Sunshine recompta une dernière fois. Il y avait assez de ces billets verts pour payer son loyer, ainsi que les charges qu’elle avait, elle pourrait manger quelques jours encore mais il ne serait pas question d’acheter de nouveaux vêtements, ou encore de s’offrir un restaurant au bord de la plage si elle ne se rendait pas le soir même dans le club privé où elle dégotait si simplement de merveilleux milliardaires, au porte monnaie généreux. Un soupir s’échappa de ses fines lèvres. Elle n’osait avouer que finalement, son indépendance n’était qu’un nuage de fumée, rien n’était réellement vrai. Elle était indépendante de sa mère certes, mais elle était au fil des jours devenue dépendante de ces hommes qui la payaient pour une nuit torride. Sans eux, il lui était difficile d’espérer survivre à Manhattan. C’était une certitude. Elle se releva, pour se poster devant l’immense fenêtre de son appartement. Sa chevelure brune tombait en cascade sur ses épaules dénudées. Vêtue d’un magnifique bustier couleur crème et d’un jean, elle hésitait. D’un côté, elle refusait de dire au revoir à sa vie tranquille et aisée. En une nuit, elle gagnait tellement qu’il était inconcevable de s’y refuser, pourtant, elle n’avait pas couché avec un milliardaire depuis déjà plusieurs jours. Un homme était à la base de ce changement dans sa vie. Elle soupira à nouveau, tandis que son regard se posait sur la ville de Manhattan, le soleil se couchait dans le ciel, l’agitation en bas de son immeuble était toujours bel bien là. Elle devait le faire, mais s’y refuser. Sans comprendre pour quoi, il avait changé quelque chose en elle, elle refusait de continuer d’être celle qu’elle était, qu’elle avait été. Elle passa la main dans sa longue chevelure brune. Elle avait tourné en rond dans son appartement toute la sainte journée et elle ne rêvait que d’une chose, respirer l’air frais de l’extérieur. Sans prendre la peine d’inspecter son reflet dans le miroir, elle attrapa son sac à main et claqua la porte d’entrée derrière elle avant de dévaler les marches, quatre à quatre.

La foule lui faisait un bien fou. Au milieu d’eux, elle n’était qu’une inconnue, une jeune femme parmi tant d’autres, et n’être pas Sunshine la call girl le temps d’une soirée la rendait si paisible. Elle marchait, sans réel but, en fait elle n’avait pas vraiment de point d’arrivée. Non. Juste une terrible envie de fuir son appartement et une terrible envie de boire l’un de ces cocktails agréables à siroter. Elle ne prit pas vraiment le temps de chercher un bar, elle entra dans le premier qu’elle vit. A l’intérieur de celui-ci une ambiance chaleureuse. Plusieurs personnes étaient attablées, parfois des hommes seuls, parfois des couples dans leurs premiers rendez-vous. Cette image fit sourire la jeune femme qui survolait la salle du regard. Elle s’avança doucement vers le bar, elle connaissait bien cet endroit. Elle y venait parfois, elle y avait déjà fait quelques rencontres. Elle se posta contre celui-ci et lorsque le barman s’approcha, elle commanda un ‘Monaco’. Celui-ci acquiesça, la dévorant du regard. Laissant un nouveau soupire s’échapper de ses lèvres elle tourna la tête, en quête de quelque chose de captivant à observer. Son regard brun se posa sur un homme. Son visage lui était familier, elle l’avait déjà vu quelque part, mais sa mémoire lui faisait défaut.

Il était charmant, il dégageait un petit quelque chose qui ne la laissait pas indifférente, puis elle se rappela. Cela s’était passé quelques semaines au paravent, oui, dans ce même endroit. Ils avaient passés ensemble une nuit des plus torrides. Elle sourit à ce souvenir. A présent, elle ne se posait plus la question de savoir si elle irait finalement retrouver un milliardaire, elle avait envie d’autre chose ce soir, pourquoi pas d’aller revoir ce magnifique brun pour se rappeler ensemble des souvenirs… Surtout qu’ils n’avaient jamais vraiment eut le temps de discuter tout deux, puisqu’ils ne s’étaient pas revus. Il avait disparu au petit matin et seul les plis sur le lit avaient confirmé son existence à la jolie brune. Elle s’approcha de lui timidement et gracieusement et se posta à ses côtés.

