Aujourd’hui était une plutôt bonne journée pour les animaux. Aucun appel au secours qui m’avait valu de sauver un autre animal mal traité – et donc pas d’animaux mal traités à ma connaissance – et trois animaux avaient trouvé un nouveau foyer. Bien sûr, je faisais toujours très attention à avec qui les animaux du refuge partaient. Pour pouvoir en adopter un, il fallait remplir un questionnaire – et bien le remplir surtout – me donner un justificatif de domicile – pour que je puisse passer à l’improviste voir comment tout se passait – et plein d’autres choses encore me permettant de voir que les animaux qui partaient serait enfin heureux, une bonne fois pour toute, et seraient avec la famille qu’ils méritaient. Bien sûr, cela pouvait décourager certaines personnes, mais bon, ce n’était pas mon problème, au contraire. Je préférais que les animaux restent ici au refuge, avec moi et mes bénévoles, étant bien traités et recevant les traitements qu’ils méritaient, plutôt qu’envoyés avec n’importe qui. Entendant une voix à l’accueil, je stoppais le jeu que j’avais commencé avec Alex, un des perroquets que nous avions dû prendre avec nous – les propriétaires n’ayant pas les papiers nécessaires pour le garder. Je n’eus pas le temps de répondre à son « bonjour » que la jeune brunette reprenait immédiatement. « Bonjour. » la saluais-je discrètement. « C’est bien ici qu’il faut venir, en effet. Et surtout pas dans une animalerie. C’est de leur faute si tant d’animaux sont abandonnés. Les gens entrent dans une animalerie comme ils entreraient dans un Ikea, et choisissent au coup de cœur. Sauf que comme l’achat n’est pas réfléchi, et qu’ils ne connaissent pas les spécificités de la race qu’ils ont achetée, il l’abandonne parce que ce n’était pas ce à quoi ils s’attendaient. Et je ne parle même pas des trafics que font les animaleries. Séparer les bébés de leur maman alors qu’ils ne sont même pas sevrés, les transporter longtemps dans des caisses sans eau ni nourriture. La majorité d’entre eux sont morts avant d’avoir pu mettre un pied dans une animalerie. » répondais-je de but en blanc, en secouant la tête. Je détestais réellement les animaleries, et pensais que sans elles, les animaux s’en sortiraient beaucoup mieux. « La police nous a justement donné deux singes saïmiri justement. » commençais-je avant de reprendre. « Et nous avons également des iguanes. Nous avons probablement tout, d’ailleurs. Vous vous êtes renseignée sur ces animaux ? »

« Euh... non. Pas vraiment. Pourquoi ? Il faudrait ? » répondit-elle, me laissant sans voix. J’eus un petit rire nerveux. Elle était sérieuse là ? N’avait-elle pas écouté tout ce que je venais de dire à propos du choix coup de cœur et du fait qu’un animal n’était un meuble qu’on pouvait balancer dès qu’on en avait assez ? « Oui, en effet, il faudrait. Surtout pour les NAC, qui nécessitent de conditions de vie bien particulière. Déjà qu’il faut normalement se renseigner sur une race de chien pour ne pas avoir de surprise, c’est doublement le cas pour un singe. Vous avez quel âge ma parole ? » répondais-je agacé. Heureusement que les animaleries n’étaient pas autorisées à avoir des NAC, sinon elle aurait pu en avoir un juste en claquant des doigts. Non, au moins, pour