Je me réveillais en sursaut, dans un cri rauque. Tentant de reprendre ma respirant, je retirais la couette d’un geste vif. Mes jambes étaient toujours là. Elles étaient toujours là ! Je reprenais ma respirant, réalisant par la même occasion qu’elle s’était bloquée depuis un moment déjà. Cela n’avait été qu’un cauchemar. Un simple cauchemar … Je tentais de me lever d’un geste élancé, avant e me ramasser totalement au sol, dans un gémissement plaintif. Levant doucement la tête, j’aperçus un fauteuil roulant. Mon fauteuil roulant. Je donnais une tape sur ma jambe droite. Avant de réitérer sur la gauche. Rien … Je ne sentais rien … « Juliette ! Juliette viens ici ! » criais-je à ma petite sœur pour qu’elle vienne me relever et m’aider à me mettre sur mon fauteuil. Aucune réponse. « Juliette, c’est pas drôle, ramène-toi ! » hurlais-je avant de donner un coup de poing contre le sol. Merde, je me rappelais maintenant. Je l’avais clairement envoyée se faire foutre et lui avais ordonné d’aller en cours, car « je n’avais pas besoin d’elle » . Elle m’avait probablement écoutée ! Je tentais tant bien que mal de m’installer sur le fauteuil, non sans tomber plusieurs fois. Simplement aller à la cuisine était devenu un parcours du combattant. Je me demandais pourquoi j’y allais d’ailleurs. Le plan de travail n’était même pas à ma hauteur, ce n’était donc pas comme si je pouvais me préparer quelque chose. Et puis au pire, qu’est-ce que ça changerait que je mange ou pas ? Mais bon, j’avais fait le plus dur, autant continuer. Arrivant enfin à la cuisine, je la regardais attentivement. Nan, elle n’était vraiment pas accessible. Et ce n’était pas comme si mon connard de patron allait m’en offrir une autre, c’était sûr. Et pourtant il devrait. C’était lui le responsable de tout ça. S’il ne m’avait pas envoyé en Egypte pour vérifier que princesse Sofia s’installe bien, jamais tout ceci ne serait arrivé. Jamais je n’aurais eu le stupide réflexe de la projeter au sol et de la protéger de mon corps en sentant une secousse. Jamais … Je regardais le couteau posé sur le plan de travail, avant de me l’emparer. Tiens, et si je me le plantais dans la jambe ? Est-ce que vraiment, je ne sentirais rien ? Je sursautais en entendant la sonnette d’entrée et reposais le couteau d’où je l’avais pris. « Putain de bordel de merde ! » grommelais-je alors que je rentrais dans un meuble. Allez, on se calme, et on va ouvrir ! Et c’est ce que je fis.

Je n’avais jamais vraiment été un bout en train, respirant la vie à plein nez. C’était un fait. Depuis toujours, je m’étais senti différent. Petit, je me sentais différent de ma famille. Je ne voulais pas rester dans cette ville qu’était Port Louis, dans cette misère que vivait ma famille. J’avais donc bossé à fond, tout misé sur mes bons résultats et mon dossier, dans le but d’intégrer Yale avec une bourse – mes parents ne m’auraient jamais payé l’école sinon. Et depuis, je n’avais eu cesse de travailler, travailler, et travailler encore. A la différence de la majorité des étudiants, je ne faisais pas tant la fête que cela. Je n’y allais que pour draguer en fait. Mais me bourrer la gueule ? Non, jamais, je n’avais pas envie d’aller en cours avec la gueule de bois – surtout qu’on pouvait me retirer ma bourse si les résultats ne suivaient pas. Puis il y avait eu Sofia. Sofia … Là, peut-être que j’avais fini par ressembler aux autres finalement. Et peut-être même que j’avais enfin respiré la vie. Peut-être que j’avais été heureux, en fait. Et au final, Sofia m’avait plus gâché la vie qu’autre chose. Elle avait commencé par me briser le cœur, avant de finir par carrément me briser le dos, lorsque je lui avais sauvé la vie. Je secouais la tête, pour la chasser de mes esprits. Je devais ouvrir à Marleynne-Rose, et j’avais déjà bien assez de mal à ne pas me prendre les meubles, pour en plus penser à elle. « Tu te réveilles ? » me demanda la jeune femme avant de rentrer, comme si de rien n’était. Elle ferma la porte sur son passage, avant de m’embrasser rapidement le fond. Je poussais un soupir, n’aimant définitivement pas « qu’on me prenne de haut » comme on dit – même si maintenant, je n’avais plus vraiment le choix. « Ouais … Je me demande pourquoi d’ailleurs … » répondais-je, bougon. Mais bon, la jeune femme n’y était pour rien, et elle n’était là que pour m’aider, après tout. Je ne voulais pas d’aide soignante – ce serait avouer avoir besoin d’aide, et il en était hors de question ! – donc je payais une escort girl à la place. Je serais bientôt à sec financièrement mais bon, je pourrais toujours porter plainte contre mon patron, après tout, c’était lui le responsable de tout ça. « Alors quoi de neuf depuis la dernière fois ? Tu as besoin que je fasse quelque chose en particulier ? » me demanda-t-elle après avoir enlevé ses chaussures qui avaient l’air tout bonnement inconfortables. « Rien de neuf … Toujours la même chose. » dis-je en levant les yeux au ciel, avant de reprendre. « Le frigo est vide, donc faudrait faire les courses déjà. Et ensuite, on verra j’imagine. »