- On se connaît, je me trompe ? Demanda t-elle d’une voix mélodieuse.

Ce magnifique brun à la peau d’une douceur exaltante avait laissé à la jeune femme un souvenir des plus agréables. Oui, ce qu’elle avait retenu de lui, la douceur inégalable de sa peau couleur chocolat. Elle avait aimé la sentir contre la sienne lorsqu’il l’avait embrassé passionnément afin de s’offrir une nuit de plaisir, à deux. Elle ne connaissait cependant rien de cet homme, son prénom tout au plus. Elle ne connaissait ni son nom de famille, ni sa situation civile, peut être était il marié, ou en couple, mais sur le moment elle n’avait pas vraiment eut le temps de s’attacher à ce genre de détail, une fois que leurs lèvres s’étaient rencontrés, il n’y avait plus que le plaisir charnel qui avait obséder la jeune femme. En effet, elle ne souhaitait de lui que du plaisir le temps de quelques heures, pour cette raison, elle n’avait jamais cherché à le revoir par la suite, de plus, elle se doutait bien qu’il en était de même pour lui, enfin un homme qui comprenant la notion de « one night ». Qui ne cherchait pas à la revoir, qui s’enfuyait sans laisser de traces. D’habitude, ils insistaient pour avoir son numéro et elle les évitait, bien souvent elle arrivait à ne jamais les recroiser, mais lui, qu’elle ne souhaitait pas spécialement revoir, et qui avait les mêmes intentions qu’elle, il fallait que le destin le mette sur son chemin.

Le destin, y croyait elle ? Oui, en réalité, elle était persuadée que le chemin de chaque personne devait rencontrer celui d’autres personnes. C’était ainsi qu’elle voyait les choses, ce qui devait arrivait, arrivait, toujours. Oui, si elle n’avait pas cru ainsi, elle n’aurait jamais put avoir tant de foi à se dire que l’homme de sa vie finirait par apparaître un jour devant ses yeux d’un brun pétillant. Alors si ce soir là, elle se retrouvait nez à nez avec ce prénommé Dominic, elle ne fuirait pas, elle se contenterait de l’aborder, d’un ton naturel, juste pour voir ce que lui réserver la soirée, et de toute façon, elle n’avait rien d’autre de prévu en réalité. Malheureusement, sa soirée était totalement vide. Enfin, elle avait réussi à échapper à des milliardaires et elle ne ferait pas demi-tour.

Elle s’était approché de lui, délicatement et gracieusement comme toujours et sa voix mélodieuse lui avait demandé ce qu’elle savait déjà, à savoir si ils s’étaient déjà vu. Bien entendu, elle était persuadée que oui, elle n’avait sut oublier son visage unique, ce petit nez parfait et ce regard illisible. Il cachait parfaitement ses émotions, pourtant, à la façon dont il répondit, elle se demanda s’il souhaitait vraiment lui parler ou si sa solitude le contentait aisément. Elle optait intérieurement pour la seconde solution, mais elle ne se tut pas pour autant. Elle était incapable de simplement tourner les talons. Elle laissa le petit silence qu’il imposa entre eux durer quelques instants. Le barman déposa le verre commandé devant elle et elle l’attrapa, buvant une gorgée de cette boisson alcoolisée. Puis, finalement, elle jeta à nouveau un coup d’œil à cet homme aux traits durs et doux à la fois. N’était elle donc pas capable de se taire plus de huit minutes et trente six secondes ?

- Je comprends mieux pourquoi la dernière fois nous n’avons pas pris le temps de discuter, commença t-elle d’une voix douce. Vous n’êtes pas bien bavard…

Etrangement, Sunshine n’avait jamais eut peur d’y aller direct avec les hommes, elle n’hésitait pas à leur faire du rentre dedans lorsqu’elle pensait cela utile. Et à en voir la façon dont Dominic restait indifférent à elle, et assez distant, elle comprit qu’il semblait être dans ses pensées. Elle souhaitait uniquement détendre l’atmosphère.

- Je vous intimide ou bien des pensées plus excitantes que ma silhouette trottent dans votre tête ? Finit-elle par demander.

