« Euhm... disons plutôt qu'on voit une partie du jardin... » Milo tourna la tête vers elle, sourire aux lèvres. L’idée qu’il se faisait d’un jardin n’était pas vraiment comparable à ce qu’il voyait là, et même s’il avait dit cela pour plaisanter, l’énormité des lieux lui donnait le tournis. Pourquoi posséder tant de terre alors qu’on n’aura même pas le temps de la fouler entièrement en l’espace d’une vie ? Il ne parvenait vraiment pas à comprendre une telle chose. Milo se tut pendant un long moment, comme s’il était en train d’admirer une œuvre d’art, et un silence s’installa entre eux, si bien qu’on n’entendait rien d’autre que le bruit du vent. Finalement, Apollinaria reprit la parole, « Ca doit changer du Brésil, nan ? » Milo se tourna vers la jeune femme, tentant de capter son regard pour y discerner une trace d’ironie. Or, il n’y en avait pas, elle disait cela sérieusement. Le jeune homme prit une inspiration, attendant un moment avant de répondre, le sourire aux lèvres « J’ai l’impression de venir d’une autre planète. » Il accompagne ces paroles d’un soupir amusé, puis frissonna, réalisant qu’il ne portait qu’un t-shirt. « Ca ne te manque pas ? Ta famille, tes amis ? » Milo détourna le regard, ne voulant pas paraître trop nostalgique, puis prit une grande inspiration comme s’il était sur le point d’aborder un sujet sensible. Et en soi, c’était le cas. « Bien sûr qu’ils me manquent. Ils me manquent … tout le temps. Les gens sont différents à New York, et même si j’adore cette ville… Je ne m’y sentirais jamais vraiment chez moi. » Il avait parlé simplement, juste dit les choses telles qu’elles étaient. Il pensait à sa mère, à sa sœur, à son frère, il pensait à eux tous les jours. Ils étaient sa faiblesse et sa force aussi, car en pensant à eux, il retrouvait le sourire et l’optimisme, l’envie de se lever chaque matin. S’il était à New York, c’était avant tout pour eux, pour pouvoir un jour leur donner un avenir meilleur.

Milo se perdit dans ses pensées durant un court instant, se remmémorant tout un tas de souvenirs, des plus marquants aux plus inutiles. Apollinaria le ramena à la réalité « Mais... T'as pas une foule d'admiratrices cachées au Brésil, hein ? Genre qui se dandinent toute la journée en maillot de bain, bronzées uniformément grâce à leur amie l'UV ? » Milo pouffa de rire et se tourna vers elle, puis répondit « Oh crois moi, les brésiliennes ont pas besoin d’UV pour être bronzées uniformément… » Milo lui lança un sourire malicieux. « Et t’as pas de souci à te faire pour les admiratrices … Les seules que j’ai eu, c’était les clientes du club de vacances dans lequel je travaillais l’été dernier. Alors à moins qu’elles aient prolongé leurs séjours … » Il repensa un instant à ces filles agicheuses dont le plus grand fantasme était de passer la nuit avec l’animateur local. Beaucoup des collègues de Milo se laissaient amadouer par ces vacancières en chaleur, désireuses d’entrer en totale communion avec les mâles virils du Brésil, mais lui … Il n’avait jamais été très friand de ce genre de filles, qui étaient plus vulgaires qu’autre choses. Et puis à présent, son fan club du club Med de Rios Das Pedras était bien loin … Milo jeta un regard à Apollinaria, puis lança sur un ton de défi « Ca pourrait être cool que tu enfiles un bikini et que tu essaies d’aller les concurrencer, non ? » Il lui fit un large sourire, espérant qu’elle approuverait son idée qui était, il fallait bien l’avouer, vraiment très judicieuse.