Je n’avais jamais spécialement été de bonne humeur. Bon, lorsque j’avais été avec Sofia, étant donné que j’étais pas mal heureux, mon humeur suivait. Mais à part à cette époque, j’avais toujours été un peu bougon – et c’était peu dire. Autant dire que depuis que j’avais pris cette poutre sur le dos en voulant protéger mon ex, cela n’avait été qu’en empirant. Juliette, ma sœur, se demandait si c’était le fauteuil qui me mettait dans un état pareil, ou bien le manque de sexe – étant donné que, forcément, ne pouvant plus vraiment draguer, je n’avais pas baisé depuis l’accident. Le fait était que les deux étaient liés et que je n’avais de toute façon plus spécialement envie de sexe, de toute façon. « T’allait quand même pas me recevoir dans ton lit. Et puis je n’ai même pas les clés de chez toi, alors tu m’aurais fait attendre, et ce n’est pas gentil. » répondit-elle sur un ton taquin. « Bah t’aurais attendu écoute, c’est pas la fin du monde. » répondais-je en roulant des yeux. J’avais engagé Marleynne-Rose tout simplement parce que je ne voulais pas d’une aide soignante. Accepter une aide soignante serait assumer le fait que j’avais besoin d’aide, et il en était hors de question. D’ailleurs, je n’avais pas besoin d’aider. Mais bon, ma sœur m’avait gavé et j’avais fini par appeler une escort pour s’occuper de toute ça, c’était bien plus simple – même si non remboursé ; enfin je me débrouillerais plus tard à ce sujet. Quand elle me demanda ce dont j’avais besoin, je pensais directement aux courses. Nous étions à sec, et autant dire que ma sœur devrait arrêter ses études si nous continuions à appeler des livreurs. Ce dont il était hors de question. Parmi mes frères et sœurs – et j’en avais pas qu’un peu – elle était la seule qui était sauvable et qui pourrait véritablement faire quelque chose. Je comptais bien l’encourager à utiliser sa tête. « Il fait froid dehors faudra te couvrir comme il se doit ! Ça serait con que tu choppes un rhume… foutu tempête de neige… J’ai cru que je n’allais pas arriver ici… tu crois que ces fainéants de la municipalité ils saleraient les trottoirs ? Même pas… J’aurai dû venir en patin … ça aurait facilité ma vie. » se plaignais-t-elle ensuite, ce qui me tira un petit rire. « Tu crois vraiment que tu as choisi les bonnes chaussures aussi ? Je sais que des bottes c’est moins sex, mais quand même, un plâtre ça l’est encore moins. » lui dis-je en riant.

