« Pourquoi je viens ? Tu n’as pas une petite idée ? Une toute petite hein. Allez, je vais t’aider, ça tient en trois mots : Sephora, maitresse, Calliopé » Une fois de plus, la blondinette joua l'imbécile. Elle prit ainsi un air étonné, suivi d'une mine réprobatrice « Tu as trompé Séphora ? Avec une fille qui s'appelle aussi Calliopé ? » Devant le visage mi-agacé-mi-amusé de Gab, Calliopé lui offrit un sourire attendrissant, sous entendu "je sais que tu sais que je mens, mais ça m'amuse". Cependant, elle savait aussi que ce petit jeu ne pourrait pas durer et que à un moment ou un autre, elle devrait assumer ses responsabilités et surtout ses bêtises. Et pour cause, Gab commençait déjà à lui servir un discours réprobateur. « Je ne suis pas là pour te gueuler dessus ou je ne sais quoi et encore moins pour te signifier que je ne veux plus de toi dans ma vie. Je t’apprécie et je sais que tu souhaitais juste atteindre Sephora mais elle est ma petite-amie à présent et surtout, elle attend nos bébés et je ne veux pas qu’elle mette sa vie ou la leur en danger par un excès de stress ou de contrariété. Je pense que tu es suffisamment intelligente pour ne pas rentrer dans ce genre de jeu non ? » La blondinette baissa les yeux. Gabriel avait raison sur ce point là, elle ne devait pas rentrer dans le jeu de cette Séphora de malheur. Elle valait bien mieux que ça. « Ecoute, je sais que c'était gamin, mais c'est la seule chose qui m'est venu sur le moment, j'ai pas réfléchi! Mais comprends moi bien, elle venait de m'envoyer à la figure sa grossesse et votre relation, ce que apparemment tu n'as pas été capable de faire. C'est vrai quoi, on est ami, on se connait depuis un bout de temps maintenant, j'aurai aimé apprendre ta futur paternité et ton nouveau couple par toi plutôt que par elle. » Calliopé avait été pour tout dire assez vexée que Gab ne l'est pas mise au courant de sa nouvelle situation. Elle détestait Séphora, certes, mais si Gabriel le lui en avait parlé, lui expliquant les raisons de son choix (parce qu'aux yeux de Calli, elle ne voyait pas du tout pourquoi Gabriel était amoureux de cette nana), elle aurait peut-être mieux accepté et surtout elle n'aurait surement pas inventé cette histoire de liaison. Elle avait surement fait du mal à Séphora et causé une dispute dans son couple, et pourtant ce n'était pas son but. Bon c'est vrai, quand elle avait inventé toute cette histoire, elle jubilait intérieurement, parce qu'elle voyait Séphora bouilloner. Mais elle ne voulait pas qu'il arrive quelque chose aux bébés, parce que c'était aussi ceux de Gabriel et elle savait que cela lui ferait du mal. De plus, il tenait visiblement assez à Séphora pour ne pas la perdre. « Ecoute, je suis ... » Elle allait présenter ses excuses platement, chose qu'elle ne faisait jamais. Pour Calliopé, s'excuser revenait à montrer un signe de faiblesse, et pourtant elle était prête à le faire pour Gabriel. S'excuser auprès de Séphora ? Ca par contre, il n'en était pas question. Cependant, Calliiopé n'eut même pas le temps d'exprimer ses regrets, puisque le jeune homme lui coupa la parole, lui parlant d'un projet professionnel. Calliopé afficha ainsi un grand sourire, alors que Gab avait à peine fini de parler. Elle adorait son métier, et ce même si elle n'était qu'une petite journaliste de pacotille. Le jeune homme, lui, était reconnu dans le métier, et la blondinette n'allait pas cracher sur une opportunité comme celle là. De plus, cela lui permettrait de se faire un peu pardonner pour sa faute. Se saisissant à son tour d'une bière, elle regarda son ami avec considération « Je suis toute ouïe ... »

Calliopé se saisit du décapsulant pour ouvrir sa Kronenbourg. Elle n'était pas une buveuse de bière à proprement parlé : elle en achetait uniquement pour ses invités. Elle était donc physiquement incapable de la décapsuler à la simple aide de sa main, comme Gab l'avait fait quelques minutes avant. Celui-ci retint d'ailleurs son rire quand Calliopé sortir l'engin. Si sa maladresse pouvait détendre l'atmosphère, ce n'était pas plus mal. Elle sentait en effet comme une sorte de malaise dans la pièce.

