolée. « Je ne veux pas que tu aies une carapace avec moi… Shaun, je n’ai aucune intention de te blesser, de te trahir ou même de partir ! Tu sais à quel point pour moi le fait de tomber enceinte a été… un chamboulement dans ma vie car j’ai toujours pensé que je ne serais jamais faite pour être maman ! Mais tu as réussi à me faire voir la maternité autrement et j’aime ce que l’on partage, je t’aime Shaun et j’aime notre famille en devenir. Il n’y a rien de plus important pour moi, pas même mon éducation. » Autant dire qu’elle éclata singulièrement de rire alors qu’il lui faisait son air de chien battu, espérant qu’elle ne lui pardonne son petit accès de sarcasme. Pour toute réponse, elle lia ses lèvres aux siennes avec tendresse, aimant bien mieux l’idée que leur fils ne devienne un « irlandais charmant », ça, ça lui plaisait nettement plus. « Disons plutôt que… je n’arrive guère à t’en vouloir plus de dix secondes. Je crois que c’est surtout pour cela que je suis tombée amoureuse de toi dès que je t’ai vu, même si tu as refusé mes chocolats… pfeuh ! » La jolie française haussa les épaules avec une prétention ne lui ressemblant pourtant pas du tout avant de ne redevenir sérieuse : le sujet de son père était un gros dilemme, même si elle n’en donnait pas nécessairement l’impression. « J’espère que tu n’auras jamais à donner ta vie, mon ange. Mais sache une chose : il n’est rien que je ne sois pas capable d’accepter de ta part, rien du tout. » Et pour lui prouver que sa confiance était totale, Anaé se releva subitement du lit pour aller chercher un magazine où il y avait tout un article sur le fameux Duc s’avérant être son père. Fringant, sourire soigné et contrôlé, il s’échappait de lui une prestance à couper le souffle. Certes, il avait les yeux bleus et il était donc vraisemblable de penser qu’Anaé avait pris ceux de sa mère, mais en dehors de cela… elle était son véritable portrait craché. Jusque dans le caractère, mais ça, elle ne le savait pas encore. « Je crois que je serais hélas bien en peine de cacher mon identité… et puis c’est une personnalité et tu sais qu’on ne les approche pas si facilement, surtout les personnalités royales. Je pense au contraire que lui dire que je suis pourra faire qu’il me recevra, moi plutôt que quelqu’un d’autre. Mais le problème c’est que je suis extrêmement à fleur de peau en ce moment et que je ne suis pas certaine de pouvoir le supporter si cela devait mal se passer… »

« Il est vrai que je t’avais pensé homosexuel… si tu savais à quel point je m’en suis voulu de supposer des choses fausses sur un terrain qui ne me regardait pas ! » Anaé baissa légèrement le regard pendant un dixième de secondes, se souvenant soudainement à quel point son comportement avait pu paraître ridicule aux yeux de quelqu’un de côtoyant pas du tout le même monde factice qu’elle. Shaun était le pompier et l’irlandais par excellence, il ne passait pas par quatre chemins pour dire merde, n’utilisait pas dix mots quand quatre seulement pouvaient suffire… en somme, il était son exact contraire, et ce bien que la jolie française ait mis beaucoup d’eau dans son vin depuis leur rencontre. Il y avait toujours de petits accrochages, certes, mais elle mettait du cœur à l’ouvrage. Ils s’étaient effectivement bien trouvés et il ne pouvait pas savoir à quel point il baignait sa vie de lumière depuis qu’il y était entré. Elle ne put donc s’empêcher de lier tendrement ses mains aux siennes contre son ventre arrondi tandis qu’elle ne le lâchait pas une seule fois des yeux. « Tu m’en veux toujours pour cette fichue histoire de poireaux ? » Shaun avait eu beaucoup de mal à s’en remettre mais le pire, c’est que la demoiselle tâchait de dominer ses envies de femme enceinte sans quoi le pauvre fiancé qu’il était ne ferait que ça. Il valait donc bien mieux qu’elle se concentre sur le chapitre concernant son père, nettement plus épineux car Anaé ruminait ça depuis des jours entiers. Devait-elle aller le voir, rester dans l’expectative ? Son père étant un personnage publique nettement plus présent sous les feux de la rampe qu’elle ne l’était, il y avait fort à parier qu’il n’était pas au courant de la présence de sa fille à New York, ou bien qu’il n’ait pas le temps… ce qui revenait à dire que la tâche incombait à Anaé, particulièrement indécise quant à la suite à donner à l’information. « Je savais que tu trouverais immédiatement la solution la plus adéquate à mon problème et puis casser du noble… n’est-ce point ta seconde nature mon amour ? Plus sérieusement, je crois que je serais bien incapable de m’y rendre si tu n’es pas là pour me soutenir. Sans doute est-ce le rejet que je redoute le plus. Peut-être n’a-t-il même pas conscience que ma sœur et moi nous existons… cela tuerait Lily s’il se conduisait avec arrogance ou de mauvaises intentions. » Et à cette pensée, Anaé grimaça : Charly venait de boxer un peu plus fortement que d’habitude, il y avait donc fort à parier que Shaun devait l’avoir senti au passage puisque sa main était toujours contre son ventre. « J’ai envie de chocolats… » murmura-t-elle avant d’éclater littéralement de rire, se libérant de fait de tout son stress.

