J’avais toujours pensé qu’il était impossible que ma vie soit encore pire qu’elle ne l’avait été. C’était sûrement la chose la plus fausse que j’ai pu penser au cours de ma vie. Il était une fois… un matin d’août à New York, le vingt. En entendant son téléphone sonner, le personnage principal de notre histoire, une jeune femme blonde nommée Billy qui marchaient dans les rues de Queens, décrocha joyeusement. A l’autre bout de la ligne était le seul et unique amour de sa vie, un beau français nommé Ian,  ça faisait quelques jours qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de lui. Elle eut tout juste le temps de dire ‘allô’ qu’il lui annonça une nouvelle qui allait bouleverser son existence. « Billy… je suis désolé. Je dois quitter les Etats-Unis. J’ai fini par me faire prendre. Ce n’est pas que tu ne peux pas venir, je ne veux pas que tu viennes. J’ai, comment dire… il y a quelqu’un d’autre dans ma vie. Je dois raccrocher. Au revoir…» Aussitôt elle tomba à genoux sur le trottoir. Choquée, n’arrivant à se résoudre au fait qu’elle était réveillée. Elle sentait les larmes monter et n’essaya pas de les stopper. Elle ne pouvait pas… sa vie était finie,  cette rupture amoureuse signifiait sa fin pour elle. Sans son petit ami qui avait autrefois été son mari sous sa véritable identité, elle ne trouvait pas de raisons pour continuer à survivre.
Combien de jours étaient passés depuis ? Je n’en savais rien, je passais mes journées à déprimer, à pleurer, à me droguer et à boire. J’avais même été sonner à la porte de Jack pour lui demander de me tuer. Il avait refuser, en raison de notre passé. Je ne savais plus comment j’en étais arrivée là, mais c’était vrai que nous étions sortis ensemble durant un mois, à mes dix-sept ans. Alors que j’étais avec Ian. En fin de compte, je l’avais peut être mérité que Ian me lâche de cette façon. Oui, sûrement. Et April… je n’étais pas rentrée à Williamsburg depuis. Je ne lui avais pas donné de mes nouvelles. Était-elle inquiète ? Sûrement. Pas du tout. Elle n’avait pas besoin de moi et je n’avais pas besoin d’elle. Elle m’encombrait plus qu’autre chose. Elle travaillait mais dès que je rentrais, je la trouvais dans mon salon accompagnée de son ridicule lapin en peluche. J’avais dû insister pour que mon appartement retrouve ses couleurs normales et qu’il ne reste pas jaune. Yellow trick… ah ça, le nom était bien trouvé. April était folle, sans aucuns doutes, ma mère paranoïaque et moi totalement déprimée. Quelle famille formions-nous… Je ne pouvais échapper à mon destin, j’allais sûrement finir parano à mon tour. Tout ce dont j’étais sûre, c’était que pour l’instant, j’avais perdu la notion du temps, qu’il faisait nuit noire, que j’errais dans les rues ou chez des ‘amis’, que j’étais sous l’emprise de cette agréable poudre blanche et que j’avais mon flingue contre la tempe, à chercher le courage d’en finir. Je n’étais même pas sûre d’avoir la force physique d’appuyer sur la gâchette. Sentir mes larmes couler sur mes joues me donnait encore plus envie de pleurer. « Naoki… si tu savais à quel point je regrette mes paroles... », soufflai-je en entendant des bruits de pas. J’osai espérer que ça pouvait être lui, mais… quelle était la probabilité que ça soit lui ? C’était les paroles d’une fille totalement déprimée, c’était tout. Je m’en voulais vraiment de lui avoir hurler dessus de cette façon. Je haïssais Ian autant que je l’avais aimé et autant que j’étais sûre d’aimer Naoki… J’étais perdue. Je ne savais même plus si j’aimais encore Ian derrière ce goût amer que son appel m’avait laissé. Je m’accrochai à tout espoir, de retrouver désormais Naoki, même les pas d’un inconnu qui n’allait même pas remarquer devenaient un espoir. J’avais bel et bien touché le fond.

