Allongée sur le lit, la jeune femme fixait le plafond obscur de la chambre sans parvenir à fermer les yeux. En réalité, elle peinait sincèrement à dormir ces derniers jours et elle s’étonnait de la facilité avec laquelle elle parvenait à le cacher à son fiancé qui pourtant vivait désormais sous le même toit qu’elle. Elle l’enviait sincèrement. Dormir aussi paisiblement que le faisait Danjel était devenu un rêve pour la jeune femme qui passait les trois quarts de ses nuits à fixer le plafond à attendre que les heures défilent jusqu’à ce que le jour se lève et qu’elle soit obligée de prétendre être en train de dormir lorsque son petit ami échappait aux bras de Morphée. Depuis les crampes qui l’avaient gagné dans son ancien appartement, depuis qu’Enzo était venu l’aider et l’avait conduit à l’hôpital elle ne dormait quasiment plus. Apprendre que sa grossesse devenait un danger pour sa propre santé l’avait totalement anéanti même si la Guatémaltèque faisait tout son possible pour ne pas le montrer. Un placenta previa, tels étaient les mots scientifiques pour parler de son cas, du fait que le placenta était trop bas et que la jeune femme risquait une hémorragie à tout moment dans sa grossesse, une hémorragie qui pourrait autant lui faire perdre son bébé que la vie et pourtant, Sora refusait d’envisager l’avortement, quoi que ses proches puissent dire, quoi que Danjel puisse vouloir. Cet enfant, elle allait le mettre au monde quoi qu’il en coûte, son fils allait voir le jour et rien ni personne ne la ferait changer d’avis, pas même ces insomnies qui la gagnaient tous les soirs.

Les médecins lui avaient recommandé du repos, beaucoup de repos jusqu’à la naissance du bébé – puisque, clairement, elle comptait aller jusqu’à terme – et ce n’était pas en ne fermant pas les yeux de la nuit qu’elle allait se reposer mais même si la jeune femme le savait, il n’y avait malheureusement rien à faire. Les mains posées sur son ventre de plus en plus rebondi au fur et à mesure que les mois s’écoulaient, Sora passa sa langue sur ses lèvres afin de les humidifier tandis qu’elle sentait des larmes l’assaillirent. Elle s’était aussi forcée à ne pas pleurer, à rester forte même si elle avait peur, même si elle craignait de ne pas être là pour son enfant et d’abandonner Danjel alors que c’était la dernière chose qu’elle souhaitait, mais puisque ce dernier dormait à poings fermés à ses côtés, la Guatémaltèque se laissa aller à pleurer au cours de minutes qui lui parurent interminables et sans savoir par quel miracle, elle finit par s’effondrer dans un sommeil profond. Lorsque ses paupières se soulevèrent de nouveau, son regard vert alla se poser sur le radio-réveil posé sur sa table de chevet. Sept heures du matin. Un soupire s’échappa de ses narines et après un regard à son fiancé qui dormait toujours aussi paisiblement, la demoiselle quitta le lit et slaloma entre les cartons qui continuaient de traîner ici et là dans l’appartement pour gagner la salle de bain où elle se glissa sous le jet d’eau chaude pendant une bonne demi-heure, profitant de ce moment pour se réveiller une bonne fois pour toute et dissimuler les traces de fatigue. Une fois propre et sèche, elle refit un détour par sa chambre afin d’enfiler un pantalon slim noir et un haut bicolore gris à manches courtes et vertes avant de gagner la cuisine histoire d’avaler quelque chose.

Puis, lentement son esprit se mit à penser à différentes choses, à tout sauf aux complications de sa grossesse, comme à ses voisins par exemple, un couple que la jeune femme appréciait beaucoup – bien qu’elle ne les connaissait pas énormément – et qui malheureusement connaissait une mauvaise passade des suites d’un accident de voiture ayant fait beaucoup de tord à MacKenzie. Un énième soupire lui échappa tandis qu’elle finissait son jus d’orange pour ensuite poser le verre dans l’évier. Elle se devait d’aller faire un tour vers l’appartement non loin du sien, ne serait-ce que pour prendre des nouvelles aussi tôt qu’il soit, mais pour avoir perdu son mari pratiquement un an plus tôt, Sora se doutait qu’Alexandre devait sans doute être réveillé. Ainsi, un gilet sur le dos et ses clés en main, elle quitta l’appartement pour rejoindre la porte de celui des Riddles et elle appuya sur le bouton poussoir de la sonnette, attendant en silence qu’on vienne lui ouvrir et quelle ouverture ! Si la Guatémaltèque s’était attendue à voir un Alexandre épuisé ce ne fut pas le cas, elle fit face à un Alexandre uniquement vêtu d’une serviette, d’où la surprise qui se dessina sur son visage. « Sora ?! » Un sourire légèrement mal à l’aise prit place sur les lèvres de la demoiselle qui ne sut quoi dire. « Euh.. excuse moi de te recevoir si peu vêtu ! » L’une des mains de l’étudiante alla se perdre dans sa nuque qu’elle massa nerveusement sans se départir de son léger sourire avant de se racler la gorge. « Hm … oui, étant donné l’heure c’est plutôt à moi de m’excuser. » Parvint-elle finalement à déclarer avant de croiser les bras contre sa poitrine. « Je m’ennuyais un peu chez moi, alors je me suis dis que j’allais passer pour savoir si ça allait. » S’ennuyer … c’était peu dire, car si elle pouvait compter sur Danjel pour l’occuper, le Brésilien se devait de se rendre à l’université, laissant sa fiancée seule et à deux doigts de devenir folle à cause de l’enferment au point que rendre visite à ses voisins était le seul moyen de lui changer les idées sans trop la fatiguer.