ces nouveaux animaux de compagnie, la réglementation était plus stricte et seuls des refuges agréés pouvaient en avoir. Et généralement, les propriétaires de ces refuges étaient comme moi, donc si la jeune femme ne changeait pas rapidement de comportement et ne commençait pas à se renseigner avant d’adopter un animal pour une durée d’une trentaine d’années, les autres refuges devraient également lui dire non. Je me retenais de lui dire ce que je pensais. Et dire que je me considérais comme étant un pourri gâté par mes parents … Lorsqu’elle me demanda si j’avais des lions, je ne pus m’empêcher de poser mes doigts sur mes tempes tout en secouant lentement la tête. « Quand je dis tout, je parles des animaux qu’il est légal d’adopter. Les lions n’en font évidemment pas partis. » soufflais-je, me retenant de la mettre dehors. Allez, peut-être que j’arriverais à lui faire changer de comportement et à la pousser à se renseigner un peu plus sur le sujet. Sans quoi elle ne m’aurait fait que perdre mon temps …

« Dix-huit ans. » me répondit-elle alors sur un ton apparemment aussi agacé que le mien. Elle, agacée ? C’était le monde à l’envers ma parole … Et je ne comprenais pas comme une jeune fille de dix-huit ans pouvait être aussi immature. Il ne me semblait pas que j’étais comme elle à son âge – voire même jamais d’ailleurs – malgré le fait que j’avais été un vrai pourri gâté par mes parents, qui n’avaient jamais réussi à me dire non. Mais comment pouvait-on vouloir acheter un animal sur un coup de tête ? Puisque c’était apparemment son cas, vu qu’elle ne s’était absolument pas renseignée sur le sujet. Était-elle au courant du travail que demandait un animal – peu importe sa race ? Apparemment non … « Et tant pis, je ne veux pas d'un singe, je me contenterais d'un autre animal. » ajouta-t-elle ensuite. Je faillis la jeter dehors en l’insultant de tous les noms d’oiseaux possibles et imaginables, mais me retenais juste avant. Si je la jetais dehors, elle irait alors ailleurs pour avoir son animal. Et peut-être que l’autre personne se moquerait alors éperdument de savoir qu’elle connaisse quoique ce soit aux animaux. Au moins, je pourrais lui promulguer des conseils, et surtout, j’aurais son adresse, ce qui me permettrait de voir comment cela se passait pour l’animal. Soufflant doucement pour tenter de me calmer, je repris enfin la parole. « Vous voulez visiter le refuge pour voir les animaux que nous avons ? » lui proposais-je donc avec un sourire forcé. Lorsqu’elle me demanda si j’avais des lions, j’avais réellement dû prendre sur moi pour ne pas la mettre dehors. Comment pouvait-elle penser que j’avais des lions. C’était juste aberrant. « Bah oui, évidemment. » répondit-elle alors sur un ton moqueur, avant de reprendre, me faisant rouler des yeux. « Vous savez que ce qui est une évidence pour vous ne l'est pas forcément pour tout le monde hein ? » Je soufflais de nouveau, pour tenter de ne pas m’énerver. Il était pourtant connu que si on voulait voir un lion, il fallait aller dans un safari, en Afrique – je ne parlerais pas des zoos, véritable torture animale. « Et si on partait à la recherche de votre futur animal ? » proposais-je de nouveau, passant outre sa remarque que je trouvais plus qu’inutile.

