Une nouvelle journée qui commençait et une nouvelle fois, j’avais passé une bonne partie de la nuit à cogiter. J’étais épuisé mais peu importait, j’avais ce besoin de garder les yeux ouverts comme pour me donner le courage de voir la vérité en face. Cette tumeur me tapait sur le système littéralement et l’approche de mon opération ne me donnait pas envie de dormir. En parfait militaire, j’avais commencé à m’entrainer pour toutes les éventualités si bien que même privé de ma vue, je maitrisais tous les aspects de mon appartement. Bien sûr, rien ne me condamnait pour le moment, je pouvais très bien m’en sortir sans séquelle mais je n’étais pas homme à vivre dans l’imprévu. Toute ma vie était tournée justement vers le fait de lutter contre cet ennemi qui était l’imprévu. Aussi, durant les derniers jours, j’avais fait en sorte de régler mes affaires courants : testament, héritage, succession à l’agence, etc. Bref, j’avais parait à toutes les questions indispensables au cas où, je ne me relevais pas de la table d’opération. D’après mon chirurgien, tout devait bien se passer : j’avais une excellente condition physique et malgré mes trente-six printemps, j’étais encore dans la force de l’âge. D’ailleurs, c’était toujours agréable de s’entendre dire que nous n’étions pas vieux et bon à la casse. A l’agence, je bossais avec de jeunes recrues malgré quelques briscards de la vieille mais je n’étais pas inquiet à propos de cela. Je vivais très bien mon âge et puis, j’avais fait mon temps –même si je n’étais pas encore partant pour la retraite, il ne faut pas exagérer. « Bonjour marmotte » saluais-je ma fille en déposant un baiser sur son front. Le petit déjeuner se passa ensuite dans la bonne humeur avant que Katniss ne me demande de la déposer en ville pour retrouver son ami Kenan. Sérieusement, ça me tuait de la voir avec ce garçon mais je n’allais quand même pas l’enfermer… J’avais juste prévu un cours d’éducation sexuelle, juste au cas où. Puis, ayant du temps devant moi, je me décidais à flâner dans les rues New Yorkaise jusqu’à rentrer dans une personne par mégarde. « Excusez-moi, je ne faisais pas attention. Vous allez bien ? » M’inquiétais-je.

Ces derniers temps, j’étais toujours dans la lune, cela me ressemblait si peu. Ma règle de vie était vigilance constante –heureusement que je n’assurais plus de contrat en tant que garde du corps pour l’instant ; aussi, je ne pouvais que me sentir agacé de mon propre comportement. Je m’en voulais d’être à ce point distrait mais comment faire autrement quand un problème vous obscurcissait l’esprit ? Mon opération était vraiment au cœur de toutes mes priorités que je me demandais comment je faisais pour ne pas sombrer dans la folie. Je crois que pour cela, je pouvais aisément remercier mes proches. Gabriel et Sergeï passaient leur temps à me sortir le soir –quand ils n’étaient pas occupés avec leur moitié respective ; Manuela, ma meilleure amie m’avait même offert un petit concert improvisé même si ce n’était pas volontaire de sa part, elle était en plein ménage. Quoiqu’il en soit, tout le monde prenait à cœur de me changer les idées qu’il m’arrivait même d’espérer être seul de temps en temps. Chose faite désormais puisque je flânais dans les rues New Yorkaise avec pour seul crédo, prendre le temps de savourer comme il se devait la vie. Je ne m’attendais pas à envoyer une jeune femme sur les fesses en pleine rue si bien que je me confondais en excuse tout en l’aidant à se relever. « Je suis vraiment confus, j’espère que vous n’êtes pas blessée » marmonnais-je bien emmerdé pour le coup car je me sentais franchement à cent lieues de ma forme physique et mentale finalement. En temps normal, je l’aurais rattrapé en plein vol mais là… On peut dire que mes réflexes manquaient de punch. « Je m’appelle Javier ! » me présentais-je sans trop savoir pourquoi.

