« Vos constantes sont redevenues normales M. O’Brian ! » m’assurait le médecin avant de quitter ma chambre. L’hôpital ! J’avais l’impression depuis des mois de ne fréquenter plus que ce lieu maudit et encore une fois, je m’étais réveillé dans cette chambre blanche avec l’ironie mordante que ce n’était pas encore aujourd’hui que j’irais voir les anges. Je me souvenais que trop peu de ce qui s’était passé. Je marchais dans les rues de New York, la musique d’un poulain dans les oreilles quand trou noir ! A mon avis, je m’étais écroulé d’un coup. Pourtant, je le savais que je n’aurais pas dû sortir vues les migraines qui me poursuivaient depuis le levé. Seulement, j’en avais marre de perdre du temps à être allongé dans le noir de ma chambre. Merde, il ne me restait pas beaucoup de temps à vivre alors à quoi bon perdre du temps ? Mon corps n’était cependant pas d’accord d’où mon malaise. A nouveau seul dans ma chambre, je me pris à avoir peur. Comme d’habitude, ce sentiment venait quand je prenais conscience que cela aurait pu être ma dernière action sur terre. Une sorte d’urgence me prit et je fis mentalement la liste de tout ce que je voulais faire avant de mourir. Trouver un repreneur pour ma maison de production, m’assurer que Catherine ne manquerait de rien et qu’elle serait heureuse malgré tout dans la vie etc. Toutes sortes d’idées me passaient par l’esprit et j’essayais mollement de faire le tri. Dire que j’avais envie de faire plein de choses encore : saut en parachute, retourner en Irlande, me marier, avoir des enfants etc. Je n’en pouvais plus de cette attente. J’aurais tant aimé avoir un compte à rebours qui me dirait : il vous reste tant à vivre et non pas rester dans le flou. La porte de ma chambre s’ouvrit brusquement et une petite blonde entra. Aussitôt un sourire heureux vint flotter sur mes lèvres. April. Mon amie la plus proche sans nul doute. Après tout, après avoir été amants durant quelques semaines, nous avions construit une relation des plus fortes. Des fois, je regrettais qu’elle n’ait pas partagé mes sentiments. Tout aurait été plus simple : pas de mensonge, pas de cachotterie. « April.. » commençais-je avant d’être interrompu par mon amie. « Tu sais que je ne voulais pas t’inquiéter ma belle ? Allez viens là, fais moi un câlin ! » Lui demandais-je en l’attirant dans mes bras. Je devais la consoler, lui montrer que j’étais toujours là. C’était peut-être égoïste de ma part de l’avoir inscrit dans les personnes à prévenir en cas d’urgence mais je n’avais qu’elle. Tout en la serrant dans mes bras, je lui murmurais à l’oreille : « Je suis toujours en vie okay ? Alors ne sois pas inquiète, c’était juste un petit malaise de rien du tout. » Il fallait que je la rassure car je détestais voir cette tristesse au fond de son beau regard. Pire, je me faisais horreur d’en être le responsable. Toutefois, je devais reconnaître que ma voix manquait d’entrain car cette fois-ci, même moi, je m’étais fait une peur bleue. La peur de mourir arrivait-elle enfin ?

