D’une manière ou d’une autre, une page allait se tourner dans la vie de Kate. De grands changements étaient en train de se produire et même s’ils étaient pour la plupart choisis, la jeune femme avait l’impression de n’être qu’une simple spectatrice de l’énorme mauvaise blague qu’était son existence. Ces derniers temps, elle réalisait que durant toute sa vie d’adulte, qui au final ne représentait même pas dix ans, elle s’était efforcée de faire les choix qui lui semblaient les plus justes en évitant à tout prix les erreurs et les regrets. Et voilà où cela l’avait menée: à préparer sa valise pour retourner à Seattle, en espérant laisser ses échecs à New York.
A trop vouloir réfléchir aux conséquences de ses actes, elle hésitait, renonçait. Elle renonçait à poursuivre sa vie dans la grosse pomme, tout comme elle avait renoncé à Mark. Elle avait quitté Mark pour lui éviter le risque de gâcher sa vie avec elle; elle quittait New York pour ne pas devenir complètement folle.
Les gens disent qu’avec l’âge on prend de l’assurance parce qu’on est capable de prendre sa vie en main, qu’on est maître à bord et qu’on mène la barque comme bon nous semble. Pour Kate, c’était une connerie. Plus elle grandissait, plus elle avait peur d’avancer car ses choix devenaient de plus en plus lourds de conséquences. Quand elle était enfant, elle était téméraire, courageuse, spontanée, confiante. Tout le contraire de ce qu’elle était en train de devenir.

Ce soir, comme à son habitude, elle alla promener George dans le parc le plus près de chez elle, Union Square Park. Mais là, elle savait que c’était très certainement la dernière fois qu’elle faisait cette balade et qu’il fallait qu’elle la mette à profit pour faire un choix qui ne pouvait plus attendre.
Aux alentours de vingt-et-une heures, elle quitta son duplex, qui se trouvait sur la douzième avenue, entre la sixième et la cinquième, et pour la première fois elle savoura chaque minute de ce moment de calme. Elle marcha paisiblement jusqu’à la cinquième avenue où la circulation était fluide et remonta jusqu’au deuxième croisement pour emprunter la quatorzième. Sur cette avenue, elle passa devant le magasin Garden of Eden Gourmet, où elle avait pris l’habitude de faire ses courses. Elle se rappela du jour où elle avait reçu le coup de téléphone d’Alyssa et où elle avait laissé son panier plein devant le présentoir des tomates pour sortir à toute vitesse.
Elle fit les deux-cents mètres qui la séparaient d’Union Square et arpenta paisiblement les allées du parc. Un joli dégradé de bleus peignait le ciel et n’ayant pour seule lumière que celle des lampadaires du parc, Kate se sentait à l’écart de l’agitation de Manhattan. Elle passa là où se tenait le green market quatre jours par semaine où elle allait acheter ses fruits et ses légumes bio presque tous les samedis puis devant le Barnes and Nobles où elle se fournissait en romans policiers. Enfin, elle passa devant l’aire de jeu du parc, où elle avait souvent vu des enfants faire du toboggan, monter sur le grand dôme en métal, grimper sur le mur d’escalade, jouer sur le sol en damier vert et bleu ponctué de dalles orange et rouge à ne sauter que sur ces deux dernières couleurs. Ce soir, alors que la nuit commençait à tomber, l’aire était déserte et Kate décida d’y faire un tour. Elle s’installa sur une balançoire et prit de l’élan, jusqu’à décrire de grandes oscillations, et attendit.

Quoi? De prendre une décision. Attendre de prendre une décision était un concept étrange mais cela faisait des semaines entières qu’elle était face à un dilemme jusque là insoluble. Aucune des deux options qui s’offraient à elle ne la satisfaisait complètement. Soit elle partait sans en informer Mark, soit elle allait le voir, en n’ayant pas la moindre idée du degré de colère qui allait s’abattre sur elle. Une chose était certaine, il apprécierait pas sa visite. A vrai dire, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle était censée lui dire. Si elle devait accéder complètement à la demande de Meredith, elle devait lui dire qu’elle partait, qu’elle l’aimait et qu’il ne devait pas se marier. Mais elle ne voyait pas comment édulcorer ces trois états de fait de façon à ne pas passer pour une cinglée et d’ailleurs, elle ne se sentait pas du tout l’aplomb de lui dire tout cela.
En fuyant sans l’avertir, elle s’éviterait plus de peine qu’elle n’en avait déjà et elle était persuadée qu’il en serait de même pour lui. Mais Meredith le connaissait mieux que personne et si elle estimait qu’il fallait qu’il soit au courant, Kate devait le lui dire. En fait, tout reposait sur la confiance que la jeune Evans avait en le jugement de son ex belle-sœur, celle qui avait sciemment participé au plus gros échec de sa vie. C’était un pari très risqué de lui faire confiance. On en revenait au même problème. Prendre des risques.