Le silence était revenu. Les bruits de pas de l’inconnu avaient cessé. Bien sûr, puisque j’avais rêvé. Ce n’était qu’une hallucination, mes oreilles qui me jouaient des tours…« Et tu avais l’intention de mourir en me laissant croire le contraire ? »  Voilà que j’entendais sa voix à présent. Ces mots prononcés en anglais avec malgré tout un petit accent japonais, comme le père de Ian lorsqu’il parlait en français, malgré le fait qu’il maîtrisait aussi bien que moi la langue française, il avait les intonations japonaises. Drôle de moment pour songer à ça… pourquoi y avais-je pensé, d’ailleurs ?, Ah oui. Mes hallucinations auditives. Je soupirai à peine puis descendit mon arme, la posa sur le sol puis levai malgré tout les yeux, avec ce stupide espoir dans le coeur. Stupide espoir, mais auquel je me raccrochai. Je n’avais plus rien d’autre… à travers mes larmes, il me sembla reconnaître une silhouette familière. Cette ombre que j’attendais de voir depuis si longtemps, que je pariais être cette fois une hallucination visuelle. Qu’avais-je fait pour mériter tout ça ? Oui, j’avais semé le malheur dans un nombre très important de famille ; l’heure était venue que la roue tourne. Qu’elle tourne encore. Encore une fois, une troisième fois. Après une première séparation, des retrouvailles ratées, au tour d’une séparation définitive. J’essayai de me lever. Avec difficulté, je finis par réussir à me mettre sur mes pieds. Ma tête tournait ce qui était peu étonnant avec je que j’avais dans le sang depuis plusieurs jours voir semaines, qu’en savais-je. Je plissai les yeux. Ce visage… Naoki. Je me laissai tomber dans ses bras, même en n’étant pas persuadée qu’il s’agissait réellement de lui. Peu m’importait si c’était un inconnu voir quelqu’un qui me connaissait et me détestait… j’en n’avais rien à faire. Si c’était l’un de mes rivaux, qu’il me tue, puisque je n’avais pas le cran de le faire. De peur de tomber, j’attrapai les bras de Naoki. J’étais, dans le fond, persuadée que c’était bel et bien lui. Je l’avais aimé et l’aimais passionnément… reconnaître sa voix était tout de même le minimum. Et ses paroles, si je les avais réellement entendues… elles ne pouvaient pas être celles de n’importe qui.« J’aurais dû te croire l’autre soir. », murmurai-je. Je ne me souvenais plus en détail de ses paroles, mais j’étais persuadée qu’il avait eu raison.

«Je ne t’ai pas dis de très belles choses l'autre fois. C’est juste que… Je ne pensais pas te retrouver un jour pour apprendre que tu es devenu…» Je n’étais pas en état de me souvenir précisément de ce qu’il m’avait dit, mais je me souvenais très bien qu’il avait comme vu ce que j’allais vivre. Naoki m’avait proposé de quitter Ian et de venir avec lui… qu’ainsi, je pourrais recommencer à sourire. Si j’avais su… si j’avais su que Ian me quitterai de cette façon, je n’aurais pas tant hésité. Partir avec Naoki, c’était ce que je souhaitais au fond de mon coeur. Je savais que lui, jamais il ne se serait fait prendre par un tel malentendu comme l’avait fait Ian, à la mort d’Edouard. Naoki avait une once d’intelligence en plus. Il serait venu me dire la vérité, le matin venu. Voir même, il m’aurait prévenue avant que je ne parte. Et Edouard… il aurait dû refusé que je vienne ! Pourquoi avait-il accepté, d’ailleurs ? Il était secrètement amoureux de moi ? De toutes façons… repenser à ça était inutile. J’étais bien dans les bras de Naoki. Plus les secondes passaient, plus je me sentais apaisée. Enfin, façon de parler. J’avais légèrement moins envie de faire ce que je comptais faire avant qu’il n’arrive. «Je…Je t’aimes Holly… Et je suis sincère quand je dis que je veux être avec toi…» Mes paroles me revenaient en mémoire… je lui avais balancé qu’il ne pouvait pas me comprendre puisqu’il n’avait jamais aimé personne. Nyah… pourquoi avais-je fait ça ? Comment de telles paroles avaient pû m’échapper de cette façon ? Je savais que c’était faux. Archi faux, complètement faux, totalement faux, nyahtiquement faux. Je t’aime. Ça faisait si longtemps que l’on ne m’avait pas dit ça. Ça faisait si longtemps que je n’avais pas parlé à quelqu’un tout court. J’étais si bien dans les bras de Naoki… la chaleur humaine m’avait manquée elle aussi. J’avais envie de lui dire qu’il suffisait de tout oublier et de partir ensemble, de faire comme si que l’on ne s’était pas quitté depuis mon retour en France, qu’on avait qu’à se marier et à avoir un enfant et que comme ça, plus personne ne se souviendrait de ces malheurs que la vie me faisait enduré et de la tristesse que je lui avais causée. « Moi aussi… je crois. », réussis-je à dire. Je commençai à me sentir mal et pas seulement parce que j’avais eu du mal à dire ça. Je ne savais même plus combien de litres et de grammes j’avais eu dans le sang depuis que Ian m’avait quitté...

