Techniquement parlant, Gabriella aurait dû rentrer en fanfare dans la grande maison bordant le ranch appartenant à ses parents, hurler qu’elle avait une grande nouvelle à annoncer à Antonio et profiter d’une soirée de détente bien méritée après avoir habilement négocié son embauche dans un cabinet vétérinaire tenu par un couple de deux vétos… mais cela faisait trente secondes qu’elle était sur le perron, à regarder discrètement par la fenêtre, incapable de bouger. Un seul nom lui venait à l’esprit bien évidemment : Kristian. Le prince de Suède avait eut le culot suprême de débarquer dans son refuge, puisque son ranch faisait bien office de cela, pour on ne sait quel prétexte fumeux alors qu’il avait fuit au beau milieu de leur mariage, sans un regard, une hésitation, une explication, rien. Autant dire que le cœur de la jolie espagnole se mit à battre à cent à l’heure avant qu’elle ne se reprenne, ne tourne les talons et, tandis qu’Antonio venait juste de l’apercevoir, elle pénétra à l’intérieur des écuries pour en ressortir sur le dos d’un cheval, galopant et sautant les obstacles avec une habileté proprement impressionnante. « Votre majesté !! » avait crié l’ancien valet de chambre après être sorti de la maison mais déjà, Gabriella s’éloignait à grand galop vers des cieux plus cléments. « Vraiment, à force de monter sans scelle, elle va finir par se rompre le coup ! En tout cas que son altesse lui pardonne, elle va sûrement revenir dans quelques temps et je pense que vous avez tout intérêt à l’attendre. Vous êtes le bienvenu ici et je peux même vous cuisinez un en-cas… » Antonio, particulièrement fier du côté accueillant et familial de ses origines espagnoles, s’occupa de distraire le prince de Suède jusqu’à ce que ses vieux os ne le pousse à aller se coucher dans la dépendance, lui offrant une intimité et un calme bien mérité. Somme toute, Gabriella ne rentra effectivement que de longues heures plus tard, vers les trois heures du matin, les cheveux hirsutes, la chemise légèrement déchirée par endroit à cause des branches qu’elle avait rencontrées dans sa course folle. La princesse n’alluma aucune lumière, se rendant au radar vers la cuisine ou elle commença à manger un morceau de gâteau fait maison à la cuillère. « Adieu enfer, bienvenue paradis ! Ralala que c’est bon, quasiment jouissif même… » murmura-t-elle en refermant la porte et en continuant sa dégustation, laissant échapper des « huuuummm » significatifs à plusieurs reprises avant de ne finir par apercevoir une silhouette qu’elle aurait pu reconnaître entre mille dans le noir, et qui la poussa à allumer aussitôt la lumière à proximité. « Je suis occupée, je n’ai pas le temps et encore moins l’envie de parler… pourquoi tu m’as attendue d’abord ? Non, en fait ne réponds pas, je ne veux rien savoir, contente-toi de partir et les poules seront très bien gardées, ton altesse ! »