Devait-elle prendre le risque de le faire souffrir un peu plus? Elle n’avait aucun espoir de réparer la situation entre eux. Tout ce qu’elle pouvait espérer, c’était faire prendre conscience à Mark qu’il se mariait pour de mauvaises raisons. Cela valait-il le coup d’aller le voir? Cela ne risquait-il pas de lui faire du mal? Kate avait également peur de se faire du mal à elle-même. Son bon sens lui criait de ne surtout pas intervenir dans une vie où elle avait déjà fait trop de dégâts. Devait-elle sauter ou non?
Kate posa son regard sur le sol. Au plus haut, elle devait être à environ deux mètres. Lorsqu’elle était enfant, elle adorait s’éjecter de la balancelle et se sentir voler pendant une seconde avant de retomber. Se dire qu’elle faisait quelque chose qu’on lui interdisait et qu’elle prenait le risque de se casser quelque chose lui procurait une petite montée d’adrénaline. Mais au final, qu’elle saute d’une balançoire, d’un muret ou d’un arbre, elle s’en sortait toujours indemne. Non, en fait elle s’était cassé la clavicule une fois en tombant d’un chêne mais cela ne l’avait pas empêché d’y remonter deux semaines plus tard.
Aujourd’hui, elle hésitait à sauter. Juste parce qu’elle était adulte. Pourtant, elle l’avait fait des dizaines et des dizaines de fois et elle ne risquait rien de plus que lorsqu’elle était enfant. Mais voilà, c’était comme ça. Elle avait grandi et elle avait peur de prendre des risques. Kate perdait de l’élan et allait de moins en moins haut. Résignée, elle soupira et renonça à sauter. Elle venait de prendre sa décision. Elle s’aida de ses pieds pour freiner, quitta l’aire de jeux et rentra chez elle. Sur le chemin du retour, elle se promit de ne pas changer d’avis et de ne pas céder au choix contraire à celui qu’elle venait de faire.


Le lendemain:

Cette nuit, Kate avait eu du mal à s’endormir. Son esprit n’avait été occupé que par Mark. Elle s’était rappelé des moments qu’ils avaient vécus ensemble, bons ou mauvais, de la haine qu’il lui avait montré depuis son arrivée à New York, des doutes qu’il avait semé en se montrant de moins en moins hostile. Elle avait aussi pensé à la vie qu’ils auraient pu avoir ensemble. Si ce qu’il lui avait dit la dernière fois qu’ils s’étaient vus était vrai, ils auraient peut-être été mariés et parents d’un deuxième enfant.
Autant de choses auxquelles la jeune femme préférait ne plus penser…

Elle passa toute la journée à préparer son départ. Etant donné qu’elle prévoyait de rester à Seattle plusieurs mois, elle avait pris une grande partie de son dressing. Elle passa une dernière fois au cabinet d’architecture, resta un moment dans un bar avec quelques amis et donna un double des clés à sa voisine de palier pour qu’elle les remette au couple de touristes allemands à qui elle louait le duplex pour la dernière semaine de juillet et août, par le biais d’un site internet spécialisé. Cela lui permettrait d’avoir une rentrée d’argent qui ne ferait que du bien à son compte en banque.

A dix-neuf heures, elle retrouva un ami de longue date de son père, dans un des meilleurs restaurants de la ville. Cet ami n’était autre que Steve Ballmer, le chief executive officer de Microsoft. Il était en voyage d’affaire à New York et devait repartir le lendemain matin à Redmond, là où se trouvait le siège de l’empire, tout près de Seattle. Quand Gregory lui avait dit que sa fille comptait retourner dans sa ville natale, Steve avait proposé de l’emmener avec lui. Pour lui, les vols commerciaux, même en première classe, n’était pas confortables alors il louait des heures de vols en jet privé. Kate n’y avait pas vu d’inconvénient. A vrai dire, cela l’arrangeait de ne pas avoir à dépenser quatre cent dollars dans un billet d’avion. L’homme d’affaire étant plutôt sympathique, la jeune femme avait accepté de diner avec lui, histoire de discuter un peu car cela faisait un bout de temps qu’ils ne s’étaient pas vu. En fait, la dernière fois remontait à l’époque où la jeune Evans travaillait pour son père.
Bien que son esprit soit ailleurs, Kate parut tout à fait normale. Elle était enthousiaste en parlant de son cabinet, riait à ses blagues, souriait lorsqu’il ne tarissait pas d’éloges à propos de Gregory. En effet, ces trois dernières années, il réussissait une brillante réorientation de son entreprise. Quand Bush était encore président, il avait pressenti un besoin radical de changement et avait compris que la politique allait changer et donc que le budget militaire allait être revu à la baisse. Il avait donc davantage axé ses recherches et ses produits sur des usages civils, comme la communication satellite ou l’équipement médical. Et il avait vu juste. Depuis qu’Obama était au pouvoir, son administration diminuait toujours plus les commandes militaires du Pentagone et tandis que des entreprises comme Lockeed Martin subissaient de plein fouet, la Evans Corporation s’en sortait à merveille.
Bien que n’ayant pas honte d’admettre qu’il s’était enrichi grâce à la paranoïa américaine, d’abord en participant au programme IDS lancé en 1983 sous Reagan puis avec celle de Bush, Gregory Evans avait toujours eu un œil très critique sur la guerre. Il n’était pas cupide et avait une certaine éthique. Il aurait très bien pu devenir un multimilliardaire en se lançant dans l’armement mais il avait toujours refusé de faire parti du complexe militaro-industriel autrement qu’en fournissant l’armée en matériel de surveillance et de protection. Il avait eu formation d’ingénieur au MIT et voulait s’y tenir. De même, il aurait pu être plus riche en délocalisant, en sous-traitant, en mettant son entreprise à la bourse, en licenciant abusivement mais il ne l’avait jamais fait. Il se considérait suffisamment riche et n’en demandait pas plus, d’où le fait que la Evans Corp n’avait que très peu été touchée par la crise.