Vraiment… combien de temps cela faisait depuis la dernière fois que je m’étais sentie aussi mal ? Je n’arrivais pas à m’en souvenir… peut être parce que justement ce n’est jamais arrivé. Je n’en n’étais jamais arrivée à ce point, à vouloir me suicider. «Tu voudrais pas lâcher cette arme? Tu n’en a pas besoin, hein?» J’obéis aussitôt. Le bruit du choc avec le sol résonna dans mes oreilles durant plusieurs instants et commençait à me faire mal à la tête. Le monde tournait, tournait… j’allais probablement finir par m’écrouler dans les bras de Naoki, finir par faire une overdose ou tomber en coma éthylique. Je ne voulais pas finir en si mauvais état. Ni que Naoki me voit ainsi. A sa place, d’autres seraient partis en voyant ce que j’étais devenue, en voyant dans quelle débauche j’étais tombée depuis que Ian m’avait lâchée de cette façon… mais non, Naoki, lui, il restait, il me serrait dans ses bras. A sa place, qu’aurait fait Ian ? Je ne savais pas, plus… il ne fallait pas que j’y pense. Il était partis maintenant, pour de bon. Il n’allait pas réapparaître comme par magie comme après ces deux ans… Peut être qu’il aurait mieux fait d’insister pour faire changer d’avis Edouard, ce soir-là. Les choses auraient étés plus simples par la suite. Edouard ne m’aurait jamais laissé dévier comme ça. Il était bien trop protecteur envers les gens qu’il aimait pour me laisser partir à New York à la poursuite de Jack, il aurait deviné que je n’avais plus qu’un but dans la vie, tuer le plus de gens possibles pour me venger. J’aurais dû m’en rendre compte, qu’après la soi-disant mort de Ian, il n’était plus pareil. Je m’étais dit une fois qu’Edouard n’aurait pas réagit comme ça. Que cette réaction était typique de Ian. Mais je ne m’étais pas posée plus de questions, ayant pensé que c’était la perte de son frère qui l’avait quelque peu changé. J’aurais dû voir que quelque chose ne tournait pas rond. Si j’avais été moins… moins naïve, je n’aurais pas tant souffert. J’aurais pû aller dire à Ian ce qu’il n’avait pas réussi à avouer, que j’avais compris l’échange d’identité. Pourquoi était-il la source de mes malheurs comme la source de mes plus grandes joies ? «… Dealer, tuer. Tout ça c’est terminé, tu ne crois pas?» Je relevai mes yeux et hochai vivement la tête avant d’éclater en sanglots. « Fini… tout est fini… comme un mauvais rêve. Comme ce que ma mère me disait quand j’étais petite. On efface tout. On ne garde que le bon. » Pourquoi il ne suffisait pas de dire ça pour que ça arrive ? Ou plutôt... pourquoi ne pas croire que c'était possible ? Ça marchait, avant...

Je me sentais si bien et si mal en même temps. J'avais fini par lâcher mon arme d ès que Naoki m'eut demandé de le faire. Je voulais tout arrêter, tout... comme si tout n'était qu'un cauchemar...  «Il faut toujours écouter sa maman.» Il avait raison... Si je l'avais écoutée, je serais partie lorsque mon histoire avec Ian avait commencée. Je n'aurait pas tant souffert à cause de ce sentiment qu'auparavant je trouvais ridicule... réalisant tout ça, je sanglotai, telle une adolescente pendant un risible chagrin d'amour. Non, moi, Ian était toute ma vie, pas seulement quelques mois. Je pensais que c'était le même chose de son côté mais non... Ces derniers temps il jouait la comédie devant moi. Je le savais manipulateur mais n'aurait jamais cru qu'il me manipuler moi aussi. Il passait du temps avec moi tout en pensant à cette garce avec laquelle il me trompait et avec qui il était en ce moment. Début janvier il... il m'avait fait croire que toute cette histoire le tuait. Si ça se trouvait, peut être même qu'il ne m'avait jamais aimé. Sitôt cette pensée effleura mon esprit, je l'adoptai. Non, pour moi, il n'y avait pas d'autres possibilités, c'était l'évidence même. Ian avait joué avec moi, avec mes sentiments. Pour l'argent de ma famille ou pour s'amuser, qu'en savais-je. L'amour que j'avais encore pour lui se changea immédiatement en haine, la même que j'avais pour Jack lorsqu'il avait tué Edouard. La main de Naoki sur ma joue était comme mon seul lien avec la réalité, car tout ça n'était peut-être que l'un de mes premiers délires paranoïaques après tout. Je relevai mes yeux embués de larmes vers lui. J'avais envie de l'embrasser, envie de me sentir aimée sincèrement. Je n'en pouvais plus de vivre pour un hypocrite manipulateur et fourbe qui m'avait trahie. J'avais besoin de stabilité. J'arrivais à un âge où on avait envie d'avoir une vie stable après tout... en avril prochain j'aurai déjà vingt-six ans. Le fait que je réussisse à penser à ce genre de chose me surprenait tout de même. Je me souvenais avoir bu et pris de la drogue récemment... pas mal de substances licites et surtout illicites parcouraient mon corps mais pourtant j'arrivais à penser à l'avenir. Que je ne voyais plus autrement que dans les bras de Naoki. C'est dans cet état d'esprit que je m'approchai de lui pour l'embrasser en même temps qu'il finit par prendre cette décision. Ces quelques instants me parurent être une éternité. Je recommençai à pleurer, mais davantage de joie cette fois. «Je t’aime, Holly», murmura-t-il en français. « Wa... wa... watashi mo... », répondis-je. Par je ne savais quel miracle, je me souvenais de ces mots apprit il y a dix ans. « Aishiteru. Aishiteru... » Je l'aimais... et j'étais sûre que jamais il ne me ferait subir la même chose que Ian.