« Oui non ne me raconte pas d’histoire, si tu es ici c’est que ça ne va pas ! Tu crois que les gens qui bossent ici s’amusent à mettre des gens qui vont bien ? Je suis peut être blonde mais loin d’être bête ! » . Sur le coup, je ne pouvais que lui donner raison mais aussi ironique que cela pouvait paraître, je n’étais pas non plus à l’article de la mort. J’étais même assez en forme mise à part la fatigue liée au malaise. « Tu es même une ravissante blonde et je n’ai jamais dit que tu étais bête ma belle. Dis-moi, j’ai une tête de déterré pour que tu me crois pas quand je te dis que ça va bien ? » Lui demandais-je tout en lui faisant le coup des yeux de chiens battus à la SPA sans son jouet préféré. L’inquiéter n’était vraiment pas dans mes intentions premières et je voulais déjà revoir son sourire si charmant qui m’avait attiré dès notre première rencontre. Je me revoyais encore à l’époque, fier petit entrepreneur qui désirait monter l’entreprise de ses rêves à peine son diplôme d’économie en poche. Elle, elle était là, en parfaite femme de maison, le sourire poli mais déjà le regard mélancolique. Dès cet instant, j’ai su que je voulais la voir sourire et l’entendre rire alors lors de nos diverses rencontres, j’ai tout fait pour mettre à exécution mes promesses jusqu’au jour où j’ai rêvé d’être le seul bénéficiaire d’eux. Malheureusement, April ne m’avait jamais retourné mes sentiments et d’amour, ils étaient devenus amicaux. La transition n’a pas été des plus simples dans les premiers temps. Je la désirais avec autant de force que mon cœur se déchirait de cet amour à sens unique puis, j’avais fait la connaissance d’une autre femme et ainsi de suite jusqu’à oublier toute idée de romance entre nous. Aujourd’hui, Catherine était dans ma vie et dans mon cœur tout comme April mais cette dernière occupait la place de meilleure amie. Bien sûr, nous étions les seuls à savoir notre passé d’amants et nous préférions le garder entre nous pour ne pas salir nos instants de bonheur. « Encore heureux ! Tu aurais pu avoir un accident. Je ferais peut-être bien de mettre un autre nom dans les personnes à prévenir d’urgence sinon à jour, c’est toi qui sera à ma place dans ce lit et il est hors de question. Je tiens trop à ta petite frimousse pour subir ce spectacle. » Marmonnais-je en feignant la colère bien que j’étais de plus en plus fatigué à la fois par le traitement que je prenais mais aussi par la maladie. J’avais beau le cacher du mieux que je pouvais, j’étais de plus en plus faible et le masque était de plus en plus lourd à porter. Certains jours, quand le moral était au plus bas, je me surprenais même à penser que la mort serait bien douce de venir me prendre le plus vite possible. Toutefois, j’avais un caractère trop buté pour crever ainsi. Je voulais vivre le plus longtemps possible. April entre temps, semblait être passée en mode mère poule furieuse. Et je sentis un sourire bêtement heureux étirer mes lèvres. J’adorais cette femme, c’était définitif ! « J’ai juste eu un malaise en marchant dans Brooklyn. J’avais une migraine depuis ce matin mais je devais bosser sur le lancement d’un disque d’un de mes poulains alors je me suis forcé à me lever.. Résultat, me voilà coucher dans ce lit » lançais-je à la cantonade comme si c’était tout à fait banal de se retrouver dans un lit d’hôpital. « April, je suis mourant, il n’y a rien à faire et je te défends de me reparler de cette opération, on en a déjà discuté des centaines de fois. »

Je commençais à m’inquiéter pour April. Depuis que je lui avais appris pour ma tumeur, j’avais pensé que c’était acté. Elle s’y était faite mais je la sentais si fragile à cet instant précis, prête à être cassée en deux au moindre mouvement brusque et je me doutais que de me voir dans cet hôpital n’était la seule et unique raison. Doucement, comme pour ne pas l’effrayer, je glissais une main sous son menton pour le lui relever avec tendresse « D’accord, je te promets de t’expliquer ma belle mais par pitié fais-moi un petit sourire avant ok ? » lui demandais-je en lui souriant avec douceur. Je m’en voulais de l’avoir négligé ces derniers temps, trop obnubilé par la sortie du deuxième album de Liam. Je devais me faire pardonner tout comme je devais apprendre à lever le pied dans ma vie. Le médecin m’avait prévenu que mes excès d’alcool entre autre ne feraient que réduire mon espérance de vie. En soupirant, je pesais le pour et le contre. Si j’expliquais la raison de mon refus à April, comprendrait-elle que c’est la peur qui motive mes actions ? Comprendrait-elle le sacrifice qu’il m’en couterait ? Je n’avais