Franchement, Kate ne s’était jamais intéressée à la façon dont son père avait monté sa société ni même à l’éventail de ce qu’il y produisait. Elle n’était ni dans les finances, ni dans les sciences et c’était trop compliqué pour elle. Alors elle se lassa vite d’entendre Steve parler affaires. A vingt-et-une heures trente, ils se donnèrent rendez-vous à neuf heures le lendemain et ils repartirent chacun de leur coté.

Sur le parking, Kate chercha dans son répertoire le numéro de Meredith, une boule à l’estomac. Elle se décida à l’appeler et au bout de deux sonneries, l’étudiante décrocha. A sa voix, elle sembla surprise de recevoir un appel. Kate ne se perdit pas en bafouillages et lui annonça de but en blanc qu’elle était prête à parler à Mark, mais que c’était maintenant ou jamais. Elle devina à un claquement de porte que Meredith s’isolait pour lui répondre. Cette dernière expliqua qu’Elisabeth était chez eux et elle allait faire son possible pour qu’elles sortent toutes les deux, par exemple au cinéma. Alyssa était couchée et Mark était dans son bureau. Elle aurait donc le champ libre pour lui parler.
Un quart d’heure plus tard, Kate était garée en face de chez Mark. Elisabeth ne connaissait pas sa voiture et avec l’obscurité, elle serait incapable de reconnaître son visage à cette distance. Elle dut encore attendre une bonne dizaine de minutes avant de voir les deux femmes sortir de la maison. Une pluie commença à s’abattre. Elle vit l’héritière courir vers le taxi et Meredith la chercher du regard et lui adresser un bref sourire. Comme convenu, elle ne ferma pas la porte à clé pour qu’elle puisse entrer. Par mesure de sécurité, Kate attendit de voir leur taxi disparaître à l’angle pour mettre le plan à exécution. Elle prit son parapluie et s’avança avec anxiété vers la maison. Sur le palier, elle prit soin de s’essuyer les pieds et en faisant le moins de bruit possible, elle ouvrit la porte, replia son parapluie, le posa dans le porte-parapluie et referma tout doucement la porte derrière elle. Au premier pas qu’elle fit en direction des escaliers, elle se rendit compte qu’elle ne pouvait pas marcher en escarpins sur le parquet sans se faire remarquer. Elle les enleva donc et les prit dans sa main. Ainsi, on aurait dit une ado qui a fait le mur et qui veut rentrer sans réveiller ses parents.