« On ne fait pas attendre une Don Vito chéri ! » répondit-elle d’un ton taquin, me faisant lâcher un petit rire. « Tu pourrais aussi bien être la Reine d’Angleterre, que j’en aurais toujours rien à faire. » répondais-je sans perdre mon rire. Et c’était la pure vérité. Je ne comprenais pas pourquoi on devait respecter certaines personnes et d’autres non. Peu importe son nom, si la personne ne méritait pas mon respect, je ne vois pas pourquoi je la respecterais. Et encore, même ce dernier point dépendait en grande partie de mon humeur. Si je m’étais levé du pied gauche – elle est drôle la blague hein ? – la personne aurait beau mériter mon respect que je m’en moquerais éperdument. Mais au moins, j’étais honnête avec moi-même, c’était déjà ça. Pourquoi je respecterais une personne juste pour son titre, alors que tout ce qu’elle avait eu à faire, c’était de naître ? Bon au moins, Marleynne-Rose travaillait et était ambitieuse, elle n’était pas simplement là à attendre son héritage. Probablement pour ça que, dans le fond, je l’aimais bien. Et que j’avais tendance à faire des efforts aussi. Mais cela ne m’empêchait pas de la taquiner non plus, comme avec les chaussures qu’elle avait choisi de porter par ce temps de tempête. Qui avait idée de mettre des talons aiguilles par ce temps ? Elle, apparemment. Dans un rire, je lui disais donc ce que je pensais de ses chaussures par cette météo. « Oui mais je suis une fille ! Je me dois d’être potable. Attend imagine sur tombe sur un riche ? J’ai une image à tenir. Escort girl, ce n’est pas si facile que ça. »me dit-elle en roulant des yeux, ce qui me fit rouler des miens par la même occasion. Je secouais doucement la tête, pour seule réponse. Elle partit ensuite faire un tour pour voir ce qui pouvait bien manquer à notre – en sa – liste, avant de revenir. « Direction la case habillement ! » me dit-elle tout en m’amenant dans ma chambre. Je soufflais doucement, préférant largement rester sous la couette. « Tu veux mettre quoi comme fringue ? Des trucs chauds ! » me demanda-t-elle alors. Comme si cela importait réellement. Je levais les yeux au ciel. « T’es sûre que c’est une bonne idée que je sorte ? Nan parce que si mon fauteuil glisse sur un plaque de verglas, je crois pas que je vais rire. »

« Je vais t’acheter la tasse de grincheux de blanche neige, je crois que tu es son sosie. Intérieurement, t’es quand même plus beau que lui, je dois l’avouer. » dit-elle dans un soupir tout en secouant doucement la tête. « Mais oui, moque toi du mauvais caractère du handicapé va. » répondais-je dans une moue boudeuse, même si je n’étais pas vraiment sérieux. Cela faisait du bien d’être traité normalement, et que quelqu’un se paye ma tête en faisait parti. Même ma sœur avait arrêté de me taquiner depuis mon accident. Incroyable non ? Elle qui avait fait sa mission de m’enquiquiner à jamais, avait tout bonnement arrêté depuis que j’étais en fauteuil. Et cela me manquait, je devais bien l’avouer. Après tout, personne n’aimerait que sa propre petite sœur – la seule personne de sa famille qu’on aime d’ailleurs – nous regarde différemment simplement parce qu’on était devenu handicapé. Et c’était ce que j’aimais chez Marleynne-Rose : elle n’en avait strictement rien à foutre. Mais bon, je ne savais pas si sortir par cette tempête était une aussi bonne idée que cela. Car si je n’avais pas envie qu’on me traite en handicapé, il fallait bien avouer que je l’étais, et je n’avais pas spécialement envie que mon fauteuil glisse et que je me ramasse encore plus la figure. Je remarquais son petit sourire alors que je lui faisais remarquer mes doutes. Bien sûr qu’elle aurait le fou rire de sa vie si cela arrivait ! « Ça n’arrivera pas. Et puis l’air frais te fera du bien, que de moisir dans cet appartement qui n’a pas pris l’air depuis… » tenta-t-elle, vainement, de me rassurer. Mais bon, je n’avais pas vraiment le choix, si ? Et puis j’avais envie de participer aux courses, merde quoi. C’est pourquoi je la laissais m’habiller, fermant les yeux pour ne pas assister à ce spectacle dégradant. J’enfilais ensuite le tee-shirt et le pull qu’elle m’avait choisi. « Regarde, tu es tout beau pour sortir ! Ça va purifier ton corps de sortir et tout et tout… » me complimenta-t-elle avant de m’enfiler des chaussures. « Mais bien sûr que je suis beau. » répondais-je sarcastiquement, avant de rouler des yeux. « Tu veux te coiffer ou pas ? » me demanda-t-elle, me faisant rouler des yeux de nouveau. « Tu m’expliques la différence que ça fera ? »

