Comment la tristement célèbre Maureen O’Connor avait-elle pu se faire avoir de cette façon ? Son contrat se retrouvant en face d’elle, une arme à la main, à la tenir en joue alors que l’irlandaise était désarmée depuis un lustre… certes, ses connaissances en combat et en torture l’avaient tirée d’affaire pendant dix minutes environ mais là, la jeune femme se sentait aussi fragile qu’un fétu de paille et la haine irradiait l’intégralité de son corps. « Et ben qu’est-ce que t’attends connard, que j’te tienne la main ? » maugréa-t-elle sans violence, contentant d’appliquer au ton de sa voix une froideur sans pareille. On l’avait vendue et sa couverture s’était envolée comme autant de feuilles mortes un jour venteux d’automne. Maureen espérait simplement pouvoir survivre ne serait-ce qu’un jour de plus pour avoir l’opportunité de torturer l’importun ayant osé la trahir. Que le sang coule à flot afin que sa rage ne s’apaise… mais en attendant, elle trouvait le temps long face à cet abruti qui n’avait même pas la force de tirer une pauvre balle ! « T’as trente secondes pour achever ce que tu as commencé espèce de couille molle ou bien je vais m’assurer que ta pauvre virilité de lilliputien va te remonter au cerveau ! Et ce ne sont pas des paroles en l’air… » Maureen trouvait le moyen d’afficher un sourire carnassier comme si rien n’avait d’importance et qu’on ne la menaçait pas de mort. Ce fut sans doute pourquoi elle se plut à s’avancer à pas de louve vers celui qui la tenait toujours en joue, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que quelques millimètres entre eux. La question restait posée : allait-il tirer ?

Peur ? Bah on ne pouvait pas dire que Maureen n’en ressentait jamais mais pour l’instant, c’était plutôt de la rage qu’elle éprouvait en premier. Elle attendait le moindre signe de faiblesse de la part de son attaquant pour répliquer vite et bien, comme elle avait tant l’habitude de le faire depuis que son père l’avait placée à la tête de la Mafia irlandaise ici, à New York. Malheureusement, la jolie blonde n’eut même pas le temps de tenter sa chance qu’un importun coupait la dynamique de la scène avec une phrase presque bateau dans le milieu de la demoiselle. Mais ce n’était pas ladite phrase qui la dérangeait, plutôt cette voix qu’elle aurait été capable de reconnaître entre mille. L’espace d’un instant, Maureen se surprit à prier qu’il ne s’agisse surtout pas du même homme, mais en attendant, il lui fournit le temps nécessaire pour écraser les cordes vocales de son attaquant avant de ne lui briser la nuque en deux gestes extrêmement précis et sans appel. Maureen n’avait pas pour habitude de faire dans la dentelle ce n’était pas aujourd’hui que cela changerait. A peine l’homme à terre, la jeune femme put enfin voir de plus près ce visage qu’elle n’avait plus croisé depuis une dizaine d’années… et toutes ses prières s’envolèrent, inutiles, tels des mots murmurés en vain. « O’Malley… » murmura-t-elle premièrement, une expression froide sur son beau visage aux traits de porcelaine et un regard aussi haineux qu’elle le pouvait. « Je ne te savais pas expert ès damoiselle en détresse ! Mais comme tu peux le constater, je m’en sortais très bien seule. » Coutume des O’Connor : ne jamais dire merci ni même s’avouer en situation de faiblesse.

Parfait, ils reprenaient leurs habitudes d’antan à s’appeler par leurs noms de famille, cela lui faciliterait la tâche. Hélas pour Maureen, ces derniers temps, elle avait une fâcheuse tendance à être un poil trop sentimentale par rapport à ce cœur tant de fois desséché à force de ne plus servir. Si l’irlandaise savait être d’une douceur extrême avec son frère aîné et sa nièce, il n’en n’était rien pour tous les autres, pas même avec Shaun, bien que celui-ci ait tout de même un traitement de faveur. Elle l’adorait mais elle restait sa patronne avant toute chose. « Et bien maintenant que tu sais que c’est moi, pourquoi tu es encore là ? » lâcha-t-elle avec un sourire carnassier plaqué contre ses lèvres tandis qu’elle se saisissait enfin de son portable pour demander un nettoyage à son assistant, Dante. Celui-ci avait toujours des sueurs froides dès que celle-ci avait un nouveau contrat et celui-ci ne ferait malheureusement pas exception. « Bien, je serais ravie de parler chiffons avec toi, mais j’ai beaucoup à faire à vrai dire. Tu sauras sûrement revenir sur tes pas comme le graaand gaillard que tu es » reprit-elle tout en faisant référence à leur passé et à la coutume des O’Malley les liant au clan O’Connor. Maureen l’avait toujours trouvée profondément stupide et bien qu’elle ait longtemps considéré Sheamus comme un être humain à part entière et non comme un garde du corps ou un larbin, force est de constater que ce temps était malheureusement à jamais révolu. « J’ai des gens qui vont venir s’occuper du nettoyage » conclut-elle avant de tourner les talons, sans l’ombre d’une émotion, avant de ne se mordiller la lèvre inférieure car quoi qu’elle en dise, ça ne lui faisait pas rien du tout.