D’après les indications de Meredith, le bureau de Mark se trouvait derrière la deuxième porte à droite, au premier étage. La brune s’arrêta quelques secondes devant la porte fermée de la chambre d’Alyssa. Elle fut tentée une seconde de l’ouvrir mais ne le fit pas. Elle n’était pas là pour ça et ne voulait pas risquer de réveiller la petite fille et qu’elle la voie. Un coup de tonnerre retentit. Kate espéra que cela ne sorte pas Alyssa de son sommeil. C’était peu probable étant donné que sur l’île, la fillette avait été habituée aux gros orages.
Devant le bureau de Mark, dont la porte était elle aussi fermée, Kate remit ses chaussures et arrangea sa robe en cache- cœur. Pour aller au restaurant, elle avait du s’habiller élégamment et cette robe en soie couleur chocolat était à la fois confortable et sophistiquée. Au moment où elle posa sa main sur la poignée, elle entendit de la musique et reconnut tout de suite les notes de l’intro de The Scientist de Coldplay. Cela la fit sourire. C’était leur chanson. Enfin elle ne pouvait pas vraiment être considérée comme telle puisque Mark ne le savait pas. Ils avaient écouté cette chanson le premier soir qu’ils avaient passé ensemble après leur après-midi au spa, Kate l’avait écouté en rentrant chez elle après avoir passé la soirée avec Mark quatre ans plus tard et il en était de même lorsqu’ils s’étaient remis ensemble le soir de l’accident d’Alyssa. Depuis qu’elle était partie à New York, elle ne l’avait plus jamais réécoutée. Son sourire s’effaça. Elle connaissait cette chanson par cœur et les paroles semblaient être faites pour ce moment, pour ce qu’elle avait à lui dire. C’était une chanson d’amour et elle n’avait jamais parlé d’amour. Elle n’y arriverait pas.
Mais comme si son inconscient agissait indépendamment de sa volonté, sa main appuya sur la poignée et entre-ouvrit la porte. Kate n’avait rien préparé et n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle allait dire. N’ayant plus d’autre choix que d’improviser seconde par seconde, elle ouvrit complètement la porte et posa le regard sur Mark. Sans le quitter des yeux, elle referma la porte, toujours pour éviter de réveiller Alyssa. Terrorisée par ce qu’elle était en train de faire, elle sentait son cœur cogner dans sa poitrine. Elle s’appuya contre la porte et laissa un lourd silence prendre place, incapable de prendre la parole. Elle avait une terrible envie de dire à Mark qu’elle l’aimait. Mais elle ne pouvait pas.

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Depuis qu’elle avait appris les fiançailles de Mark et d’Elisabeth, Kate n’avait eu aucune espèce de réaction. En fait, elle s’était contentée de reprendre sa vie comme si de rien n’était, à la minute même où sa tante lui avait montré le magazine qui annonçait la nouvelle. Elle avait repris sa vie si parfaitement qu’on aurait pu la comparer à un robot dénué de toute intelligence émotionnelle qui n’accomplit que les tâches pour lesquelles il a été créé, à tel point que Maggie trouvait cela légèrement flippant. Quand elle était avec sa nièce, elle observait le moindre de ses faits et gestes, guettant celui qui allait mettre fin à cet état de sérénité apparente, le moment où elle allait fondre en larmes, balancer tout ce qu’il lui passait sous la main contre les murs. Elle voyait déjà Kate complètement stone, sous antidépresseurs. Quel genre d’individu pouvait rester aussi stoïque face à la bombe qui venait d’être lâchée? Que Maggie se rassure, Kate n’allait pas devenir hystérique. Si d’apparence, elle semblait mener une vie banale, comme si elle n’avait même jamais croisé le chemin de Mark, intérieurement, c’était le chaos. Elle avait l’impression que quoi qu’elle fasse, ce serait vouer à l’échec.
Il fallait y voir le bon coté, au moins elle savait qu’elle n’avait plus rien à perdre à aller voir Mark. Elle n’avait plus aucun amour propre, plus aucune confiance en elle alors de ce coté, elle ne craignait rien.

Quand Mark posa les yeux sur elle, la jeune femme retint son souffle. Il était encore temps de faire marche arrière et de courir jusqu’à sa voiture. Puisqu’elle était figée sur place, la question ne se posait même pas. Chacun de ses muscles semblaient tendus, elle avait la sensation d’être prise dans un étau. Elle aurait pu se trouver au bord d’un précipice dans lequel une simple brise pourrait la faire basculer, cela lui aurait fait le même effet.
Mark prit la parole, du moins bafouilla pour comprendre pourquoi elle était là et comment elle était entrée. La brune aurait pu lui dire que la porte d’entrée était ouverte et qu’elle était venue lui dire qu’elle l’aimait mais bien que l’aveu de ses sentiments lui brûle les lèvres, il était encore trop tôt pour qu’il passe la barrière de ses lèvres. Tout ce dont elle se sentait l’ardeur pour l’instant, c’était de se jeter dans les bras de Mark. D’un pas qu’elle aurait voulu plus sûr, elle s’approcha de lui, venant à bout de la distance que l’homme avait déjà entamé en faisant le tour de son bureau.

La lumière était chaleureuse, la musique était agréable et pourrait facilement les faire basculer dans une douce torpeur s’ils n’étaient pas aussi tendus l’un que l’autre. L’orage achevait de donner l’étrange impression qu’ils étaient dans une bulle, à l’abri, juste elle et lui. Mark et Kate. Comme cela aurait toujours du être.
La jeune femme avait le regard rivé dans celui de l’homme qu’elle aimait, le laissant plongé dans ce regard rempli de peine, de regrets. Avant, il aimait ses yeux vert-gris avec des reflets chocolat dont elle avait usé et abusé pour le faire céder sur des petites banalités du quotidien lorsqu’ils étaient ensemble.

