Austin n'était pas du genre à paniquer. Sérieux et plus ou moins responsable, il savait tempérer dans les situations de stress et parvenait à gérer les problèmes survenants sans trop de difficultés. C'était sans compter quand cela touchait Lua, évidemment. Il suffisait qu'elle s'écorche un genou en tombant sur le bitume pour qu'il s'inquiète et soit à deux doigts de l'emmener aux urgences. Le réflexe tout à fait normal d'un père célibataire me direz-vous, d'autant plus quand sa fille se montre être la prunelle de ses yeux, la personne pour qui il donnerait tout, jusqu'à sa propre vie. Mais ce soir, si Austin se voyait en train de dépasser les limitations de vitesse, le coeur battant les chamade et les mains moites à force de serrer trop fort le volant, ce n'était pas à cause de sa fille. Juliette l'avait imploré de venir la voir en concert ce soir là. Sans y opposer de résistance, il avait accepté et avait trouvé quelqu'un pour garder la petite afin de passer sa soirée tranquillement, sans se soucier de sa fille. Mais, alors qu'il se trouvait dans la foule, une bière en main, il était loin de se douter que tout tournerait au fiasco. Alors qu'il roulait en trombe sur la route menant au Lenox Hill, les images repassaient dans sa tête comme un leitmotiv : Juliette qui chantait et qui avait fini par tomber, se cognant violemment la tête, le sang qui avait commencé à perler au sol, la sécurité qui s'était empressé de la faire sortir de la scène. À cette vision, le sang du mécanicien n'avait fait qu'un tour et il s'était frayé un chemin parmi le public, se montrant fortement désagréable envers ceux qui ne lui cédaient pas immédiatement le passage. Il s'était introduit en coulisses, fuyant les vigiles qui le coursaient pour le faire sortir en lui hurlant que le passage était interdit à ceux qui n'y avaient pas le droit. Quand Austin avait fini par traverser le couloir pour sortir par la porte de secours, il avait juste eu le temps de voir l'ambulance fermer ses portes sur le corps inanimé de sa protégée avant de mettre les gaz et de quitter les lieux. Il avait donc courut à sa voiture et s'était engagé à son tour sur la route, stressé et sans faire attention aux panneaux indicateurs.

Heureusement pour lui, il parvint à l'hôpital sans causer d'accident et sans se faire poursuivre par une quelconque voiture de police. Se garant en quatrième vitesse, il quitta son automobile et sprinta jusqu'à l'entrée des urgences, se ruant à l'accueil pour se renseigner, à bout de souffle. « Je viens pour Juliette Stinson, elle vient d'être emmenée ici. Il faut que je la voie absolument. » Pas de bonsoir, ni rien. Il était bien trop paniqué à l'idée que sa petite protégée se retrouve dans les murs d'un hôpital. Déjà parce qu'il ne savait pas ce qu'il en était de son état, mais ensuite parce qu'il savait comment se comportait Juliette quand elle se retrouvait dans un hôpital. Il devait impérativement la trouver pour la prendre dans ses bras, lui assurer que rien ne pourrait lui arriver, qu'il restait près d'elle. Mais les secondes s'écoulaient trop lentement à son goût. L'infirmière de l'accueil le dévisagea et, sans mot dire, consulta son ordinateur avant de lui annoncer « Je suis navrée monsieur, elle a été emmenée en soins intensifs, vous ne pourrez pas la voir avant un petit moment. » Austin éclata d'un rire jaune et reprit immédiatement son sérieux, se montrant menaçant en fronçant les sourcils, s'agrippant au rebord du comptoir d'accueil. « Vous ne m'avez pas compris. Je dois la voir immédiatement. Et j'en ai rien à foutre qu'elle soit aux soins intensifs. Vous allez me donner le numéro de chambre ou je ne sais quoi tout de suite. » Exacerbée par le comportement du jeune homme, l'infirmière se leva et attrapa un téléphone pour appeler la sécurité. Austin manqua de le lui arracher, haussant le ton. « Bordel mais vous comprenez ce que je dis ? Elle a besoin de moi, il faut que je la voie tout de suite ! » Mais en guise de réponse, il eut le droit à un vigile qui l'attrapa par le bras, le fixant d'un air mauvais. « Je vous prierai d'aller vous calmer un moment dehors. » Sans avoir trop le choix, le jeune père jeta un regard noir à la femme avant de suivre le vigile jusqu'à l'extérieur.