Avait-elle bien entendu ou la prenait-il pour une courge ? La question pouvait se poser et pourtant, si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, on ne pouvait pas dire que Sheamus soit doté de son côté fringant du passé. Au départ, Maureen était bien décidée à lui dire silencieusement d’aller se faire foutre où bon lui semblait tant qu’il restait loin d’elle, mais le remord lui tiraillait les entrailles à chaque pas et bientôt, ce foutu arrangement lui éclata en plein visage : si jamais son père apprenait qu’elle avait tourné le dos au dernier représentant des O’Malley… ça allait sérieusement chauffer pour son matricule. « Rhaaaa amène ton cul O’Malley et magne-toi parce que j’ai pas que ça à foutre ! » vociféra-t-elle alors qu’elle avait rebroussé chemin, le foudroyant du regard tout en le menant à sa voiture sans même se douter une seconde du plan qui se préparait contre elle. L’irlandaise avait mordu à l’hameçon à cause de tout ce qu’ils avaient vécu, des mots doux qu’ils avaient échangé ainsi que des anciens surnoms… quelle pitié. Maureen s’en insultait silencieusement alors qu’ils parvenaient à sa voiture et qu’en prime, elle l’invitait chez elle, dans son antre, appartement où personne n’avait le droit d’entrer hormis son frère et sa nièce. Autant dire que le trajet en voiture fut d’un tel silence qu’il dérangea même la piquante demoiselle blonde. Mais elle appliquait la tradition à la lettre… et lorsqu’ils furent chez elle, ce fut sa bouteille de whisky dix-huit ans d’âge qu’elle sortit, bien qu’elle ne le fasse pas forcément de gaité de cœur. « Tiens, avale ça, au moins je n’aurais pas à écouter tes inepties pendant que tu te saoules » reprit-elle sans douceur aucune avant de s’en envoyer un également. « Puisque je n’ai pas d’autre plan pour l’instant tu vas crécher ici. Mais c’est canapé et tu gardes tes mains chez toi si tu ne veux pas pleurer ces deux membres de ton anatomie. »

« Laisse-moi réfléchir… non t’es vraiment le plus grand débineur de conneries que j’ai pu croiser dans mon existence, et pourtant dieu sait à quel point je dois en supporter » rétorqua-t-elle aussitôt car Maureen n’était pas non plus du genre à se tenir docile, sensible et silencieuse face à la gente masculine, bien au contraire. Chaque jour était un parcours du combattant pour quelqu’un comme elle, car souvent ses opposants ne la prenaient pas au sérieux parce qu’elle s’avérait être une femme. Gravissime erreur car elle était bien la pire et la plus cruelle de tous. « Oh mais je suis irrésistible… je ne vois pas pourquoi je m’en cacherais, j’ai un exceptionnel petit cul ! » Maureen s’envoya cependant une autre dose avant de ne s’asseoir sur un fauteuil et de lui envoyer la bouteille. Ma foi, s’il voulait se faire plaisir… résolution du jour : s’en racheter une illico presto le lendemain ! « Tu n’as aucune crainte à avoir… ton cul ne m’intéresse pas du tout comme le reste de ta personne d’ailleurs. Mais tu as raison, j’ai besoin d’un homme, un vrai, ce qui te flanque illico hors course. J’ai tout ce qu’il faut et surtout des chevaux de course nettement plus rentables que toi niveau service après-vente. » Maureen n’avait que foutre d’être vulgaire, après tout elle restait une fière irlandaise et pisser à la raie de tous ceux qui ne la haïssaient était devenu un sport qu’elle appréciait particulièrement. Bah… si Sheamus la détestait à son tour, ce serait toujours ça de pris : il ne deviendrait donc pas une faiblesse dans son existence de mafieuse. Pour un peu, elle devrait le remercier… mais le whisky allait suffire pour cette fois.