Chaque parcelle de son corps était inévitablement attirée par Mark. Elle avait lutté trop longtemps pour le dissimuler, à lui, à elle-même, aux autres. Jusque là, elle avait plutôt bien réussi mais le temps l’avait à l’usure, elle était fatiguée de se mentir. Pendant un an, elle avait réussi à se convaincre qu’elle n’aimait pas Mark mais quel mensonge éhonté…
Aucun mot n’était assez fort pour décrire ce qu’elle ressentait et la parole semblait être une forme de dialogue désuète face à ce qu’elle voulait exprimer. Et si elle se passait de mots?
Kate posa ses doigts sur les lèvres de Mark, lui signifiant de se taire. Puis, elle les fit lentement glisser sur sa joue et dans un frisson qui lui parcourut tout le corps, elle déposa délicatement ses lèvres sur les siennes, savourant ce baiser comme un baiser d’adieux, le tout dernier.

C’était loin d’être la première fois que Kate sentait qu’il s’agissait du dernier moment qu’elle passait avec Mark mais cette fois c’était plus que jamais une certitude. Ils étaient dans la même pièce et pourtant, ils n’avaient jamais été aussi éloignés l’un de l’autre. Même lorsqu’elle avait quitté l’île, la jeune femme avait toujours eu un infime espoir de pouvoir revoir Mark, au bout d’un an, peut-être plus. Mais aujourd’hui, il était fiancé à une autre femme et rien que cette idée lui était insupportable. Le revoir un jour serait une vraie torture pour elle alors autant pour lui que pour elle, il valait mieux que leurs chemins ne se recroisent plus jamais.

A la plus grande surprise de Kate, Mark ne la repoussa pas. Au contraire, il prolongea le baiser plus tendrement que jamais. L’architecte n’en fit pas de conclusions trop hâtives. Avec le peu de discernement qu’il lui restait, elle se dit que le brun acceptait la façon dont elle lui disait adieu. Elle ne savait pas si cela lui faisait comprendre qu’elle partait et ne se doutait pas qu’il était déjà au courant. Peu importe, pour l’instant elle profitait des quelques minutes de répit que Mark lui accordait en la gardant contre lui. Elle garda les mains contre son torse musclé et lorsqu’il passa un bras autour d’elle, elle se sentit comme une petite chose fragile, enfin là où elle se sentait à l’abri.

Le souffle court et le cœur battant plus rapidement que la normale à cause de la soudaine montée d’adrénaline qui l’avait prise, Kate inspira profondément une fois le baiser rompu. Elle savait que c’était le moment ou jamais de parler, de dire ce qu’elle avait à lui dire mais l’instant présent était tellement beau qu’elle ne voulait pas le gâcher en disant à Mark des choses qu’il n’avait pas envie d’entendre. Alors elle resta ainsi pendant un temps qu’elle ne saurait évaluer, tant les minutes s’égrainaient différemment dans leur bulle.
Une de ses chansons préférées d’Amos Lee débuta au moment où un éclair déchira le ciel, suivi de près par le grondement de l’orage. Le sort voulait que cette chanson corresponde également à leur situation et la brune ne put s’empêcher de se sentir un peu plus coupable d’avoir laissé l’homme de sa vie dans l’état d’esprit que décrivaient les paroles. Cela n’aidait pas à la faire parler.
Elle avait montré maintes fois qu’elle n’était pas courageuse, qu’elle était même lâche en ce qui concernait l’aspect sentimental de sa vie. Quand par on ne sait quel élan de témérité elle avait dit à Mark qu’elle l’aimait, il lui avait amèrement fait regretter et la dernière fois qu’il était venu chez elle, elle avait tenté de le lui faire comprendre de manière plus nuancée, sans pour autant se priver de lui confier toutes les émotions et les doutes qui s’étaient emparés d’elle au point de la faire partir mais cela n’avait eu aucun effet. La preuve, quelques jours plus tard elle apprenait que Mark allait se marier. Si ça ce n’était pas la preuve qu’il avait tiré un trait sur elle… Il ne pouvait pas le lui faire comprendre plus clairement.

Un autre coup de tonnerre lui rappela que plus elle s’attardait, plus elle risquait de voir Alyssa réveillée par l’orage. Une immense partie d’elle voulait la voir avant de s’en aller mais une autre, beaucoup plus raisonnable, lui disait qu’elle se ferait encore plus de mal en voyant sa filleule et aussi que Mark avait été très clair quant au fait qu’il ne voulait pas qu’elle approche sa fille. De plus, ce serait s’exposer au risque que la fillette en parle devant Elisabeth.
Du coup, Kate n’avait pas beaucoup de temps pour dire ce qu’elle était venue dire, encore moins pour réfléchir à la façon dont elle allait le formuler. Elle songea rapidement qu’elle pourrait mettre à profit l’esprit logique qu’elle avait acquis en étant chef d’entreprise. Il fallait être précis et concis en faisant des synthèses, en donnant des ordres et en exposant ses idées. Alors le plus simple avec Mark était de ne pas y aller par quatre chemins et d’aller droit au but.
Toujours contre lui, son front posé contre le sien, elle lui murmura:

-J’ai trois choses à te dire. La première: Je pars à Seattle.