Combien de temps avait-il passer à tourner en rond devant les portes coulissantes des urgences ? Il n'en savait rien, mais les minutes lui avaient semblé être une éternité. Il avait fumé comme un pompier, rallument un cigarette à peine la précédente éteinte, afin de canaliser son stress. Mais quand enfin on vint le trouver pour lui dire qu'il lui était possible d'aller voir Juliette, il se jeta à l'intérieur et suivit la personne qui devait l'accompagner jusqu'à la chambre. Son coeur battait la chamade dans sa cage thoracique, il imaginait déjà dans quel état il allait retrouvait la chanteuse. Physiquement, mais également émotionnellement parlant. Les couloirs parcourus lui parurent faire des kilomètres jusqu'à ce qu'il atteigne enfin la chambre. On lui indiqua qu'il ne fallait pas brusquer l'hospitalisée car elle semblait traverser un certain traumatisme. Austin leva les yeux au ciel. Quelle bande d'incapables. Bien sûr qu'elle était traumatisée, il l'avait su au moment même où il l'avait vue dans cette ambulance. Se retrouva enfin seul, il inspira un bon coup et toqua à la porte avant d'y entrer. Il la vit, allongée sur son lit, les yeux visiblement larmoyants, le teint pâle. Sans mot dire, il s'approcha doucement d'elle. « Jue ? » l'appela-t-il avec douceur, afin de ne pas la faire paniquer, espérant qu'elle allait bien.

Austin savait pertinemment qu'il avait une place privilégiée dans la vie de Juliette. Il était le seul homme en droit de l'approcher réellement, de la prendre contre lui, le seul qui connaissait son passé douloureux et ce qu'elle avait subi l'année de ses seize ans. Et c'était de ce fait là qu'il s'était auto-désigné comme étant le protecteur, le garde du corps officiel de la demoiselle. Il était hors de question que quelqu'un lui fasse du mal, sinon, le mécanicien n'allait pas se gêner pour démonter la figure de cette personne. Il avait été présent pour la blondinette plusieurs fois. Et ce soir encore, le voilà qui rappliquait pour l'aider, si ce n'est la sauver. À peine eut-il franchi la porte qu'il la vit dans un état d'affolement complet, genoux repliés et entourés par ses bras frêles, à se balancer d'avant en arrière en pleurant silencieusement. Elle tourna la tête vers lui, paniquée à l'idée que cela puisse un infirmier, alors Austin avança d'un pas pour la rassurer, l'appelant pour lui montrer que ce n'était que lui, qu'elle n'avait rien à craindre. Sa réaction fut immédiate : se redressant et lâchant ses jambes, elle le supplia, visiblement à bout. « J’t’en supplie fait moi sortir de là. J’peux pas rester Austin. J’peux pas… J’peux pas… j’peux pas … » Le père célibataire dût prendre sur lui pour ne pas immédiatement courir vers elle et la prendre dans ses bras. Conscient qu'elle était dans un état second, de stress, il ne fallait surtout pas qu'il la brusque, au risque de la blesser moralement. Alors il inspira longuement et s'avança doucement vers elle sans la lâcher du regard. « Eh, ça va aller, je suis là. » lui déclara-t-il avec douceur, pour la rassurer au mieux. Arrivé près du lit, il commença par s'asseoir à ses côtés et posa simplement sa main contre son bras, attendant une quelconque réaction. Elle sembla accepter son rapprochement, alors, avec délicatesse, il glissa sa main jusqu'à son épaule, puis dans son dos tout en s'approchant d'elle pour finir par la prendre avec délicatesse dans ses bras. Elle voulait sortir, mais il n'en n'avait pas l'autorisation. Il en aurait été capable, ce ne serait pas la première fois qu'il passe outre un règlement important. Mais dans cette situation, il s'inquiétait pour son état de santé. Après tout, la chute qu'elle avait faite et la collision qu'avait subit son crâne n'était pas rien. Il s'empressa d'ailleurs de lui demander des informations sur son état. « Comment tu te sens ? Ta tête, ça va ? » Comme il l'aurait fait avec sa fille lorsque celle-ci avait peur de quelque chose, il la serra délicatement contre lui, passant une de ses mains dans ses cheveux avec douceur. Il fallait qu'il arrive à la calmer, absolument, sinon elle n'accepterait jamais de rester, il le savait pertinemment.