« J’assume, en quoi ton handicape me refuse-t-il le droit de me foutre de ton mauvais caractère ? si tu crois que je vais faire exception parce que t’es handicapé, alors là, tu peux te foutre le doigt dans l’œil. » commence-t-elle, avant de reprendre immédiatement, ne me laissant pas le temps d’en placer une. « Que les gens soient, nain, géant, maigre, gros, muet, handicapé, sourd, ou dieu sais-je, ça ne changera rien à mon envie de dérision. La dérision c’est le bien mon ami. » reprend elle, me faisant rouler des yeux par la même occasion. Apparemment, elle n’a pas compris que justement, c’était de l’autodérision que j’avais fait. Puisque justement, j’aime bien le fait qu’elle me traite normalement, et qu’elle ne fasse aucune différence entre moi et une personne normale. « Même quand j’essaye de rire, on le prend au second degré. » je lui réponds en roulant des yeux, avant de la laisser m’emmener dans ma chambre pour me changer. Généralement, être nu devant une femme, dans ma chambre en plus, est l’une des choses que je préfère au monde. Mais dire que là, la situation n’est pas vraiment la même qu’à l’accoutumé, c’est un euphémisme, ou je rends mon diplôme de journaliste. Elle me dit alors que je suis beau, me faisant soupirer. Et moi qui croyais qu’elle ne me traitait pas différemment parce que je suis handicapé … Parce qu’avouons-le, je ne suis plus ce que j’étais. Et si le haut de mon corps est toujours le même, ce n’est pas la même chose qu’être debout sur mes deux pieds. Et je réagis à peu près de la même manière lorsqu’elle me demande si je veux me coiffer. « Justement un homme bien coiffé ça fait toute la différence, monsieur grincheux ! T’as les cheveux en pétard, on dirait que t’as fait la seconde guerre mondiale là… » me dit-elle dans un soupir, avant d’entreprendre de me coiffer. « T’es mille fois plus sexy comme ça. » rajoute-t-elle, une fois sa tâche terminée. « Ça donnerait presque envie de te croquer le visage. Enfin… Compte pas sur moi, t’es trop grognon pour que je te fasse ce petit plaisir aujourd’hui. » continue-t-elle ensuite. « Mouais … » je réponds en haussant les épaules, avant de reprendre. « Et je ne suis pas grognon ! » je continue d’un air … grognon. Bref. « Allez L’amigo ! En route pour de nouvelles aventures ! Allons braver le froid ! » dit-elle avant de filer vers la sortie et de mettre ses chaussures. « Ça changera quelque chose si je te dis que je suis vraiment pas motivé ? »

« Ah, la prochaine fois je verrais tes intentions. » me répondit-elle dans un petit sourire, après que je l’ai informée que ce n’était que du second degré et que oui, je rigolais lorsque je disais qu’elle pourrait avoir pitié du handicapé que j’étais. Parce que bien sûr, au contraire même, je préférais largement qu’elle reste normale, à se foutre de ma gueule, n’en ayant rien à faire que je sois dans un fauteuil roulant, plutôt qu’elle ait pitié de moi et change de comportement juste pour cela. « Pour le moment supporte-moi, héhéhéhéhé. » rajouta-t-elle d’un air sadique. Je pris un air outré, et posais ma main sur ma poitrine pour rajouter un air dramatique à la situation. « Comment peux-tu m’imposer de te supporter ? » dis-je d’un air dramatique, avant de lui lancer un sourire amusé. Puis elle me complimenta sur mon apparence, avant d’entreprendre de me coiffer. Je répondis à peine, ne voyant pas l’intérêt de débattre sur mon physique. Je savais pertinemment que je n’étais plus attirant. Les femmes avaient beau dire que le physique ne leur importait peu, je savais que ce n’était que pure hypocrisie. Mon physique avait beau être le même – donc beau et attirant, c’était un fait – tout était gâché par mon fauteuil. Et puis je ne m’imaginais même plus avoir des relations sexuelles avec une autre personne qu’une prostituée. Ou alors avec Samantha, mais elle était ma meilleure amie, donc elle ne comptait pas. En effet, devoir m’allonger sur le dos et totalement laisser le contrôle à l’autre, ce n’était pas quelque chose qui me … mettait en mode on, on va dire. « Et mon cul c’est du poulet ? »ria-t-elle alors que je lui affirmais que je n’étais pas grognon, d’un air grognon, bien sûr. « Aucune idée, tu me laisses goûter pour voir ? » lui répondais-je dans un sourire en coin, avant de me mordiller les lèvres pour m’empêcher d’éclater de rire. « Absolument pas. Tu pourrais me dire que t’es en train de mourir que l’on sortirait quand même. » affirma-t-elle à propos de notre sortie à l’extérieur, par ce temps pourri et neigeux. Je haussais les épaules. Rien de ce que je pourrais lui répondre ne lui ferait changer d’avis, donc ma seule réponse fut un long soupir non enthousiaste. Puis elle appela enfin l’ascenseur, et nous finîmes par arriver dehors. « Sens moi cet air frais, ça ravive tes cellules ! Et ton sang va circuler avec plus de vivacité ! » souffla-t-elle avant de prendre la direction du supermarché. « Mouais, il fait surtout glacial ouais. » rouspétais-je tout en relevant le col de mon manteau.