La jeune femme avait commencé par le plus facile à dire et allait y aller crescendo. Elle marqua une petite pause, tentant de deviner au regard de Mark s’il était près à recevoir les deux boulets de canon qu’elle allait lui lancer. Pour l’instant, ça avait l’air d’aller.

- La deuxième: Ne te marie pas.

A ce moment, elle baissa le regard, ne voulant pas voir la réaction de l’homme de loi. Une fois sortis de sa bouche, ces mots lui semblaient totalement absurdes. Tant pis, elle n’allait pas s’arrêter là.

- Ce qui m’amène à la troisième…

Elle hésita à faire ce qu’elle savait vouer à l’échec. Elle avait toujours un très mauvais souvenir de la première fois qu’elle l’avait fait et ne savait pas dans quel état elle allait être en subissant un deuxième échec. Pourtant il fallait bien qu’elle le fasse, elle avait eu le temps de réfléchir avant de venir et il fallait qu’elle assume jusqu’au bout sa présence ici.

- Je…

Avant de replonger son regard dans celui de Mark, elle avait voulu regarder sur le coté et respirer un bon coup mais ce fut une erreur. Le premier mot réussit à sortir mais les autres ne purent s’échapper. Elle était comme subitement aphone. Et pour cause, elle avait le regard rivé sur un épais classeur dont dépassaient plusieurs chutes de tissus et plusieurs post-its qui ne lui laissèrent aucun doute sur le fait que c’était le dossier du mariage.
En réalisant qu’elle était sur le point de dire "je t’aime" à un homme enthousiaste à l’idée de préparer son mariage, elle fut incapable d’émettre le moindre son.

Il y avait tellement de choses que Kate aurait voulu dire à Mark. Elle aurait aimé qu'il sache qu'elle aurait donné tout ce qu'elle avait pour revenir en arrière, au moment où elle l'avait appelé pour lui annoncer qu'elle partait sans lui et, à la place, lui dire simplement qu'elle passerait dans la soirée pour l'aider à préparer leur départ en famille. Elle aurait également voulu lui dire qu'elle regrettait toutes ces années qu'elle lui avait fait perdre en doutant d'elle-même et que si, six ans plus tôt, sous les grands escaliers de la faculté de l'île elle avait écouté ses propres sentiments ils formeraient déjà une belle famille. La jeune femme aurait aimé avoir le courage de lui dire qu'elle était désolée pour tout ce gâchis dont elle se savait seule coupable et que si aujourd'hui il lui donnait à nouveau une chance d'être sa femme et la mère de ses enfants, elle n'hésiterait pas une seule seconde et même, il ferait d'elle la plus heureuse des femmes.

Mais toutes ses paroles, elle les pensait vaines. A quoi bon dire tout cela à un homme dont elle avait perdu la confiance et qui était sur le point de concrétiser tous ces engagements avec une femme avec qui tout avait toujours été simple, qui l'avait aimé dès le premier regard, qui ne l'avait jamais trahi et qui lui manifestait par le geste et la parole tout l'amour dont on pouvait rêver?
Si avoir vu Elisabeth et en avoir entendu parlé aurait pu lui servir d'exemple pour l'avenir, ce n'était pas du tout le cas. Bien qu'ayant malgré tout un certain respect pour cette femme qui désirait apporter à Mark tout ce qu'il souhaitait, elle ne se voyait pas être aussi amoureuse qu'elle l'était de lui. Elle ne s'imaginait pas être l'épouse d'un autre homme ou la mère d'enfants dont il n'était pas le père.

Toujours absorbée par l'imposant classeur qui témoignait de toute l'énergie fournie à la préparation d'un mariage qui s'annonçait princier, Kate fut obligée de plonger de nouveau son regard dans celui de l'homme de sa vie. Sa nervosité étant palpable et très communicative, son rythme cardiaque augmenta fortement lorsqu'il la supplia de terminer ce qu'elle s'apprêtait à lui dire.
Ce qu'il lui restait de discernement lui fit penser avec une quasi-totale certitude qu'il savait ce qu'elle était sur le point de dire. Cependant, comment prévoir sa réaction? A les regarder d'un yeux neutre, il était évident qu'ils éprouvaient des sentiments qu'ils n'étaient pas censés éprouver au vu des engagements qu'avait pris Mark avec une autre mais qui, étant intacts malgré leur histoire qui avait connu plus de bas que de hauts, étaient trop forts pour qu'on puisse leur en vouloir.