Même si j’en avais terriblement envie, je ne pouvais pas vraiment la jeter dehors. Je savais pertinemment que si elle allait dans une animalerie – où l’important était le chiffre d’affaires, d’où les divers trafics d’ailleurs – elle pourrait prendre l’animal qu’elle voudrait, juste en claquant des doigts. Et vu comment elle était si peu renseignée, je préférais prendre sur moi et m’en occuper. Ainsi, en plus des conseils que je pourrais lui donner, je pourrais ensuite vérifier qu’elle les appliquerait bien. Et c’était pour ça que je lui proposais de visiter le refuge. « Y'a des chances pour que vous me laissez en prendre un ? » me demanda-t-elle, ce qui me fit lâcher un petit rire. Je me pinçais doucement l’arrête du nez. Elle s’était apparemment rendu compte qu’elle n’était pas la personne que je préférais sur Terre – déjà que j’en aimais peu, c’était certain. « Oui, il y a des chances. Il faudra juste écouter mes conseils, et promis, ça ne prendra pas beaucoup de temps. » répondais-je dans un hochement de tête. Ce n’était pas comme si j’avais réellement le choix. Si elle voulait un animal, elle pourrait en avoir un n’importe où. Au moins, elle ne prendrait pas n’importe lequel – puisque je l’imaginais mal tomber sous le charme d’un batard agressif. Mais la visite n’allait pas être pour tout de suite, vu ce qu’elle me disait à propos de lion. N’importe quoi. Et je ne me fis pas prier pour le lui dire. Elle eu l’air de mal le prendre, vu sa réponse. Tant pis, je n’allais pas non plus faire de la dentelle pour elle, il ne fallait pas exagérer. Je lui reproposais donc de partir à la recherche de l’animal qui lui faudrait. Si possible un animal autonome d’ailleurs. Car je me doutais qu’elle soit capable de sortir un chien trois fois par jour. « Oui , allons-y. Ca promet d'être amusant. » répondit-elle. Je me demandais en quoi ça allait bien pouvoir être amusant de voir des animaux abandonnés par des humains égoïstes mais bon, ce n’était peut-être pas la peine de se lancer là-dedans avec elle. « Vous travaillez ici depuis longtemps ? » finit-elle par me demander, alors que nous étions sur le chemin. « J’aide dans des refuges depuis un peu plus de dix ans … Et j’ai récupéré celui-ci quand la propriétaire est partie à la retraite, il y a cinq ans environ. » répondais-je doucement, même si je n’étais pas sûr que cela l’intéresse vraiment. Politesse oblige, j’étais obligé de lui retourner la question, non ? « Et vous, vous faites quoi dans la vie ? »

Alors que je proposais à l’adolescente de visiter le refuge pour qu’on puisse trouver l’animal qui lui correspondrait, elle me demanda s’il y avait une chance pour que je la laisse partir avec un. En même temps, ce n’était pas vraiment comme si j’avais le choix. Si elle n’adoptait pas un animal dans mon refuge, elle irait dans un autre, ou pire dans une animalerie. Et il était hors de question que je la laisse acheter un animal provenant d’un trafic. Car toute personne s’intéressant un temps soit peu aux animaux, savait que les animaux des animaleries avaient été sevrés bien trop tôt et que la moitié des animaux transportés mourraient à cause des atroces conditions de transport. Il était donc hors de questions que je la laisse donner de l’argent à ces trafiquants. Je lui dis donc que si elle écoutait mes conseils, il n’y avait aucune raison qu’elle ne parte pas avec l’animal de ses rêves. « Très bien. » finit-elle par céder – comme si elle faisait un immense sacrifice. Je me doutais bien qu’elle ne ferait que semblant d’écouter mais bon, je pourrais toujours vérifier sur place que tout se passait bien. Et encore une fois, il valait mieux ça plutôt qu’elle aille en animalerie, c’était certain. Au moins, je pourrais contrôler le suivi de l’animal, ce qui n’était pas le cas si elle allait ailleurs. Elle me demanda alors si cela faisait longtemps que je travaillais ici. Un peu plus de dix ans en quelque sorte, même si je n’étais qu’un simple bénévole avant que le refuge ne m’appartienne. « Oh gosh, vous êtes si vieux. » lâcha-t-elle instentanément, me faisant écarquiller les yeux. « Non je ne suis pas « si vieux », c’est juste qu’à votre âge je m’occupais de d’autres choses que ma petite personne. » grommelais-je sans pouvoir m’en empêcher. Et c’était que la pure vérité. J’avais commencé à seize ans à aider le refuge, tout simplement. Mais vu comment elle semblait être, il était pratiquement certain qu’elle ne faisait aucun bénévolat. Donc forcément que cela ne lui avait pas traversé l’esprit que j’avais commencé deux ans plus jeune qu’elle. Je lui demandais ensuite ce qu’elle faisait dans la vie, par pure politesse. « Je vais au lycée. » répondit-elle. J’acquiesçais lentement, avant de la diriger à l’endroit où se trouvaient les chats. Oui, un chat serait pas mal pour elle. Autonome, il ne lui demanderait que de la nourriture.