« Tant mieux alors ! » soupirais-je rassuré de ne pas l’avoir blessé mais si mes réflexes semblaient s’être fait la mal, mon instinct lui, continuait de me guider dans la vie et je reconnus sans mal l’arme qu’elle s’empressa de dissimuler. Toutefois, je fis comme si de rien n’était, me présentant avec un sourire chaleureux. J’avais eu mon quota d’emmerdes dernièrement comme avec cette prise d’otage alors que j’attendais mon banquier. On peut dire que j’attirais la malchance à croire qu’on m’avait jeté un sort. « Et vous vous appelez comment ? Que je sache au moins le prénom de la charmante demoiselle que j’ai renversé ? » Lui demandais-je appuyant mes dires d’un sourire un brin plus séducteur. Les bonnes vieilles habitudes avaient la vie dure surtout qu’à bien y regarder, elle ressemblait étrangement à mon ancienne petite-amie : Mylène. Etrange tout de même mais je savais que cela ne pouvait être elle. Après tout, si je m’étais arrêté devant cette vitrine, c’était bien parce qu’on diffusait une interview en direct d’elle alors à moins d’être dotée de pouvoirs magiques, elle ne pouvait guère être derrière la caméra et en face de moi. En tous les cas, c’était une ressemblance troublante. Rajouté à cela le fait qu’elle porte une arme sur elle ; cette femme était entourée de mystère et j’étais homme à dissiper les mystères. « Je peux vous offrir à boire pour me faire pardonner ? »

Ainsi elle s’appelait Letty. Etait-ce vraiment son identité ou pas ? Pour l’heure aucune idée mise à part qu’elle n’était qu’une jeune femme se trimbalant avec une arme. Certes, aux États-Unis, le port d’armes était plus ou moins facile à obtenir mais je connaissais très de civil marchant dans les rues avec une arme dans leur sac à main. « Enchanté dans ce cas Letty » lui souriais-je avant de lui proposer de boire un verre. Après tout, j’avais du temps à tuer et puis elle représentait un sacré mystère à éclaircir. Je sautais donc sur l’occasion qu’elle tournait la tête vers les dizaines de télévision en vente pour lui poser une simple question. « Vous la connaissez ? On doit souvent vous le dire mais vous avez une ressemblance assez troublante et je sais de quoi je parle, j’ai bien connu Mylène » avouais-je sans aucune honte. Je n’éprouvais aucune rancœur ni aucune honte à être sorti avec Mylène. C’était une femme tout à fait charmante et j’avais aimé passé du temps en sa compagnie. Nous n’étions tout simplement pas faits pour être ensemble. Aux vues de mes désastres en matière de relations sociales, je doutais qu’une femme sur Terre puisse m’être destinée. Il fallait croire que seule Grace, ma défunte épouse était la femme de ma vie. D’une seule vie. Nous nous dirigeâmes alors vers un petit café. « Vous voulez boire quoi ? C’est moi qui invite ! »

Un furieux doute m’assaillit. Lorsque j’étais en couple avec Mylène, est-ce que j’avais  eu à faire à Letty ou bien à mon ancienne chanteuse ? Telle était la question mais quelque chose me disait que je n’avais encore jamais eu à faire à cette femme par le passé. Appelez cela l’intuition peut-être. « Vous êtes de sa famille ? Il ne me semble pas avoir eu vent d’une sœur jumelle. En fait, j’ai été son garde du corps avant de devenir son compagnon mais je doute qu’elle vous ait parlé de moi et si c’est le cas, en bien » souriais-je car même si c’était le cas, je n’en voudrais pas le moins du monde à Mylène. En tout cas, je notais au fond de ma tête qu’elle semblait être une habituée des lieux puisqu’elle salua quelques personnes avant que je n’appelle le serveur pour commander un cappuccino et un thé glacé. Je devais éviter tous les excitants avant mon opération, ordre du médecin ! Nourriture saine et équilibrée sinon c’était l’hospitalisation avec une cure à la clé. Pour le gourmand que j’étais, c’était pire que l’enfer mais je tenais bon –en même temps avais-je grandement le choix ? Je ne crois pas. « Vous avez un avantage non négligeable sur moi, vous savez ce que je fais dans la vie et vous ? Que faites-vous pour vous balader avec une arme dans le sac à main ? » Demandais-je avec un léger sourire au coin montrant ainsi que je ne jugeais pas. En fait, j’aimais bien la perspective de la découvrir petit à petit.