Sunshine pouvait se remémorer leur dernière soirée ensemble, la seule et l’unie par la même occasion, instant par instant, seconde par seconde. Elle n’en avait pas oublié une miette. Sur le matin cependant elle s’était éveillée dans une chambre d’hôtel les idées remarquablement mélangées, mais rapidement la jolie brune avait retrouvé les esprits, et tous les souvenirs avaient pris vie dans sa tête au même instant. Elle se rappelait la douceur de sa peau, celle qu’elle n’avait trouvé chez aucun de ses précédents amants, la raison à cela, sûrement la couleur de la peau du jeune homme, son grain de peau était différent du sien, mais tellement plus agréable à caresser. Elle n’avait put oublier son regard plein de désir lorsqu’ils avaient montés les escaliers du grand hôtel pour rejoindre la chambre qu’ils avaient pris ensemble, oui, et ces lèvres si parfaitement dessinées qui n’avaient put se détacher de son corps parfait plus de quelques secondes. Elle s’en rappelait, cette nuit torride avait un goût de souvenir émoustillant. Elle en souriait même à cet instant précis.

Sunshine pourtant ne ressentait rien pour Dominic, si ce n’est un désir incontrôlable, une pulsion presque animale qui la poussait à finir dans le même lit que le grand jeune homme, aussi mystérieux qu’attirant. Elle ne le connaissait pas, ou presque, elle n’était en réalité qu’une inconnue pour lui, et il en était de même réciproquement. Oui, ils ne se connaissaient pas, et à s’en rappeler leurs ébats, chacun d’eux trouvait en leur semblant de relation, un échappatoire à la réalité. Sunshine tentait d’oublier les douloureux souvenirs qui l’assaillaient depuis sa rupture brutale avec son ancien petit ami, et sûrement que le jeune homme avait lui aussi ses raisons de se jeter dans les bras de la première fille qui saurait le séduire, car il était évident qu’il n’avait pas résisté à ses avances, d’ailleurs, il n’avait même pas essayé. Il ne s’agissait pas d’un faible pour elle, uniquement de l’envie de s’envoyer en l’air. Et finalement, c’était tout ce qui les avait préoccupé ce soir là, s’envoyer en l’air. Pour finir par s’oublier dès le lendemain, mais le destin adorait ces derniers temps jouer avec la mémoire de la jolie Sunshine en mettant sur sa route d’anciens visages. Elle contemplait d’ailleurs celui de Dominic avec une insistance flagrante. Elle essayait tant bien que mal de déchiffrer quelque chose sur ses traits durement impassibles. Pourtant, elle n’y parvenait pas, cela semblait impossible d’arriver à y déchiffrer quoi que ce soit. L’aura de mystère qu’elle lui avait connut à leur précédente rencontre s’était comme intensifiée autour de lui. Elle ne savait ni ce qu’il pensait, ni ce qu’il désirait, bien entendu, cela restait totalement déstabilisant pour la magnifique brune qui ne put que briser le silence qui s’était installé entre eux. Il répondit d’une voix calme, et posée, il oublia le vouvoiement pour la tutoyer sans même son accord. Dans un sens, n’était ce pas mieux ainsi ? Il fallait dire qu’ils se connaissaient assez bien, physiquement, ils avaient put explorer le corps de chacun et cela était tout de même assez important pour penser à utiliser la seconde personne du singulier. Il ne se trompa pas en répondant. Il avait totalement raison, elle avait aimé ce soir là, son silence et avait désiré qu’il agisse avant de parler. Sunshine n’aimait pas s’étendre trop longtemps avec les hommes avec qui elle couchait. Lorsque ceux-ci n’étaient que l’histoire d’une nuit, elle préférait ne rien savoir d’eux, et Dominic avait parfaitement joué le jeu.

- Tu n’as pas tort… Avoua t-elle la voix douce.

Elle abandonna le vouvoiement définitivement pour lui. Après tout, il lui avait en quelque sorte montré le chemin. Elle prit soin d’écouter attentivement sa voix qui résonnait dans sa tête, tout en s’abreuvant du cocktail alcoolisé qu’elle avait précédemment commandé et tourna les yeux vers lui, un sourire espiègle sur les lèvres. S’il s’amusait à ressasser le passé, et bien, elle l’y aiderait volontiers. Elle posa le verre sur le bar, et sa main vint frôler délicatement celle du jeune homme avant de replacer une mèche de sa chevelure brune. Elle souriait toujours, le dévorant du regard.

- Je fais souvent cet effet… Plaisanta t-elle. Certains même en redemandent…