« Tu oserais mettre par-dessus bord la mère de ton enfant ? » s’étrangla-t-elle à moitié, non sans se souvenir pertinemment qu’une fois le lendemain venu, elle n’avait plus eu une seconde envie de poireau. Anaé ne savait même pas d’où cette lubie ridicule lui était venue, d’ailleurs ! Mais elle en rigolait encore intérieurement rien qu’à voir la tête de ce pauvre Shaun qui avait tourné un très long moment avant de ne rentrer, poireau en main… et de la trouver endormie. Elle aurait presque rêvé être petite souris pour voir sa tête. Cela devait être du plus haut comique. « Si, pour le coup il m’a fait un peu mal mais c’est régulier, notamment quand il se retourne. Il faut juste que je prenne mon mal en patience ! » Ceci étant, la jolie française ne manqua pas de froncer violemment les sourcils avant que ses traits ne se détendent et qu’elle n’éclate singulièrement de rire. « Tu es au courant que les envies englobent également les poussées d’hormones qui m’incitent à te faire des avances crapuleuses mon ange ? Mais je note qu’il faut l’inciter à cogner fort même pour ces moments là. » Et toc ! L’arroseur arrosé comme dit l’autre ! Une chance que Shaun soit littéralement près à se couper en quatre pour la satisfaire et ce sans oublier de lui renouveler la promesse de protection qu’il lui avait faite… « Lily le sait au même titre que moi. Je n’ai rien à craindre à le rencontrer puisque mon pompier préféré cela là pour m’épauler. » La jeune femme s’était relevée aussi souplement qu’elle le pouvait du lit – autant dire qu’elle avait hautement galéré avec son ventre proéminent – afin de s’emparer de ses lèvres pour lui souhaiter une bonne course. Elle l’attendit patiemment allongée sur le lit, jetant de temps à autre des regards à son bouquin de cours, feignant de dormir d’un sommeil profond au moment même où il revenait avec les bras chargé. Sauf que lorsqu’il s’approcha d’elle… Anaé lui asséna un coup de coussin sans violence. « La royauté française mettra à mal la sainte Irlande !! Mouhahaha ! » Oui, les hormones font parfois des ravages…

« Comment ça une bonne idée ?? Explique-toi immédiatement ! » maugréa faussement Anaé tout en craignant qu’il ne la laisse croupir dans l’eau tout en se marrant bien évidemment au passage. Quel mufle celui-là alors ! Mais la jolie française n’était pas peu fière de l’avoir mouché à ce point là, le poussant ainsi à revenir sur ses paroles et à s’exprimer à nouveau à leur fils, chose qui lui arracha un rire puissant et sincère. « Charly ce que vient de te faire comprendre ton père est tout à fait vrai, il ne dit réellement que des conneries ! Et je ne sais pas si je suis réellement disposée à lui accorder ses câlins crapuleux à nouveau… qu’en penses-tu ? » La jeune femme s’empara des deux mains de Shaun pour les placer sur son ventre particulièrement remuant, juste au moment où le bébé lui donna un coup de pied plus puissant que tous les autres réunis, lui arrachant un petit gémissement de douleur tandis qu’elle se redressait. « Je crois que même maintenant, l’entraide masculine est de rigueur » ironisa-t-elle avec amusement tout en s’emparant délicatement de ses lèvres, juste avant qu’il ne s’échappe pour aller chercher de quoi satisfaire son envie. A ceci près qu’elle s’amusait par avance de cette petite attaque qu’elle avait fomentée non sans un brin de génie. Anaé savait que