Maureen ne l’avait pas lâché des yeux et pourtant, elle ne laissait échapper aucun sentiment. Plutôt crever que de le laisser gagner et vu ce qu’il lui envoyait dans la tronche… il valait mieux. Mais bientôt, elle fut incapable de ne pas éclater littéralement de rire. « Un étalon ? Un petit poney et encore, évite de te regarder dans un miroir grossissant la prochaine fois, tu souffriras moins de désillusion ! » ironisa-t-elle-même si elle devait bien admettre qu’en dix ans, il était devenu un homme au charme indéniable et au physique particulièrement avantageux. Mais s’il s’attendait à ce qu’elle ne lui passe la pommade, il avait frappé à la mauvaise porte. « Ca t’emmerde d’être muselé, hein ? Je peux faire ce que je veux de toi, voilà qui me plait davantage… » avoua-t-elle sans en penser un mot. Maureen pouvait soumettre n’importe qui d’autre en ressentant une jouissance terrible mais pas Sheamus, ça n’avait aucun intérêt. Néanmoins, en bonne suicidaire qu’elle savait si bien être parfois, elle se releva pour mieux s’imposer à califourchon sur lui, créant une proximité qu’ils n’avaient plus vécue depuis des lustres. La donne lui arracha intérieurement une impression de supplice mais elle demeura stoïque, comme à son habitude, poursuivant son petit manège quelques secondes avant de ne lui tourner brutalement le visage en l’ayant chopé de deux doigts pour lui murmurer à l’oreille. « J’en ai rien à foutre de ce pacte à la con et tu peux te le mettre là où j’pense. J’ai d’autres chiens-chiens et je n’ai aucune envie de m’encombrer d’un salopard dans ton genre, alors évite de pousser le bouchon ou je risque de cuisiner ta langue aux p’tits oignons. » Maureen se releva aussitôt, félinement, buvant à même le goulot de la bouteille pour mieux la reposer et se diriger vers sa chambre sans un regard. Une bonne joute verbale lui donnait de l’énergie d’habitude, mais là…

Ca ne prenait pas ? Bien sûr que si ça prendrait : Maureen n’avait pas l’intention de se coltiner Sheamus pendant des plombes et rien que cette soirée risquait d’être extrêmement pénible pour ses nerfs. Ce fut comme une bouffée d’oxygène que de se retirer dans son antre, l’endroit où définitivement personne n’aurait jamais le droit d’entrer à part elle. La jeune femme en profita pour retirer ses vêtements ayant croisé la saleté pestilentielle de ceux de l’irlandais avant de filer sous la douche, dans sa salle de bain privée. Sa colère baissait au rythme de l’eau coulant contre ses muscles, la rendant aussi détendue qu’après une longue séance de yoga. Mais Maureen n’eut le temps que d’entourer son corps nu et ruisselant d’une serviette que déjà, le roquet se remettait à aboyer. Il n’était pas capable de rester seul ma parole ?! « Je ne me cache pas, j’évite ta présence qui m’est indifférente, nuance » rétorqua-t-elle aussitôt en venant chiper la bouteille pour en boire une longue rasade. « La solitude te fais peur, petit oisillon tombé du nid ? » ironisa-t-elle avant d’éclater d’un rire narquois et sans pitié. Pourquoi l’avait-elle ramené chez elle, au juste ? Il n’apportait rien d’autre qu’une discussion hautement désagréable dont elle se serait bien passée. « C’est ma bouteille et je te devais un verre, pas plus. Contrairement à toi, je suis parfaitement capable de me la siffler seule, qui sait, ça m’évitera peut-être d’entendre tes conneries sans intérêts, poney. » Et effectivement, elle se tenait contre son bar, à bonne distance, la bouteille à la main qu’elle sirotait sans le lâcher du regard.