malheureusement pas cette réponse mais en voyant son regard si triste, je cédais. Elle arrivait toujours à m’avoir avec cette expression. « Ne m’interrompt pas s’il te plait. Si je refuse de parler de cette opération, c’est que je refuse de donner de l’espoir aux gens. Depuis l’annonce pour ma tumeur, je me suis fait à l’idée de mourir. Je l’ai accepté avec fatalité. Bien sûr, il y a cette opération mais.. » Je n’arrivais pas à formuler mes pensées. Personne ne comprenait pourquoi je me gardais de faire cette opération. « Ecoute, il y a 90% de chance que j’en ressorte soit sourd, soit aveugle. Qu’est-ce que je ferais si je devenais sourd ? Qu’est-ce qu’il me restera ? Je ne veux pas être diminué April. J’ai une trouille monstre sans compter le prix de l’opération. J’ai le crédit de ma boîte sur le dos et les affaires ne sont pas suffisamment florissantes pour que je puisse faire de l’autofinancement et rembourser deux emprunts. »

Je soupirais tout en m’installant plus confortablement dans le lit. « En gros, j’ai le choix de vivre le temps qu’il me reste en pleine possession de mes moyens mais avec une date butoir ou vivre aussi longtemps que le reste de la population mais handicapé à vie. Beau choix que voilà » marmonnais-je dans un mouvement d’humeur. « Mais arrêtons de parler de ma personne, dis-moi. Qu’est-ce qui te rend si triste à part un sex-symbol cloué dans un lit d’hôpital ! » Tentais-je l’humour pour lui faire oublier cette désagréable conversation. Parler d’elle, de sa vie, revoir cette étincelle de joie au fond de son joli regard, voilà ce qui me motivait comme jamais.

« Flynn je… je ne sais pas quoi dire, pour une fois tu as réussi à me clouer le bec mais je comprends ton choix, je comprends maintenant même si c’est dur pour moi mais tu es sûr que tu as réfléchi ? Oui tu as réfléchi bien sûr, je sens bien que tu as réfléchi… » Débita-t-elle finissant sur une petite pointe d’humour. Je lui adressais un sourire aussi tendre que moqueur tout en prenant sa main dans la mienne pour lui dire : hey je suis là, ne t’inquiète pas. Néanmoins, je devais avouer que sa question me plongeait dans une certaine confusion. Avais-je réellement réfléchit à cette opération ou l’avais-je simplement rejeté en bloc à cause des risques et du manque de moyen. L’idée même de devenir aveugle ou sourd me terrifiait plus que tout mais d’autres connaissait ce handicap et ils vivaient parfaitement. Seulement, l’idée même de devoir arrêter mon métier qui est également ma passion me refroidissait. Callum aurait gagné sur toute la ligne mais à la limite, je ne pourrais même pas le voir quoi que, il serait bien capable de me faire un courrier recommandé rien que pour m’agacer et me prouver que je n’étais qu’un ingrat d’orphelin. C’est fou, ce type avait tout fait pour me prouver que je n’étais rien sans lui et encore aujourd’hui la présence de ce père atypique me faisait cruellement défaut. Ici, je n’avais aucune famille. Certes, j’avais des amis, un but pour me lever chaque matin mais ce père me manquait aussi étrange que cela puisse paraître. Peut-être pourrais-je lui envoyer une carte en disant : je suis mourant, tu veux bien me faire plaisir et me reconsidérer à nouveau comme ton fils ?! Pathétique. « Je.. » commençais-je avant d’abandonner. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs en lui disant clairement qu’elle avait semé le doute en moi mais je crois que mon regard parlait pour moi. A la place, j’orientais la conversation sur ses problèmes à elle. Il me restait peut-être quelques mois à vivre, une année toute au plus mais je comptais bien faire ce que j’avais toujours fait pour elle : veiller sur ses petites fesses. « April, puce, tu sais que tu m’embêteras jamais et que je sois sur un lit d’hôpital ou non, cela ne changera jamais. Si tu as des soucis, si tu te sens mal, je veux être là pour toi comme tu es là pour moi. Les meilleurs amis ne sont pas faits pour cela ? » Lui demandais-je avec un petit sourire avant de redevenir sérieux. Je la forçais gentiment à venir s’allonger tout contre moi, sa tête sur mon torse et mes bras autour d’elle comme un rempart à toute sa tristesse. Je remontais lentement ma main vers ses cheveux et commençais à les lui caresser pour l’apaiser. « Tu ne me dis pas tout. Qu’est-ce qu’il se passe pour que tu sois si triste ?! Tu sais, il serait peut-être temps que tu quittes Brad. Vous n’êtes pas heureux ni l’un ni l’autre et cette situation n’a que trop duré pour toi. Reprends ta liberté ma belle ! Je veux te voir heureuse. » lui conseillais-je tout en poursuivant mes caresses pour la détendre.