Ainsi elles n’étaient pas de la même famille et c’était le pur hasard qui s’était amusé à créer une telle ressemblance entre elles. Pourquoi pas ! Il paraitrait que dans le monde, chaque personne a un sosie si bien que pour l’amusement général, je me demandais ce que faisait mon sosie. Quel métier ? Avait-il une femme ? Des enfants ? Tout un tas de question totalement inintéressantes au possible mais qui m’amusèrent énormément, me distrayant de mes pensées les plus pessimistes. « C’est exacte, j’ai été son garde du corps, assez peu de temps je dois bien le reconnaitre. Vous avez de ses nouvelles ? » Demandais-je à tout hasard car même si nous avions rompu le contact, cela m’empêchait pas d’espérer qu’elle aille mieux. Toutefois, je n’allais pas m’appesantir non plus sur le sujet surtout quand il s’avérait que je discutais avec une femme très mystérieuse. C’est pourquoi, n’y tenant plus et surtout pour connaitre sa réaction, j’enchainais sur l’arme dans son sac. A sa réponse, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. « Oh rien ne vous empêche de vous en servir contre moi mais vous savez, je sais me défendre, très bien même ! » lâchais-je sans fausse modestie à ma vis-à-vis. Bien sûr, je ne ferais pas l’erreur de la sous-estimer pour autant mais j’étais un ex-commando aguerri et même si mes réflexes laissaient à désirer ces derniers temps, ils étaient toujours présents. « Aux vues de votre réponse, j’en déduis que vous n’êtes pas flic ni même rattaché à une quelconque organisation gouvernementale. De plus, votre arme ne serait pas dissimuler dans votre sac… Chasseur de prime ? A moins que vous ne soyez autre chose de plus criminel »

J’hochais la tête aux nouvelles qu’elle me donnait sur Mylène. J’avais suivi de loin l’affaire de son père, partagé entre l’envie de la protéger et celle de me faire discret pour ne pas rouvrir des blessures qui n’avaient pas lieu d’être. Alors, j’avais pris le parti, poussé par mes meilleurs amis, de me tenir loin d’elle et de la laisser reprendre sa vie où elle l’avait laissé. Désormais, elle était libre d’être heureuse et je le lui souhaitais sincèrement. Pour ma part, j’avais cru trouvé l’amour dans les bras d’une jeune institutrice mais celle-ci était partie comme Ayhalina à croire qu’être un père célibataire serait ma seule manière de vivre. Je n’étais pas malheureux en soi, juste triste et peut-être un peu seul mais ma fille était mon rayon de soleil et je pouvais me contenter de veiller sur elle et la préparer du mieux que je pouvais à devenir une femme quand le moment serait venu. D’ailleurs, elle avait eu ses premières règles et moi mes premiers cheveux blancs notais-je non sans humour. « Tant mieux ! » répondis-je simplement avant d’enchainer sur sa profession. En douceur, petit à petit, je glanais quelques informations sur elle et je ne pouvais nier le fait que je passais du bon moment auprès d’elle. « Je réserve mes corps à corps en privé » plaisantais-je avant de reprendre sérieusement «  Je ne suis que garde du corps et non flic alors tant que vous ne tuez pas une personne sous mes yeux, vous avez le bénéfice du doute quant à l’utilité d’une arme dans votre sac » assurais-je avant de boire une gorgée rafraichissante de mon thé glacé.   « Je ne voulais pas vous vexer mais vous êtes une personne mystérieuse et j’aime résoudre les mystères… Donc vous n’êtes ni une criminelle ni un chasseur de prime… Je suis curieux de savoir ce plein de choses que vous faites ! »

« En ce moment je suis un peu seul pour des corps à corps » rigolais-je car on ne peut pas dire que ma vie sentimentale soit au beau fixe. Je finissais par me demander si j’allais réussir à trouver chaussure à mon pied dans cette ville. Peut-être étais-je tout simplement trop exigeant mais quel mal y avait-il à vouloir le meilleur ? Et puis je n’étais pas tout seul dans cette histoire, il y avait ma fille. Katniss était la prunelle de mes yeux et je ne pouvais pas sortir avec n’importe quelle femme. Je voulais une compagne qui acceptera d’être une belle-mère en même temps qu’une amante et on ne pouvait pas dire que les femmes se bousculaient. J’avais cru trouver la perle rare en Summer. Elle était institutrice donc habituée aux enfants mais il avait fallu qu’elle soit une voleuse recherchée. Une femme normalement constituée sans vie secrète ne devait pas courir les rues mais bon, être père célibataire me comblait suffisamment pour que je ne désespère pas non plus. « Vous avez raison, le mystère a du bon et puis si nous ne conservions pas une part de notre vie, la vie n’aurait plus de charme mais je suis ainsi fait, j’aime connaitre les gens, c’est plus fort que moi. J’ai peut-être raté ma vocation » plaisantais-je. J’aurais peut-être dû être psychologue à la place de garde du corps. « Et sinon à part votre mystérieux travail, vous avez des passions ? » lui demandais-je par curiosité.