« Mais c’est qu’il mordrait le poney ! Je fais ce que je veux chez moi et tu m’emmerdes ? Grand bien t’en fasse ! Mais à mon avis ce n’est pas avec ton look de SDF et tes paroles si charmantes que tu as dû te faire beaucoup de femmes… à moins que tu ne les payes. Ah mais c’est ça ! T’es devenu expert en putes ? » Maureen éclata de rire bien qu’elle ait plutôt envie de l’étrangler vite et bien juste pour calmer ses nerfs. En l’espace de dix secondes, il avait réussi à la remettre en rogne pour l’intégralité de la nuit et autant dire que cela ne laissait rien présager de bon pour ses subordonnés le lendemain, surtout s’il la gonflait toute la nuit durant. « J’te dois rien alors viens la chercher si tu peux encore tenir debout tête de nœud ! » Cette fois-ci, Maureen avait presque vomi ses mots et froncés violemment les sourcils avant même que de parler. Il était en train de détruire un à un tous les souvenirs qu’elle possédait d’eux, tous les sentiments si positifs qu’il faisait autrefois naître chez elle et tout ça pour quoi ? Parce qu’elle refusait de le prendre pour un larbin ? La bonté n’est jamais récompensée, elle allait donc s’abstenir à l’avenir ! « Shaun est plus vivant que jamais et c’est mon meilleur lieutenant… il va se marier bientôt avec une tête couronnée française et il sera papa d’un p’tit mec dans quelques mois. Autant dire qu’il va sûrement très bien le former dès son plus jeune âge… sa future femme était un contrat que je lui avais confié. Il ne l’a pas honoré et il a de la chance que je l’adore… même s’il s’est pris la rouste de sa vie. D’autres questions ? Tu seras sûrement un grand garçon pour les lui poser toi-même remarque, y’a pas marqué renseignement » marmonna aussitôt Maureen avant de ne prendre une nouvelle rasade de whiskey afin de le faire bisquer.

« Tu as été marié ? Bon dieu elle a dû être payée cher ta blonde pour supporter un pauvre poney dans ton genre ! » rétorqua Maureen sans l’ombre d’une hésitation même si la révélation lui faisait mal au cœur, quoi qu’elle en dise. De son côté, elle ne s’était pas mariée et avait été dans d’autres bras, mais ne lui faisait pas pour autant l’offense de le lui faire remarquer bien au contraire. L’irlandaise n’avait aucune envie de remuer le couteau dans la plaie. « Française » répliqua-t-elle aussitôt pour faire référence à la tête couronnée de Shaun sans même savoir pourquoi, au juste, elle ne lui avait pas encore mis une balle en pleine tête. « Quand tu verras à quel point il est gaga de sa tête couronnée tu sauras pourquoi je ne l’ai pas déjà envoyée six pieds sous terre ! Il a déjà moult tué pour elle pour ta gouverne » continua-t-elle avant de ne lui chiper habilement la bouteille des mains d’un geste vif et inattendu, même si sa serviette n’y résista pas et tomba également à ses pieds, comme celle de Sheamus. Au moins ils étaient à égalité et en prime, elle pouvait profiter de longues rasades de whiskey qu’elle estimait on ne peut plus méritées. Mais subitement, Maureen éclata de rire, sûrement face à sa réplique mais aussi au fait qu’il la pensait suffisamment faible pour accepter sans rien dire un mariage arrangé avec un irlandais. Bien qu’elle soit la plus patriote des patriotes et qu’elle ait conscience qu’un jour son père serait tenté de la pousser à procréer pour ne pas interrompre la lignée, elle ne serait jamais contrainte à quoi que ce soit. « Allons, allons… je briserai les bijoux de famille de celui qui osera me contrainte à quoi que ce soit, même s’il s’agit de mon propre père. Celui qui va me forcer à épouser un abruti que je n’aurais pas choisi n’est pas né. Et puis même… je ne suis pas aussi faible que toi, le mariage ne m’intéresse pas du tout. D’autres chats à fouetter, poney. »