« Que veux-tu, je le vaux bien… tu dois subir… » annonça la jeune femme alors que je me « plaignais » qu’elle m’impose de devoir la supporter. « Ah bon ? En quoi tu le vaux bien ? » demandais-je d’un air faussement surpris, avant de lâcher un petit rire. C’était aussi ce que j’aimais bien avec Marleynne-Rose. Elle me faisait rire. Et en ce moment, je ne riais pas beaucoup, et surtout très rarement. D’ailleurs, je n’étais pas vraiment une personne avec un rire facile. Je connaissais des personnes qui riaient très facilement, quasiment pour un rien. Ma sœur déjà en faisait partie. Mais ça devait être son côté rêveuse et un peu à l’ouest. Je n’étais pas comme ça. Et lorsque l’on me sortait une blague, je trouvais mon interlocuteur plus ridicule qu’autre chose. J’annonçais alors à la jeune femme que je n’étais pas grognon, mentant donc effrontément. Parce que oui, je mentais. J’avais toujours été un peu grognon, et ce côté de ma personnalité s’était grandement augmenté depuis que j’étais en fauteuil roulant. En même temps, comment voir la vie en rose après ça ? Et lorsqu’elle me dit que son cul était poulet pour montrer à quel point ce que je pouvais dire était ridicule, je ne pus m’empêcher de la taquiner et de lui demander de me laisser goûter pour voir. « Vas-y, fait toi plaisir, j’ai un bon petit cul en plus ! » répondit-elle avant de donner une petite claque sur sa fesse gauche, me faisant lâcher un deuxième rire. « C’est vrai qu’il a l’air apetissant ! » lâchais-je en essayant de prendre un air sérieux, deux doigts encerclant mon menton, comme si j’étais un critique gastronomique qui devait goûter un plat d’un restaurant cinq étoiles. Puis vint le moment où nous sortîmes à l’extérieur pour rejoindre le supermarché et faire quelques courses. Le vent glacial me … glaça, et je commençais déjà à claquer des dents. « Tu prends l’air soit content ! » me dit-elle en me pinçant la joue. D’un air boudeur, je répondais. « Mouais, je préférerais qu’il fasse meilleur quand même. Et je continue de trouver ça dangereux de sortir avec cette neige. On va littéralement se casser la figure j’te dis. » me plaignais-je avant d’entendre un bruit derrière mois et de sentir qu’elle lâchait mon fauteuil. Me tournant de trois quart, j’eus le plaisir de voir le spectacle de la jeune blonde les quatre fers en l’air, et ne pus m’empêcher de rire à cette vision. « T’as vu ? Qu’est-ce que je disais ? »