Elle était célibataire d’après mes conclusions. Nous faisions la paire si je puis dire ! Pour ma part, je ne savais pas si j’étais prêt à retenter une aventure tant mes dernières relations m’avaient pour le moins calmés de ce côté-là et puis, à quoi commencer quelque chose qui pouvait se terminer brutalement ? Je ne voulais pas promettre une grande histoire d’amour si c’était pour mieux mourir le lendemain sur une table d’opération. Je devais être honnête, j’étais dans une situation précaire et même si cela ne plaisait pas à mon entourage, je devais faire en sorte de voir la vérité en face : ça passe ou ça casse. « Pourquoi dites-vous cela ? La mort rode-t-elle autour de votre mystère ? » Lui demandais-je avec un léger sourire. Depuis combien de temps n’avais-je pas réellement vécu d’aventure trépidante ? Depuis une éternité ! « Cela impressionne peut-être les autres hommes mais pour ma part, cela me donne que plus envie de découvrir ce que vous cachez derrière tous vos mystères » plaisantais-je non sans un peu de vérité. J’avais toujours aimé les potins et autres secrets –peut-être l’influence d’une éducation par deux mères ; mais peu importe, qu’elle le veuille ou non, j’étais bien déterminé. « Des orphelins ? C’est une occupation des plus nobles. Avec un de mes meilleurs amis, nous avons monté une association pour les femmes battues ou violentées et nous avons toujours besoin de bénévole si cela vous intéresse »

« Ce sont de belles paroles, mûrement réfléchies à ce que je constate mais vous n’avez pas tort. La mort fait autant partie de la vie que celle-ci ne fait partie de la mort. Je crois que nous sommes tous destinés à partir un jour ou l’autre, jeune ou plus vieux et que nous avons beau nous battre de toutes nos forces, la mort gagnera toujours au final. Pardonnez mes propos pour le moins pessimiste mais c’est un mort vivant qui vous les adresse » plaisantais-je. Après tout, je vivais avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête depuis quelques semaines et si la mort se décidait à m’amener avec elle, je craignais que toute la bonne volonté ne suffise à l’en empêcher. Je m’étais préparé à cette éventualité dans la mesure où mon testament était près ainsi que mes dernières volontés connues de quelques personnes dignes de confiance. Ce n’était pas un accès de lâcheté bien au contraire, je désirais vivre encore de nombreuses années si on m’en offrait l’occasion. Appelons cela plutôt de la précaution, du bon sens ! « Pour ne rien vous cacher, l’idée est venue en premier lieu de mon meilleur ami. Il est reporter de guerre et il a vu des horreurs qu’aucune autre personne ne devrait voir. Cela l’a beaucoup marqué et nous avons parlé de cette association des années durant sans avoir l’occasion de mener à bien ce projet. Maintenant, c’est chose faite et j’en suis plus que fier ! Nous aidons de nombreuses femmes et beaucoup sont étonnées qu’une telle structure soit montée par deux hommes. Pour ma part, c’est surtout pour honorer la merveilleuse éducation que mes mères m’ont donné »

Pourquoi étais-je un mort vivant ? La raison était très simple « Je suis atteint d’une tumeur au cerveau qui est opérable mais l’opération n’est pas sans risque. Au mieux, je peux m’en sortir indemne, au pire, je meurs sur le billard. La solution intermédiaire est que je risque de devenir aveugle. Si je ne me fais pas opérer, je meurs dans quelques mois. Avouez que dans le genre mort vivant, je me pose en véritable champion » plaisantais-je car finalement, je n’avais que très peu de choix. Prendre le risque ou ne pas le prendre voilà le dilemme dans lequel je me trouvais. Bien sûr, ayant une fille à charge, je n’avais pas le choix, je me devais de me faire opérer et c’est ce que j’avais fait. Du moins, j’avais pris rendez-vous, la date de l’opération était fixée et il ne me restait plus qu’à patienter et profiter de la vie comme elle venait. Beaucoup dans ma situation auraient déconné, auraient fait la fête moi non. J’avais suffisamment roulé ma bosse pour savoir que brûler la vie par les deux bouts n’étaient pas raisonnable et puis, je voulais me donner toutes les chances de survivre à cette opération. J’avais même commencé à faire des repérages au cas où. Prévoir ! Le créneau des militaires, faire en sorte que toute situation est maitrisable. « Ce serait avec plaisir, je vais vous donner la carte de visite de l’association » lui répondis-je en sortant mon portefeuille pour lui donner une des cartes que j’avais toujours sur moi. « Vous avez mon portable derrière comme ça, vous serez sûre que je serais là-bas quand vous passerez » lui souriais-je. « Sinon, il y aura toujours la personne chargée de faire tourner l’assoc’ quand Gabriel et moi-même ne sommes pas présents »