l’Irlande ne plierait jamais devant la royauté, mais il n’était pas question de se laisser faire sans se battre fièrement pour l’indépendance française ! En tout cas tenta-t-elle la chose avant de n’être soulevée telle une plume par un Shaun qui devait être soulagé qu’elle ne soit effectivement pas en train de dormir. « Je m’en fiche, je t’ai eu ! » La jolie française avait toujours son coussin en main mais il l’avait sortie de la cabine en deux temps trois mouvements, mettant considérablement à mal son attaque à vrai dire. Comme quoi, elle avait encore quelques leçons à apprendre mais elle retenterait la chose… « De quoi m’avais-tu prévenue, exactement ? Je ne me rendrai jamais alors repose moi Shaun O’Connor ! » Attaque ultime, celle de le pousser à tourner son visage vers le sien pour s’emparer de ses lèvres, le plus sournoisement du monde. Certes, ils étaient en dehors de la cabine et donc peu à l’abri des regards indiscrets mais qu’importe. Anaé lâcha son coussin sur le sol pour glisser ses mains sous le t-shirt de son pompier… avant de tout stopper, purement et simplement. « J’exige d’être relâchée ou bien un pourparler ! »

Shaun n’allait-il tout de même pas la mettre à la flotte ? Qu’elle soit bonne ou pas, Anaé n’était pas certaine que le choc thermique soit forcément très indiqué dans l’état actuel des choses. Pour calmer les ardeurs de son pompier, sûrement, dans son cas, ce n’était pas dit ! Mais la France avait plus d’un tour dans son sac – et heureusement pour elle – par conséquent son semblant de pourparlers lui fit obtenir de revenir sur la terre ferme, même si l’irlandais la maintenait toujours dans ses bras, manifestement dans l’attente de découvrir ce qu’elle avait entendu par là. Elle avait toute son attention, désormais, aussi un petit sourire amusé se mit à étirer soudainement ses lèvres tandis qu’elle cherchait à la vitesse grand V un plan qui lui éviterait d’être balancée par-dessus bord en mode bain de minuit qu’elle n’aurait pas souhaité au préalable… ni pour lequel elle se serait physiquement et mentalement préparée. « Et bien, comme tu l’as si justement fait remarquer tout à l’heure, je suis douée de mes mains. » Anaé se pencha pour embrasser son cou à plusieurs endroits différents avant de ne mordiller son lobe d’oreille tandis que ses mains ne restaient guère inactives, à vrai dire. Celles-ci s’étaient frayées un chemin sous le boxer du pompier de son cœur pour partir à l’exploration, effleurant l’une de ses fesses au galbe particulièrement musclé et, tandis qu’elle capturait ses lèvres avec une passion peu commune, ses doigts se firent d’autant plus curieux en effleurant la masculinité de Shaun non sans malice et provocation. Elle stoppa toute caresse brusquement, sans pour autant quitter ses bras – elle ne le pouvait pas, Shaun dominait leur étreinte de très, très loin – mais un petit sourire provocateur étira subitement ses traits alors qu’elle haussait un sourcil de défi. Oh Anaé savait déjà qu’il n’était pas insensible à ses charmes ou à sa propre provocation, mais cela ne voulait pas dire que la France avait gagné cette manche. La bataille risquait d’être rude. « Si tu me mets à l’eau, tu risques de te couper toi-même de tout le feu que je pourrais bien allumer… avec mes mains si douées. Ton choix, mon cher irlandais… ceci étant, nous ne sommes pas à l’abri des regards, ici. »