Sora avait connu des situations cocasses par le passé, un grand nombre pour tout dire. Durant la période où la demoiselle avait été mannequin, cette même période où elle n'avait eu de cesse de toucher à la drogue, elle avait connu des situations pires que celle qu'elle affrontait actuellement et pourtant ces dernières lui semblaient appartenir à une toute autre vie. Elle était bien loin de la jeune femme débutante qui se perdait dans divers mélanges de drogues afin d'échapper à la dure réalité de la vie. Elle était loin de cette jeune fille insouciante qu'elle avait autrefois pu être et ce n'était pas plus mal ainsi car elle savait qu'elle ne serait plus de ce monde si elle avait continué sur la même voie. Sauvée la première fois par son défunt mari alors qu'elle faisait une overdose dans une ruelle new yorkaise, elle l'avait été une seconde fois par son actuel fiancé qui était désormais la personne la plus importante à ses yeux, l'homme qui lui avait fait redécouvrir l'amour, le père de l'enfant qu'elle portait désormais en elle. Alors, voir son voisin si peu vêtu l'avait fait sourire et l'avait certes gêné sur le coup, mais Sora avait réellement connu pire et elle ne tarda pas à être amusée de voir le visage d'Alexandre exprimer son malaise. Il était encore tôt et il était plutôt normal qu'il ne s'attende pas à recevoir de la visite, de quoi expliquer le fait qu'il n'ait pas pensé à s'habiller en ouvrant la porte et étant donné ce par quoi il passait, peut-être s'était-il aussi attendu à ce que ce soit en rapport avec sa femme, la Guatémaltèque ne pouvait pas réellement savoir mais elle ne le blâmait pas de l'accueillir ainsi.

« Entre, je t'en prie ! Ne reste pas dans le couloir.. Et tu ne me déranges pas du tout, ça fait du bien de voir quelqu'un d'extérieur. » La jeune femme lui adressa un petit sourire et s'empressa d'entrer dans l'appartement car si elle n'était plus tellement gênée que cela par le fait que seule une serviette recouvrait son corps, elle n'était pas certaine que leurs autres voisins pensent de la même manière qu'elle. « Ah et puis.. Je suis vraiment désolé de t'accueillir comme ça, enfin à moitié nu.. Je sors de la douche et, enfin, tu imagines bien que je suis seul ici.. » Ses iris verts se posèrent de nouveau en direction d'Alexandre et elle ne tarda pas à brasser l'air de sa main pour lui faire comprendre que ce n'était rien et un nouveau petit sourire naquit au coin des lèvres de la jeune. « Ce n'est rien, vraiment. Si ça peut t'aider à te sentir mieux, j'ai connu pire crois-moi. » Et même si cela aidait, Sora préférait éviter de rentrer dans les détails, elle préférait lui épargner toute la période sombre dont elle était peu fière ainsi que tous les évènements liés à cette dernière bien que certains étaient ce qui avait permis à la jeune femme et à son petit ami de se connaître. Une fois informée de sa petite disparation le temps de se vêtir, Sora alla prendre place sur l'ottomane du jeune homme en poussant malgré elle un soupire de bien-être. Plus sa grossesse avançait et plus la Guatémaltèque avait la sensation que ses chevilles allaient lâcher sous son poids et que son dos allait rendre l'âme si bien que rester debout devenait une véritable torture pour elle bien qu'elle ne s'en plaignait pas.

Voyant Alexandre réapparaître au coin de sa vision périphérique, Sora redressa la tête et la tourna en sa direction, lui adressant un nouveau petit sourire. « Excuse-moi encore, je suis un hôte pitoyable. Je te sers quelque chose à boire ? Un café, un thé, un jus de fruits ? » Une petite moue prit place sur le visage de la jeune femme qui prit le temps de réfléchir alors qu'elle savait pertinemment que la caféine lui était proscrite. « Je veux bien un jus de fruits, n'importe lequel ça m'ira parfaitement, merci. » A ses yeux, Alexandre était loin d'être un hôte pitoyable. Il avait tant à gérer ces derniers temps qu'elle se demandait où il puisait toute la force pour encore tenir debout et être capable d'accueillir si aimablement des gens chez lui de si bon matin car à sa place la jeune femme aurait probablement coupé les ponts avec tout le monde, ce qu'elle avait plus ou moins fait à la mort de son mari, mais elle avait pu compter sur Danjel. « Comment fais-tu pour tenir le coup ? » Termina-t-elle par demander malgré elle. Sora se redressa alors sur le canapé, le regard rivé dans la direction qu'Alexandre venait de prendre, haussant légèrement le ton pour qu'il puisse l'entendre. « Je ne sais pas si j'aurais été capable de tenir à ta place ... enfin je n'ai pas tenu à vrai dire, j'ai juste eu la chance d'avoir quelqu'un pour m'aider à remonter la pente. » Avoua-t-elle en baissant les yeux, se sentant toujours coupable de ce par quoi Danjel était passé à cause d'elle. Le pauvre avait dû assister impuissant à sa chute, il l'avait retrouvé dans le coma chez et avait bien pensé ne plus jamais la voir rouvrir les yeux ... elle préférait ne même pas imaginer ce que pouvait ressentir Alexandre tout au fond de lui.

la mienne est pas bien mieux