« Tu n’es pas sûre de gagner grand-chose ? Moi je pense au contraire, tu as tout à y gagner ma puce. Tu y gagneras ta liberté et sans nul doute ton propre bonheur. Tu as peur d’être seule mais je serais toujours là pour toi et puis, tu t’as toi. tentais-je de la convaincre avant de glisser deux doigts sous son menton pour lui forcer à relever la tête et glissais mon regard dans le sien. « Tu ne mérites pas de vivre dans cette union sans amour car au fond de toi, tu n’as pas appris à aimer ton mari mais simplement à vivre avec lui. Chérie, tu sais que tu vaux mieux que ça et Brad est un connard de ne pas se rendre compte de la chance qu’il a de pouvoir être auprès de toi. continuais-je avant de déposer un tendre baiser sur son front. Il y a quelques années, j’aurais tout donné pour qu’elle quitte son mari et qu’on soit plus que des amants. En réalité, je n’aurais eu aucun mal à tout sacrifier pour elle. Je me rappelle bien de tous ses rêves que j’avais faits sur la comète. Je nous voyais marié avec une petite fille blonde comme sa maman. Une mini April et pourquoi pas quelques années plus tard, un mini Flynn. Nous aurions été heureux ensemble et j’aurais tout fait pour elle mais son cœur ne m’appartenait pas et ne m’appartiendrait jamais. Je m’étais fait avec cette idée non sans souffrance puis au fil des années, cet amour s’était mué en une tendresse sans faille. Quand avais-je commencé à ne plus ressentir ce violent désir quand elle était dans mes bras ? Quand mon amour pour elle s’était changé petit à petit en cette amitié indestructible ? Je n’en avais aucune idée. Peut-être petit à petit. Les débuts avaient été désastreux pour moi. J’avais tant besoin de me perdre en elle, d’avoir cette illusion qu’elle m’appartenait. « Des choses se sont tellement enfuies en moi que d’en parler comme ça, ce n’est pas facile. J’aimerais pouvoir trouver quelqu’un qui m’aime sincèrement et pas pour ce que je suis… enfin si tu vois ce que je veux dire. Quand on a été ensemble, j’ai regretté à cette période-là d’être mariée à Brad parce que je sentais malgré tout qu’on pouvait être ensemble. Aujourd’hui on est les meilleurs amis du monde et j’aime cette amitié qui nous unit et je ne changerais ça pour rien au monde. Je n’ai jamais été véritablement heureuse. Je souris oui, j’ai l’air l’impression d’être heureuse mais en vérité non je ne le suis pas. J’ai peur Flynn… peur d’être seule ». me confia-t-elle. Ses mots firent un peu mal à ce Flynn qui restait éperdument amoureux de cette femme mais l’ami en moi, le protecteur resta plus fort. « Et puis ma rencontre avec William me fait penser à trop de chose, je cogite. Je me demande si je n’ai pas fait de mauvais choix étant plus jeune. Tu crois vraiment que je dois divorcer ? Que je dois quitter Brad » termina-t-elle alors que des larmes silencieux glissaient le long de ses joues. Alors, avec tendresse, je me penchais vers elle et déposait des baisers sur ses joues pour boire ses larmes avant de lui caresser la joue. « April, cet homme existe pour toi mais tu t’empêches de le voir car tu t’enchaînes à ce mariage malheureux. Brad ne sera jamais cet homme pour toi et tu mérites quelqu’un qui t’aimes et t’apporte tout l’amour dont tu as besoin mais tant que tu ne te libéreras pas, tu ne pourras pas accéder à ce bonheur. Si j’ai bien compris une chose avec ma maladie, c’est que la vie est trop courte pour s’enfermer dans la peur. Et puis, tu ne seras jamais seule, je serais toujours là » lui fis-je en pointant son cœur du doigt puis sa tempe. « Tant que tu me garderas-là et là, tu ne serais définitivement pas seule alors sèche moi ces larmes. Tu es cent fois plus belle quand tu me souris. »