« Sauf que tu as la mémoire courte et qu’en plus tu ne connais pas ma vie… alors c’est moi qui t’emmerde, fausse blonde ! » maugréa Maureen car justement, elle pouvait s’attacher et un peu trop facilement à son goût. Pourquoi n’avait-elle pas tué Anaé alors ? Parce que cette maudite française parvenait à mettre dans sa poche n’importe qui et que l’irlandaise l’avait trouvée tellement dévouée au bonheur de son cousin qu’elle n’avait pas voulu briser le cœur de Shaun. Au même titre qu’elle était complètement gaga de sa nièce, qu’elle ne refusait jamais rien à Anton et qu’en dépit de tout ce qu’elle avait pu vouloir, Azariel et sa sœur Lexie étaient encore en vie. Malheureusement, elle pouvait aimer et s’attacher et s’était peut-être ce qui retenait actuellement encore son bras de lui refaire définitivement le portrait histoire de le faire taire une bonne fois pour toute. « De la honte ? Ne pas vouloir qu’un abruti parasite dans ton genre sache ce que je désire, j’appelle ça de l’intelligence, mais mon corps réagit de façon moins visible que toi heureusement. » Mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’avait aucune attirance pour lui – c’était même l’exact inverse pour son plus grand désespoir – ni qu’elle possédait les idées très claires, hélas. Mais l’irlandaise éclata légèrement de rire avant de s’enfiler la dernière rasade de la bouteille, qu’ils s’étaient sifflée à deux, pour mieux lui emboiter le pas. Qu’il essaye seulement de la repousser, qu’elle se marre… car elle venait d’entrer dans la douche, un petit air amusé cette fois-ci contre ses traits alors qu’elle observait en long, en large et en travers le corps manifestement dressé de désir pour elle. « Vraiment, douche froide ? Puisque tu n’as aucune honte à afficher clairement ce que tu désires je t’écoute ! Peut-être que tu éviteras la douche froide… » Oh c’est sûr qu’il allait l’éviter ! Mais Maureen agissait par énigme, comme autrefois, par peur qu’il ne soit le premier à la jeter. Bien qu’il l’ait été en tous les cas !

De toute façon, même lorsqu’ils formaient un couple à part entière, les deux irlandais se lançaient déjà des horreurs à la figure, c’était devenu un véritable rituel entre eux. Pire, Maureen se surprenait à aimer cela autant que les rares fois pendant lesquelles elle lui avait réellement ouvert son cœur. Hélas pour elle, elle se souvenait de chaque seconde de ce genre de moment et n’avait jamais pu les oublier même en dix ans. Ce fut presque un réflexe pour elle de le suivre et manifestement, il ne semblait pas contre qu’elle l’ait fait à moins que ce ne soit l’alcool qui parlait pour les deux… Maureen se sentit comme mue d’une grande force dès lors qu’il eut repris ses lèvres, comprenant que cela faisait malheureusement dix ans qu’elle l’attendait sans espoir et qu’enfin, elle pouvait à nouveau libérer une foule indescriptible de sentiments l’empoisonnant depuis qu’il avait rompu leur histoire. « La ferme à ce rythme là j’vais au moins passer galop trois ! » plaisanta-t-elle à son tour avant que la passion ne prenne le pas sur cet élan de tendresse et de douceur particulièrement étonnant qu’elle avait eu à son égard. Elle le plaqua contre la paroi de la douche, dévorant littéralement ses lèvres sans pour autant cesser de garder son corps contre le sien. Hors de question qu’il ne s’éloigne d’un millimètre sinon les répercutions en deviendraient dramatiques. L’irlandaise n’avait jamais apprécié qu’on lui résiste, mais ça n’en n’était que plus vrai concernant Sheamus, alors qu’elle parcourait son corps d’Apollon si divinement taillé de ses mains exigeantes, qui s’arrêtèrent un moment sur son fessier avant de ne venir sournoisement titiller la virilité qu’elle avait injustement remise en cause à plusieurs reprises. « Interdiction de flanquer l’eau froide » ajouta-t-elle sans même le menacer. Diantre, elle était vraiment émue par l’alcool ! Ou enfin à la maison…