Apollinaria avait la brusque envie de connaître tout de Milo, d'où il venait, sa famille, ses amis. C'est pourquoi elle lui demanda si ça changeait du brésil. Elle n'avait jamais été dans ce pays. Elle avait été en Argentine, au Chili et dans d'autres pays d'Amérique du Sud mais jamais au Brésil et elle commençait à vraiment avoir envie d'y aller et avec Milo qui plus est. « J’ai l’impression de venir d’une autre planète. » Un léger sourire s'échoua sur son visage. Elle l'imagina un instant en petit bonhomme vert venu vraiment d'une autre planète et laissa échapper un rire. Elle cru bon de se justifier car il devait vraiment la prendre pour une folle « J'étais en train de t'imaginer en bonhomme vert avec des antennes et tout sur la tête... » Rien que de dire à voix haute ce qu'elle pensait tout bas, elle eut vraiment l'impression d'être folle et elle éclata de rire une fois de plus. Elle inspira pour se calmer avant de demander si ses amis et sa famille ne lui manquait pas. « Bien sûr qu’ils me manquent. Ils me manquent … tout le temps. Les gens sont différents à New York, et même si j’adore cette ville… Je ne m’y sentirais jamais vraiment chez moi. » Elle hocha la tête. Elle comprenait totalement ce qu'il ressentait. Elle aimait la vie new-yorkaise mais son pays était le Luxembourg, c'était là où elle se sentait chez elle, où elle était bien.

Enfin, un peu inquiète, la jeune femme demanda s'il n'avait pas une foule d'admiratrice au Brésil, pas sûre de pouvoir rivaliser avec des corps aussi bien faits. « Oh crois moi, les brésiliennes ont pas besoin d’UV pour être bronzées uniformément… » Elle ouvrit en grand la bouche en forme de "o", faussement choquée. « T'as vérifié alors ?! » demanda-t-elle, mi-inquiète de rencontrer les exs de Milo et mi-malicieuse. Elle se doutait bien qu'il avait eu une vie avant de la rencontrer et ça serait injuste de penser le contraire alors qu'elle-même s'était mariée, mais elle ne voulait pas trop y songer, jalouse. « Et t’as pas de souci à te faire pour les admiratrices … Les seules que j’ai eu, c’était les clientes du club de vacances dans lequel je travaillais l’été dernier. Alors à moins qu’elles aient prolongé leurs séjours … » Elle fit la moue avant d'ajouter un léger « M'ouais, tu t'en sors bien... » tout en pensant qu'elle ne connaissait finalement que peu de choses du brésilien. Elle ignorait qu'il avait travaillé dans un club de vacances l'été dernier et tout ce qui avait pu se passer dans sa vie avant d'arriver à New-York mais comptait y remédier rapidement. Finalement, il se tourna vers elle et elle fit de même avant qu'il n'ajoute « Ca pourrait être cool que tu enfiles un bikini et que tu essaies d’aller les concurrencer, non ? » Faussement choquée, elle fit la moue avant de répliquer, sans pourtant penser un instant à ce qu'elle disait « Qui te parles de concurrence ? Je les écrabouille en un rien de temps moi ! » Elle n'en était pas du tout sûre mais préférait songer qu'elle pouvait. L'idée qu'elle se faisait des brésiliennes se trémoussant sur une plage en mini-maillot de bain lui filait un complexe d'infériorité peu commun chez elle. « Mais, ok. Je relève le défi ! Tu paries ? » demanda-t-elle, malicieuse en tendant la main pour qu'il frappe dedans.

Maintenant qu’ils avaient abordé le sujet du Brésil, Milo sentait une vague de bonheur lui envahir l’esprit. Rien que de parler un peu de cet endroit lui suffisait à se sentir mieux, car c’était comme s’il s’en rapprochait un peu plus, et en décrivant sa terre natale, il avait presque l’impression d’y être encore. Et pourtant, devant ce paysage inconnu qui s’offrait à lui, il ne pouvait pas oublier qu’il était à des milliers de kilomètre de sa petite maison tranquille, et qu’il n’était pas prêt de la retrouver. Apollinaria le tira de ses pensées « T'as vérifié alors ?! » Il leva les yeux vers elle, amusé, mais ne répondit rien. Il se contenta de hausser les épaules tout en arborant un air malicieux. Il ne préférait rien dire de peur de devoir se justifier ensuite. Apollinaria avait l’air sérieuse, même si elle semblait dire cela pour plaisanter, et il se reconnaissait dans son comportement. Car si Milo s’était fait à l’idée qu’elle aussi avait un passé amoureux, il préférait éviter d’y penser. Cela avait le don de faire monter en lui une sensation de jalousie qu’il ne contrôlait pas. Il n’aimait pas cela, mais il n’y pouvait rien, car quand il l’embrassait, il préférait penser que ses lèvres n’avaient jamais touché celles d’autres hommes que lui. Et qu’elles n’en toucheraient jamais d’autres. Surtout pas celles de Nathan. Sa gorge se serra à cette seule pensée, et il s’approcha d’elle quasi immédiatement, posant une main dans le bas de son dos avec un peu plus de fermeté qu’il ne l’aurait pensé. Elle était avec lui, et pour l’instant elle n’irait nul pas ailleurs. Tout en pressant sa silhouette contre la sienne, il déposa un court baiser sur ses lèvres, puis après avoir lentement ré-ouvert ses paupières il plongea son regard dans le sien, et la gratifia d’un large et authentique sourire.