Ne sachant pas pourquoi l'avocat tenait tant à ce qu'elle lui dise ce qu'elle ressentait, elle se sentait perdue. Il n'y avait aucune raison apparente pour que cette fois, contrairement à leur précédente entrevue, il se montre disposé à accueillir cet aveu comme quelque chose qui allait chambouler son existence. La jeune femme ouvrit la bouche pour laisser échapper les fameux mots mais elle resta muette. Sa gorge se noua et elle sentit ses yeux s'embuer, les devina brillants. Elle glissa ses mains dans celles de Mark et les abaissa au niveau du torse de ce dernier. La sensation d'être forcée à dire une chose qu'elle n'avait dite qu'une fois à Mark et dont elle gardait un mauvais souvenir se heurtait à celle d'en avoir besoin. C'était très désagréable. Elle était ici de son plein gré mais il fallait qu'elle se fasse violence pour le faire. Personne ne l'avait forcée à venir, elle savait à quoi elle se risquait en franchissant la porte de cette maison alors il fallait qu'elle aille jusqu'au bout.
D'une voix douce et fragile, prête à se briser elle lâcha:

- Je t'aime.

La réaction de Mark ne se fit pas attendre. En voyant ses yeux sur le point de laisser une larme s'échapper, le cœur de la jeune femme se serra un peu plus. Puis, lorsqu'il lui offrit un sourire, elle en fit de même, extrêmement soulagée que cette révélation qui lui pesait depuis trop longtemps n'ait pas eu un effet négatif. Au contraire, il l'embrassa de nouveau, avec une passion qui dérapa vite. Kate laissa volontiers l'homme qu'elle aimait glisser une main sous son manteau et se laissait complètement aller à la magie de ce moment qui semblait trop beau pour être vrai. L'intensité de leur étreinte mêlée à l'explosion de sentiments leur enlevait la raison qui aurait du être la leur. Du moins jusqu'à ce qu'un autre éclair déchire le ciel, suivi de près par le grondement de l'orage.

Simultanément, les deux jeunes gens rompirent le baiser avec la juste impression de faire quelque chose de mal. Mark prit la parole et fit remarquer qu'ils ne pouvaient pas se laisser aller maintenant. Kate ne répondit pas mais elle était du même avis. Elle venait tout juste de réaliser les conséquences de leurs actes s'ils étaient allés plus loin.
En premier lieu, elle pensait à la morale. Même si Mark avait tout autant envie qu'elle de se laisser aller à leurs pulsions et que l'homme de loi n'aimait pas sa fiancée comme il aurait du l'aimer, cela aurait été mal d'y céder vis-à-vis d'Elisabeth.
De plus, si Alyssa arrivait maintenant, elle ne comprendrait rien à rien et serait sans doute perturbée. En fait, l'architecte ne s'en faisait pas pour ce qui était d'Elisabeth car elle savait qu'elle pouvait faire confiance à Meredith pour assurer ses arrières. Si par exemple la séance était annulée, elle pouvait compter sur un texto de sa complice pour s'en aller à temps.
Quoi qu'il en soit, dans les bras de Mark ou non, il ne fallait pas que la petite fille la voie alors elle n'avait que peu de temps. Quand Mark la supplia de rester, son cœur se fendit. Elle avait l'impression de l'abandonner une nouvelle fois. Pourtant, la donne n'était plus la même puisqu'il s'était engagé avec une autre qui voyait pour eux une existence heureuse et paisible.

Kate ne savait pas quoi penser de cette situation. Si rester à New York signifiait rester dans l'ombre de la parfaite famille composée de l'homme de sa vie, de sa filleule pour qui elle avait été une seconde mère et d'une autre femme, elle préférait partir. Elle était incapable de rester pour autre chose qu'un amour véritable avec Mark et une vraie vie de famille avec lui. C'était très difficile de lui demander une telle chose puisque quand il lui avait offert tout cela, elle était partie du jour au lendemain.
Le plus calmement possible, la brune alla vers le fauteuil entre la chaine hifi et le petit meuble ou se trouvait le classeur du mariage, enleva son manteau et le posa sur un accoudoir avant de s'asseoir. Elle avait chaud. Cette soirée d'été n'était pas aussi fraîche qu'elle le pensait en sortant de chez elle et le baiser avait en quelque sorte fait monter la température.

- Pourquoi veux-tu que je reste?

Elle avait besoin d'être sûre que ses sentiments étaient réciproques, que Mark ne voulait pas la retenir simplement parce qu'un an plus tôt, son ego avait pris un coup très rude et qu'en fin de compte, sous son bonheur apparent de l'avoir auprès de lui ne se cachait pas inconsciemment la satisfaction d'avoir récupéré ce qu'il considérait comme acquis.