Maureen finissait par ne plus rien y comprendre. Alors qu’elle avait toujours été farouchement contre cette tradition stupide entre O’Connor et O’Malley, c’était elle qui l’avait néanmoins poussée à recueillir Sheamus dans son appartement, lieu où personne n’avait jamais le droit d’entrer et où elle se permettait d’être réellement elle-même, sans armure. Mais ce n’était cependant pas la tradition qui la poussait dans les bras de l’irlandais, plutôt un mélange d’alcool particulièrement désinhibant et de sentiments qu’elle ne pouvait plus reléguer en quantité négligeable. Sheamus l’avait abandonnée et ainsi plongée dans une détresse qu’elle n’avait pas connue jusqu’à lors, et pourtant, ses sentiments ne bougeaient pas d’un pouce. En dix ans, ils étaient restés aussi puissants, exigeants, incontrôlables. Pour la première fois depuis des lustres, Maureen se sentit littéralement frissonner sous les attentions d’un homme, tandis qu’elle s’abandonnait littéralement à ses caresses en dissimulant ses gémissements les plus intenses de baisers tous plus furieux les uns que les autres. Mais il n’y avait pas de violence réelle dans ses gestes. Il persistait toujours un fond de tendresse et de bienveillance, que même l’alcool ne saurait altérer. « Alors possède-moi, aie moi… » murmura-t-elle avant de ne lui mordiller l’oreille, ayant prononcé ces mots sans même hésiter une seconde et alors que ses mains n’étaient pas en reste de poursuivre leur nouvelle exploration de ce corps lui ayant tant manqué. Diable, sûrement regretterait-elle de s’être autant laissée aller le lendemain, mais maintenant… c’était lui qu’elle voulait. « Merde Shea je te veux ! » reprit-elle comme une supplique, sans même s’étonner qu’ils aient repris tous deux leurs anciens surnoms au lieu de ne s’appeler par leurs noms de famille respectifs…

Malgré la considérable anesthésie que subissait actuellement son cerveau à cause de l’alcool, son corps tout entier semblait appeler Sheamus, se tendant, s’arquant sous ses attentions comme si dix ans ne s’étaient pas écoulés et que rien n’avait changé entre eux. Mais ne lui avait-elle pas un jour dit que leurs noms de famille n’avaient aucune importance et qu’il n’existait rien d’autre qu’eux ? Cette révélation l’avait peut-être fait rire mais l’irlandaise n’aurait pas pu être plus sérieuse qu’en cet instant. Elle se surprenait à le penser à nouveau, des années plus tard, après être passée dans de nombreux bras sans jamais trouver cette paix que lui offrait justement l’irlandais. Dieu sait que leurs sentiments savaient être proches de la haine quand ils s’y mettaient, et leur partage était si passionné qu’il en devenait souvent incontrôlable mais Maureen n’y pouvait rien : il restait le seul à avoir atteint son cœur de façon véritable et sous ses doigts, elle se sentait comme revivre. Ce fut sans nul doute la raison pour laquelle elle poussa un long gémissement à son tour alors qu’il la possédait enfin, mettant un terme à des années de misère et de solitude car même accompagnée, Maureen s’était toujours sentie profondément seule. Le long va-et-vient qu’il lui offrit la combla avec une telle force qu’elle dû s’accrocher à son dos armée de ses ongles pour ne pas définitivement succomber. « Sheamus… » fut le seul mot qu’elle prononça avant qu’ils n’atteignent des sommets ensemble, anesthésiés plus encore, comme s’ils avaient essuyé une tempête des plus cruelles et se retrouvaient dans les bras l’un de l’autre, épuisés mais vivants. Maureen ne sut pas par la suite comme elle se retrouva sur le canapé et non dans son lit, complètement nue et lovée dans les bras de Sheamus mais cette vision, des heures plus tard, lui arracha une expression furieuse. Bordel, elle avait cédé ! Il la traitait comme une merde mais pas grave, en bonne crétine qu’elle était, forcément elle avait cédé ! L’irlandaise se releva précautionneusement pour se rendre dans sa chambre, prenant une douche froide afin de ne se remettre les idées en place mais la gueule de bois qu’elle se payait était titanesque. Ses sous fifres risquaient de prendre cher dans la tronche mais qu’importe, elle n’avait aucune envie : quitter son appartement. Elle l’aurait sûrement fait depuis longtemps, habillée d’un tailleur particulièrement près du corps mais elle cherchait hélas ses clefs de voiture. « Bordel de merde elles sont où ces connasses ! » murmura-t-elle rageusement car elle n’avait ni l’envie ni la capacité de se lancer dans une joute verbale de bon matin. Par chance, elle entendit l’irlandais ronfler, chose qui la fit sourire bêtement, et qui lui permit sans problème de s’extirper de son propre appartement pour éviter toute confrontation… pour l’instant. Mais quelque chose lui disait qu’elle n’en n’avait pas fini avec le cas Sheamus O’Malley.