Je crois qu'il devait être environ quatorze heures trente quand l'inimaginable s'est produit. Ce jour-là, j'avais été contactée à Manhattan pour un photoshoot pour une marque de vêtements européenne. Comme toujours, j'étais très enthousiaste à l'idée d'être modèle pour un nouveau projet, car je me sentais bien dans cette carrière ⎯ qui n'en est pas vraiment une encore ⎯ et m'y sentais à l'aise. La matinée avait filé à toute vitesse et j'avais vraiment pris mon pied devant l'objectif. En effet, mon image n'a pas toujours été mon point fort. Je n'ai jamais été la fille sur laquelle on se retourne au lycée, et je ne faisais rien pour. Mais ces deux dernières années avaient été comme une renaissance pour moi. J'avais appris à aimer mon corps et à le montrer de manière à ce qu'on l'aime aussi. Cependant, je suis loin d'aimer l'idée qu'il faut mettre son corps en valeur pour plaire à autrui. Je préfère plaire à moi-même, même si les compliments sont toujours très flatteurs. Mon shoot arrivait presque à son terme lorsque plusieurs autres mannequin arrivèrent dans la salle avec plusieurs sacs de vêtements. Je vis plusieurs mannequins que j'avais l'habitude de croiser dans ce milieu, et leur sourit en guise de politesse, car nous ne nous connaissions à peine. Je me déshabillais et rendais les affaires aux stylistes quand je vis entrer un homme que j'avais rencontré plusieurs fois dans le passé, avec qui je n'avais pas eu de très bon rapports. En effet, il avait pour habitude de centrer l'attention sur lui et se ventait de tout ce qu'il possédait de bien. Plusieurs fois, mon sang n'avait fait qu'un tour face à une attitude aussi égocentrique, et j'avais dû m'en éloigner pour ne pas créer de conflits. Je remballais mes affaires en deux temps trois mouvements et tenta de m'éclipser pour ne pas avoir affaire à lui et à ses manies plus qu'énervantes. Je m'avançais vers la seule et unique porte de la salle et tenta de l'ouvrir, sans succès. Elle était fermée de l'extérieur, et mes secouements presque violents de la poignée ne firent qu'attirer l'attention sur moi. Je vis son regard se poser sur moi. Je cherchais, prise de panique, le regard de quelqu'un qui serait dans la possibilité de m'aider. Mais le fait que nous étions enfermés dans cette salle ne semblait affoler personne, et ceux qui m'avaient fixé pendant quelques secondes, retournèrent à leur occupation. Je suis en train de rêver, ce n'est pas possible me dis-je en soupirant. Je n'avais pas quelque chose à faire en particulier cet après-midi là, mais l'idée de me retrouver coincée ici en compagnie du plus grand collet monté de New York ⎯ voire du monde ⎯ ne m'enchantait pas plus que cela.