Il était également évident pour Kate que la situation était loin d’être limpide. En aucun cas elle n’attendait de Mark qu’il plaque tout du jour au lendemain pour reprendre leur histoire là où elle en était. Et même, elle serait à la fois inquiète et déçue que l’homme soit capable de quitter la femme qu’il prévoyait d’épouser et qui l’aimait énormément aussi soudainement. Cela serait faire preuve d’une dangereuse indécision et de stabilité qui pourrait un jour se retourner contre elle. Kate préférait de loin qu’il lui montre qu’il réalisait à quel point il allait faire souffrir Elisabeth et qu’il devait la traiter avec le respect qu’elle méritait. S’il l’abandonnait dès le lendemain, rien ne garantissait à l’architecte qu’il serait incapable de lui faire un jour la même chose à elle aussi.

Avec le peu que la jeune femme savait de l’héritière, elle avait pu se rendre compte que c’était une femme avec un grand cœur. Elle avait ce coté "petite chose fragile" qui pouvait être aussi attendrissant qu’agaçant. Il ne fallait pas se voiler la face, Kate n’avait jamais pu ressentir de la sympathie pour cette femme mais en même temps, elle avait été incapable de la détester. Comment détester la femme qui avait tout pour rendre heureuses les deux personnes qu’elle aimait le plus au monde? Comment détester une personne engagée humanitairement sur tous les continents? Il était impossible d’en venir à une autre conclusion que celle qu’Elisabeth Walton avait tout pour être canonisée.

La réponse immédiate de Mark ne satisfit pas tout à fait Kate. A vrai dire, elle aurait aimé qu’il lui dise qu’il l’aimait. Elle eut tout de même un petit sourire, se disant que ce serait pour une prochaine fois. En admettant qu’il y aurait une prochaine fois. Puis, lorsqu’il se montra plus ferme en affirmant qu’elle ne pouvait pas partir, elle sentit son cœur se serrer. Elle avait envie de lui sauter au cou et de lui dire qu’elle ne mettrait même pas un pied en dehors de Manhattan. L’entendre hausser la voix lui fit prendre conscience qu’avec l’orage et la voix de son père, ils prenaient un grand risque quant au sommeil d’Alyssa. Certes la fillette avait en général un sommeil de plomb, il avait comme tout le monde des limites.
Mark n’eut pas l’air de beaucoup s’en préoccuper puisqu’il poursuivit, en tournant dans son bureau comme un fauve en cage. Il ne voulait pas la perdre encore une fois, c’était normal. Elle comprenait tout à fait qu’il insiste sur le fait qu’elle devait rester à New York. A mesure qu’il parlait, cela devenait de plus en plus dur pour l’architecte. Elle eut l’impression d’être prise au piège lorsqu’il lui dit que si elle l’aimait elle devait rester, comme si elle devait le lui prouver en ne partant pas. Pourtant cela ne dépendait pas d’elle. La brune se leva et prit le visage de Mark dans ses mains et tenta de le raisonner:

- Tu ne vas pas me perdre, je te le promets. Mais il faut que je parte, on m’attend là-bas et tout est déjà fait pour que je travaille à distance. Bon, ce n’est pas vraiment ce qui pose problème puisque je pourrais travailler à distance tout en restant au duplex mais justement, je l’ai mis en location. Dès que je trouve une solution pour mon logement, je saute dans le premier avion pour revenir. Et puis tu sais aussi bien que moi qu’il va te falloir un peu de temps pour faire le point de ton coté, pour réfléchir et faire ce que tu as à faire. Je sais que je ne t’ai jamais prouvé que c’était une évidence mais il va falloir me faire confiance sur ce coup là. Je reviens dès que je peux et je ne te quitte plus jamais.

Soudain, une porte claqua, sans doute à cause d’un courant d’air. Le cœur de Kate fit un bon dans sa poitrine. Elle lâcha le visage de Mark et posa son regard sur la porte du bureau, toujours fermée. Il fallait qu’elle parte maintenant, elle s’exposait trop au risque qu’Alyssa la voie. Si la petite fille se réveillait, la première chose qu'elle ferait serait aller voir son père. Elle ne devait pas y trouver sa marraine, tant parce qu'elles seraient toutes les deux bouleversées que parce que Kate n'était pas supposée être là et qu'il ne fallait absolument pas que l'information remonte jusqu'aux oreilles d'Elisabeth.

- Il faut que j’y aille. Si Alyssa me voit…

La jeune femme remit son manteau en vitesse et saisit son sac qu'elle avait posé près de la porte en entrant. Une fois passé sur son épaule, elle se dirigea de nouveau vers Mark et passa une main sur sa nuque pour poser les lèvres contre les siennes.

- Si tu peux, rejoins moi chez moi demain matin à dix heures. J'aimerais que tu m'accompagnes à l'aéroport.