« Je suis bonne. Genre très bonne. Y’a pas plus bonne que moi, je le vaux bien. » souffla la jeune femme en dessinant son corps de ses mains, comme pour accentuer ses dire. « Mouais … Tant que y’a du tissus tu sais, je pourrais pas me faire une vraie idée j’imagine. » répondais-je dans une petite moue, avant de lui lancer un sourire amusé. Parce qu’amusé, ça je l’étais. Même si tout ceci n’était que de la rigolade, je ne pouvais pas dire que cela ne m’amusait pas de flirter avec elle ainsi. Elle m’annonça alors que son cul était du poulet, ce qui me fit lâcher un rire. Je lui demandais la permission de goûter, histoire de me faire une opinion, avant de prendre l’air d’un critique gastronomique qui s’apprêtait à goûter un plat d’un restaurant cinq étoiles. « Qu’est-ce que tu crois ? Fabrication cent pour cent sicilienne, élevé avec la bouffe italienne cent pour cent naturelle, pas d’artifice, et jamais usé ! » annonça la jeune femme, apparemment fière de ses fesses. « Je vois. Ce n’est pas du poulet aux hormones made in USA c’est ça ? » commentais-je en tentant de ne pas perdre mon sérieux. Puis nous finîmes par quitter mon appartement et rejoindre l’extérieur. Je devais bien avouer que par ce froid et surtout par cette neige, je n’étais vraiment pas rassuré. J’avais vraiment l’impression que nous allions glisser et surtout tomber. Et déjà que c’était compliqué d’être en fauteuil et de me déplacer, je n’avais pas vraiment envie d’en rajouter une couche en tombant de celui-ci. Je lui fis donc part de mes doutes. « Mais non, mais non, ne soit pas si pessimiste ! » « Mouais, j’en suis pas certain c’est tout. Je le sens mal, et je suis pas pessimiste pour autant. » lui répondais-je toujours un peu boudeur. Et j’avais bien eu raison de mal le sentir, puisque quelques secondes après, elle se gamella pour se retrouver les quatre fers en l’air. Je ne pus retenir mon rire bien longtemps, et en rajoutais une couche en lui disant que je l’avais prévenue pourtant. « C’est à cause de mes chaussures. » dit-elle tout en se relevant, l’air de rien. « Mais oui mais oui. C’est ça, je te crois. » lui dis-je sans perdre mon rire. Nous finîmes enfin par arriver au supermarché, sans autre casse. L’air chaud me fit du bien et me réchauffa rapidement. « On commence par quoi ? » me demanda-t-elle alors. Je pris une inspiration, avant de lui répondre. « Prends des plats cuisinés. Au moins si y’a pas de repas de faits, Juliette n’aura pas à s’en occuper. »

« Dis donc petit coquin, tu ne voudrais pas que je me déshabille quand même. » demanda-t-elle dans un rire, qui augmenta encore. En même temps, comment prouver qu’elle était bonne si je ne pouvais pas la voir nue. J’ouvrais la bouche d’un air surpris et perdu, avant de lui répondre. « Bah si pourquoi ? Comment veux-tu que je constate ta bonnassitude si tu es dans tes vêtements ? » répondais-je d’un air perdu, avant de lui lancer un sourire en coin et de passer mon regard sur ses fesses. En effet, c’était plutôt du poulet sicilien que du poulet made in USA. « Exactement ! Et puis le made in USA question bouffe, ce n’est pas vraiment le top, avouons-le… » répondit-elle après que je lui ai dit qu’il ne s’agissait de toute évidence par à du poulet aux hormones et nettoyé au chlore made in USA. J’eus un rire à sa réponse. « C’est clair ! Même la cuisine de ma mère était meilleure que les hamburgers qu’on peut trouver parfois ici ! Il faut chercher pour trouver un bon restaurant dans le coin ! » m’exclamais-je dans un rire.

Nous sortîmes alors affronter le froid glacial pour rejoindre le supermarché pour faire des courses. Je n’étais pas du tout confiant à propos de ça. Je n’avais pas spécialement envie de me ramasser dans la neige. Déjà que j’étais en fauteuil roulant, il ne fallait pas en rajouter non plus ! « Mouais, mouais, tu dois faire tes preuves. » Mais ce ne fut pas moi qui me gamella, mais bien la jeune femme, ce qui me fit éclater de rire. En effet, elle avait tant dit que tout se passerait bien, que la voir se rétamer ne put que me faire rire. Et qu’elle rajoute que c’était à cause de ses chaussures n’arrangea rien. Enfin, nous arrivâmes au supermarché. « Participe, protège ce panier comme si ta vie en dépendait ! » s’empressa-t-elle de me mettre le panier en question sur mes genoux. « En effet, qu’est-ce que ce serait si quelqu’un nous piquait le panier rempli et allait payer à notre place ! » répondais-je dans un sourire amusé. Elle commença alors à le remplir de plats cuisinés, comme je le lui avais demandé. Parce qu’avouons-le, je ne pouvais plus vraiment cuisiner maintenant, ma cuisine n’était pas adaptée. Et je ne voulais pas que ma sœur cuisine à ma place, mettant ses études au second plan. « Je prendrais des plats surgelé tout fait au dernier moment. Hum, allons prendre savon et tout ça. » rajouta-t-elle avant de rejoindre le rayon hygiène. J’acquiesçais et la laissais prendre les produits, ne connaissant pas du tout ceux que Juliette préférait. Puis elle fit et dit quelque chose qui me choqua au plus haut point. Et je n’exagérais pas ! « Les protections c’est la vie, je vais l’offrir à ta sœur. Ça serait con, qu’elle te ponde un mioche et que tu doives le garder tous les jours. » Je retournais mon fauteuil pour pouvoir la regarder avec de gros yeux. « Tu es sérieuse là ? La personne qui osera toucher ma sœur n’est pas encore née crois-moi. Repose ça, ne va pas lui donner de mauvaises idées ! »