« Qui te parles de concurrence ? Je les écrabouille en un rien de temps moi ! » Milo se mit à rire sans retenue, imaginant Apollinaria débarquer sur la plage de Copacabana et marcher telle un mannequin au beau milieu des brésiliennes. Milo l’imaginait parfaitement dans ce décor, et il savait déjà qu’elle y serait à sa place. Il mourrait d’envie de l’emmener là-bas, de lui montrer la plage, de l’emmener faire du ski nautique, et de lui faire goûter la feijoada brésilienne de sa mère. Milo ne cessa pas de rire, incapable de dire quoi que ce soit, et elle ajouta « Mais, ok. Je relève le défi ! Tu paries ? » Milo la contempla avec un air un peu abasourdi, regardant la main qu’elle avait levé sans trop savoir quoi faire. « C’est pas du jeu ! Tu seras forcément plus belle que n’importe quelle brésilienne en bikini … Mais soit, il tapa dans sa main avec un air amusé, puis reprit , je parie rien que pour voir le spectacle, et tant pis si je suis ruiné. » Il fit semblant d’être embêté par ce compromis, même si au fond il se fichait bien de perdre le pari car il ne pensait pas qu’Apollinaria décidé subitement de mettre en jeu toutes les économies de Milo. Un silence s’installa durant quelques secondes, tandis que Milo repensait encore plus à son pays, nostalgique. Il se tourna finalement vers la jeune femme et lança « Ca me manque vraiment tout ça … » Il marqua une pause, puis plaisanta « Je parle pas seulement des brésiliennes en bikini, mais de tout le reste … Mon frère et ma sœur me manquent, ma mère, mes amis, ma maison et même mon ancien travail … » Ses yeux s’illuminèrent, et il ajouta, subitement beaucoup plus sérieux « J’étais pas malheureux là-bas, je roulais pas sur l’or mais au fond j’étais bien. Mais j’ai jamais pu faire d’études, et trouver un boulot était devenu presque impossible pour quelqu’un comme moi… J’ai toujours eu cette idée en tête, le rêve américain .. Je me disais qu’un jour j’irai et puis me voilà ! Je l’ai fait, je suis vraiment heureux de l’avoir fait et … maintenant ça fait six mois et … » Il marqua une pause, baissant les yeux vers le sol « C’est plus dur que je ne le pensais. J’économise depuis le début, car mon but premier et de faire venir ma famille à New York. Mais je crois que je vais un peu dévier de mon plan de départ, piocher dans ces économies rien que pour deux semaines là-bas. Je crois que j’en ai vraiment besoin. » Milo soupira longuement, puis glissa ses doigts entre ceux d’Apollinaria et serra sa main dans la sienne « Je ne vais pas pouvoir attendre trop longtemps alors si ce n’est pas le mois prochain ce sera dans deux mois … Et … Tu devrais venir avec moi. J’aimerais beaucoup que tu viennes avec moi. » Milo lui fit un large sourire, sans la quitter des yeux. Tout ses propos avaient été un peu spontanés mais après tout, il envisageait ce voyage depuis un moment déjà et il avait voulu saisir l’opportunité de pouvoir y aller avec elle. Il mourrait d’envie qu’elle découvre son pays, et d’un autre côté, il y avait aussi le fait qu’il n’était pas sûr de survivre deux semaines sans elle.