De toutes les têtes couronnées de la cour d’Espagne, Gabriella était probablement la plus rancunière et la plus féroce quand elle s’y mettait. Pourtant, avant que Kristian ne l’abandonne lâchement à son triste sort, dans cette robe de mariée avec laquelle elle avait fait un véritable feu de camp le jour suivant, la jolie espagnole avait été douce, compréhensive, et même toujours particulièrement attentionnée à l’égard du prince de Suède. Hélas, il lui avait ôté toute envie à partir du moment où il l’avait jetée comme un vêtement usagé et fait soigneusement en sorte qu’elle ne puisse pas s’en relever. Certes, il ne semblait toujours pas avoir compris les véritables sentiments l’habitant et sans doute était-ce le plus douloureux dans l’histoire… mais elle n’était dans tous les cas pas disposée à lui faire de fleur ou même à faire preuve de la plus petite douceur possible. Il ne méritait rien d’autre que son dédain, lui qui l’avait si longtemps endormie avec ses belles paroles… « Discuter ? Ah parce que maintenant tu veux discuter ? Première nouvelle, ravie même que d’avoir un tantinet d’importance à tes yeux ! Il ne me semble pas que tu aies été très loquace pourtant ce jour là, et dieu sait qu’il aurait mieux valut que tu le sois. Vois-tu, je n’ai pas de temps à t’accorder ou alors… allez, je vais être extrêmement généreuse et t’accorder cinq minutes, mais pas davantage. D’une parce que j’ai toujours un gâteau sur le feu et de deux parce que je suis fatiguée. » Fatiguée physiquement mais aussi d’avoir sans arrêt l’image de Kristian lui revenant en tête. Gabriella rêvait de ne plus jamais y penser, d’être même amnésique de tout ce qu’ils avaient vécu ensemble et de ce qui l’avait fait l’aimer. Mais hélas, même sa mémoire semblait vouloir jouer contre elle. « Et bien, je t’écoute ! » Cela sentait la discussion fétide à plein nez...

Et bien s’il était satisfait de ces fameuses cinq minutes alors parfait, cela lui éviterait d’avoir à le chasser de chez elle à grands coups de pompe dans son séant royal ! D’ailleurs, note à elle-même, interdire à Antonio de lui ouvrir la porte la prochaine fois. Hors de question que Gabriella n’ait à subir ce genre de situation une seconde fois car de toute évidence, les deux « tourtereaux » se trouvaient dans une impasse. Kristian avait attendu deux mois avant de venir la trouver, la laissant bien soigneusement être massacrée par la presse mondiale qui faisait toujours des choux gras de son abandon même ces derniers jours, et il demandait son pardon ? Il la connaissait suffisamment pourtant pour savoir qu’elle n’était pas du genre à faire preuve de pitié et qu’une fois son estime perdue, il y avait peu de chance de la retrouver un jour… à moins d’un miracle mais la jolie espagnole ne croyait plus à ce genre de choses depuis son enfance. Le protocole en avait eu raison, il faut croire ! « Non effectivement je n’ai pas lu ta lettre mais quand bien même, ça n’aurait pas plus servi tes intérêts… tu sais très bien que je vomis la lâcheté surtout chez un homme » répliqua-t-elle avec un ton avoisinant les moins cent degrés. « Mais tu veux savoir une bonne chose ? Je te trouve extrêmement gonflé de venir dans mon dernier refuge deux mois plus tard en demandant mon pardon tout en précisant bien soigneusement que pour les explications, je peux toujours me brosser ! Tu vois, rien que ça, c’est rédhibitoire. D’autant que tu as été manifestement bien occupé à faire je ne sais pas quoi – et je te rassure tout de suite, je m’en cogne – pendant que je me réfugiais ici à essayer aussi fortement que possible de me couper de toute la presse qui bave encore sur mon dos même huit semaines plus tard ! Mes félicitations, tu as définitivement le beau rôle et si je n’avais pas déjà les mains prises et que je possédais du temps à perdre, j’applaudirais. T’es bien un mec va ! »