Cependant, la proposition de travail de Gabriel détendit immédiatement l’atmosphère et rassura Calliopé. Si le jeune homme lui proposait de partir en périple avec lui, cela voudrait évidemment dire qu'il ne lui en voulait pas, ou du moins plus. Cette proposition tombait à pic pour la blondinette, qui désirait plus que tout lancer sa carrière à l'international. En plus, elle avait plaqué l'Espagne et ses parents pour leurs conformismes et leurs côtés matérialistes. Partir en Afghanistan semblait être une bonne occasion pour concrétiser son désir d'indépendance. Si elle vivait toujours avec ses parents, ceux-ci n'auraient surement jamais accepté. C'était donc un moyen parfait de s'émanciper d'eux définitivement. En plus, cela boosterait sans aucun doute sa carrière, lui ferait découvrir le métier sur le terrain, et la pousserait au bout de ses limites. Elle devrait vivre modestement, ce à quoi elle était habituée. Bon, là, elle vivait dans l'Upper East side, mais avant ça, elle avait vécu dans un petit studio ridicule à Brooklyn, ainsi cela ne changerait pas beaucoup. A son retour, les gens au Times cesseraient peut-être de la mépriser sous prétexte qu'elle n"était qu'une stagiaire. Effectuer un voyage dans le Proche Orient avec Gabriel London, reporter reconnu, c'est sur que cela ferait bon effet sur son curriculum. Elle écouta ainsi attentivement ses arguments, même si elle savait au fond d'elle que la réponse était déjà positive. Elle allait dire oui; en vérité elle serait bien bête si elle refusait.

Néanmoins, une question ne cessait de titiller Calliopé. Elle détestait Séphora, certes, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer sa réaction en sachant que le père de ses enfants partait dans un pays si dangereux que l'Afghanistan, avec qui plus est la fille qu'elle haïssait le plus au monde. En temps normal, Calli aurait été réjouie de faire rager Sephora, mais cette fois il y avait des enfants en jeu, et elle-même avait grandi plus ou moins sans son père. Elle ne voulait pas que les enfants de Gabriel souffrent de ce voyage ... et s'il arrivait quelque chose durant cette excursion ?
" Séphora est d'accord pour que tu partes si loin? " fut ainsi tout ce qu'elle arriva à dire.

Calliopé n'était pas le genre de personne à avoir des scrupules. En général, elle se moquait de ce qu'autrui pouvait ressentir. Enfin, quand elle n'aimait pas autrui. Elle n'appréciait pas particulièrement Séphora - en vérité elle la détestait. Mais pour autant, elle n'était pas une briseuse de ménage ou de famille. Partir en excursion en Afghanistan risquait bel et bien de la rapprocher de Gabriel. Et on ne sait jamais ce qui pouvait arriver ... si ils se faisaient enlevé et restaient là bas pendant des mois ? Sephora devrait alors élever les gamins seule- une perspective qui étrangement ne réjouissait pas du tout Calli. Gabriel était un homme intègre qui méritait parfaitement une vie rangée avec ses enfants et sa compagne, surtout après ce qu'il lui était arrivé lors de précédentes excursions. Elle appréciait Gabriel et voulait le voir heureux ...

Cependant, comme Gabriel l'avait précisé, le travail était le travail et n'avait rien à voir avec la vie privée. Si le jeune homme prenait l'initiative de partir si loin, pendant si longtemps, dans des circonstances si dangereuses, alors qu'il allait devenir père, c'est qu'il avait surement pesé le pour et le contre et envisagé toutes les possibilités. Il partait de son plein-gré, et Calliopé ne l'avait même pas influencé. Pour preuve, elle venait de l'apprendre et elle ne savait même pas qu'il envisageait d'y aller avec elle. La blondinette était prête à affronter de nouvelles choses, et à se défier elle-même. Porter le voile n'était en soi pas une contrainte, elle avait toujours été passionnée par la culture arabo-musulmane et avait même, en Espagne, visité des mosquées. Certes, l'Afghanistan était un pays dominé par des islamiques terroristes où l'islam de base était bafoué au profit d'un islam radical. Pour autant, Calliopé se sentait prête à affronter la situation. Elle savait que c'était très dangereux, qu'elle risquait même sa vie, qu'elle pouvait se faire violée, enlevée ou même tuée. Mais elle savait qu'aux côtés de Gabriel, reporter expérimenté, le risque était moindre. Ainsi, elle esquissa un sourire. « Je te remercie vraiment d'avoir pensé à moi ... j'en rêve depuis toujours. Je sais que c'est dangereux et assez risqué, mais ... je veux bien tenter l'expérience. A condition que tu briefes Séphora avant, cependant. Je ne veux pas de crise de jalousie de sa part. » Calliiopé but une gorgée de sa bière, tout en pensant à son futur voyage avec Gabriel. Enfin, elle allait sur le terrain.