« Tu devrais venir chez moi, je me balade nue… Le pire c’est que c’est vrai. » dit la jeune femme, me faisant lâcher un rire franc. « Attention, je suis capable de te prendre au sérieux ! » répondais-je dans un sourire en coin, quelques rires s’entendant dans ma phrases. On parla ensuite de la nourriture américaine, qui n’était pas vraiment au top, c’était le moins que l’on puisse dire. « Oh, je te filerai l’adresse de certains bons restaurants. Parce que je connais pas mal de bon endroits, et on y mange pour pas très cher. Non parce que les restaurant huppé là, ou tu pais une fortune et ressort en ayant qu’une envie bouffer, ce n’est pas mon truc. J’aime me goinfrer. » me proposa-t-elle. « Ah oui, je veux bien ! Pourtant je suis à New York depuis plusieurs années maintenant, mais j’ai jamais trouvé de restaurants potables. Parce que comme tu dis, les seuls bons que je connaisse sont extrêmement chers et on en sors en ayant encore faim ! » m’exclamais-je, très sérieux. Je ne rigolais jamais quand il était question de nourriture.

Nous arrivâmes ensuite au supermarché, non sans gamelle de la part de la jeune femme. Et après une bonne crise de fou rire à cause du panier qu’elle me demanda de protéger de ma vie, nous atteignîmes le rayon hygiène. Et ce qu’elle mit dans le panier me choqua, au plus haut point. « Quoi ? Ta sœur est vierge ? » « Bien sûr qu’elle est vierge ! C’est ma petite sœur, tu crois quoi ? Jamais un homme la touchera ! » m’exclamais-je en roulant des yeux. Comme si cet homme-là était né. « M’enfin, j’ai reposé la boite, content ? C’était pour la bonne cause, ta sœur est adorable, et même si elle est plus grande que moi de quelques mois, je la considère comme une petite sœur… » répondit-elle dans un soupir. « Oui, je suis content, merci. Et oui, ma sœur c’est … C’est un ange un peu. Un gnome enquiquinant aussi, mais principalement un ange. »

Arriver jusqu’au supermarché ne fut vraiment pas une mince affaire. Déjà, dès le départ, j’avais décidé de ne pas y mettre du mien. En même temps, déjà n’importe quelle personne aurait préféré rester bien au chaud chez soi plutôt que de sortir et prendre le risque de se casser la gueule à cause du verglas. Mais rajouté à ça le fait que j’étais en fauteuil roulant et que mes roues n’étaient pas des roues de 4x4, et bien je n’étais décidemment pas motivé à l’idée de faire les courses. Heureusement, ce ne fut pas moi qui tomba lamentablement, mais bien Marleynne-Rose, ce qui me donna un grand fou rire par la même occasion. Elle-même avait avoué qu’elle se ficherait bien de moi, pauvre handicapé de mon état, si j’en arrivais à tomber, alors je n’allais pas me priver de rire de sa gamelle non plus ! Et une fois au supermarché, un nouveau fou rire nous atteignait tous deux alors qu’elle m’annonça que je devais protéger notre panier de ma vie ! Mais la situation se détériora rapidement, alors qu’elle osa mettre un paquet de préservatif dans notre panier, à l’usage de ma petite sœur. Ma petite sœur ! Comment pouvait-elle oser mettre des préservatifs pour elle ?! Heureusement pour elle – car je n’aurais pas donné cher de sa peau sinon ! – elle les remit rapidement à leur place. « Alala. Heureusement que mon grand frère n’est pas comme ça avec moi. » dit-elle en riant, avant de prendre la direction du rayon frais pour la suite de nos courses. « Et bien écoute, qu’est-ce qui vaut mieux : avoir un grand frère protecteur ou bien un grand frère qui s’en fout complètement ? » lui demandais-je toujours autant bougon.