Plus Kristian s’exprimait, et plus l’envie de lui tartiner le visage avec son gâteau par pur esprit de vengeance devenait fort. Et encore, ladite punition lui paraissait bien trop douce par rapport à tout ce dont il était pleinement responsable, notamment le fait qu’elle ait clairement du mal à se lancer dans une nouvelle relation et, pire, qu’elle soit incapable de se laisser toucher en dehors d’une simple poignée de main. En théorie on ne prenait pas une princesse de sa trempe dans les bras ainsi, en toute impunité, mais Gabriella souffrait de ne plus être capable de recevoir ou même de donner le moins petit câlin en règle… « Ouais, ouais… tu en souffres mais en attendant, tu es prêt à prendre soigneusement la poudre d’escampette à nouveau ! » grogna-t-elle avant de ne poser son assiette sur le premier plan de travail libre qu’elle trouva à sa proximité pour mieux le rattraper par le bras et le placer dos au mur d’un geste vif et précis. C’était trop facile, une fois encore il gardait le beau rôle ! « Décidément je vais finir par croire que tu es doué pour fuir, mon cher Kristian… donc en gros, si je te suis bien, tu me lâches tes excuses, tu feins d’être un parfait repenti et point barre, tu t’en vas ? Décidément, c’est bien facile pour toi… tu ne m’ôteras pas de l’idée que tu ne mérites ni facilité ni pardon alors non, je ne te l’accorde pas, et tant que je n’aurais aucune raison objective pour revenir sur ma décision je camperai sur mes positions ! Alors oui, tu souffres peut-être… c’est probable. Mais ça ne me console absolument pas et ça ne me fait pas plus aimer ce que tu as fais de moi. Je déteste autant ce que je suis devenue que ce tu as osé me faire ! Merde Kristian ! Si tu ne voulais pas de moi il fallait me le dire, ça m’aurait évité cet exil, de rester loin de ma famille, loin de tout ! Bah… je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça. Après tout va-t-en, tu as certainement des tas de choses plus palpitantes à faire dans ta nouvelle vie ! Je ne te reconduis pas à la porte, tu sais où elle est ! » Gabriella relâcha son étreinte et lui tourna le dos pour placer ses deux mains contre le plan de travail, fermant les yeux pour calmer les battements effrénés de son cœur. Même pleurer, elle n’en n’était plus capable.

Et merde, Kristian venait de serrer sa taille et Gabriella était incapable de bouger, ne serait-ce que pour le repousser. La jolie espagnole était donc contrainte de l’écouter, à son corps défendant, même si une partie de son cœur était à nouveau brisée par ses mots. Durant tout son discours, Gabriella demeura littéralement en apnée, attendant qu’il n’ait la bonne idée de s’écarter de lui-même puisqu’elle ne faisait ni geste pour l’encourager, ni geste pour le décourager. « Je veux que tu t’en ailles Kristian » furent les seules paroles qu’énonça la demoiselle avant de ne quitter la cuisine pour monter dans sa chambre recta sans un mot supplémentaire ni même une attention. Il fallait qu’elle réfléchisse, qu’elle se calme, sans quoi jamais elle ne serait capable de réfléchir avec discernement. A vrai dire, elle ne sut pas quand ni comment il avait quitté la maison vu qu’elle s’était emmitouflée littéralement dans ses couvertures et tout ce dont elle prit conscience, ce fut le réveil en fanfare d’Antonio, qui l’extirpa sans vraiment de douceur de son lit alors qu’elle n’était endormie que depuis une heure, avant de la conduire au salon où elle entendit Kristian faire des excuses publiques lors d’une conférence de presse. « Antonio vous savez où il vit ? » Gabriella pâlit face à la vérité mais elle partit illico presto sous la douche, s’habilla et se rendit chez Ashley où manifestement Kristian avait trouvé refuge. Par chance, ce ne fut pas lui qui ouvrit la porte mais un domestique qui la conduisit directement à la chambre occupée par le jeune homme. « Tu n’es qu’un crétin Kristian, et maintenant c’est de notoriété publique… tu peux me dire ce que tu avais besoin de faire le zouave devant la presse ? Ils avaient déjà une cible, pas la peine de leur en offrir une deuxième, surtout que moi j’encaisse, je suis une grande fille. D’autant que ce n’est pas ma faute si tu n’as strictement rien compris au film… »

Mais il avait bouffé du lion ce matin ma parole ?! Gabriella ne put décemment retenir ce petit haussement de sourcils surpris et empli de défi, survenu comme un véritable réflexe alors qu’il pensait que cela la défrisait. Certes, ses paroles n’étaient pas les plus aimables du monde mais son ton était bien moins froid que lors de leur précédente discussion la veille… c’était un effort considérable à noter, non ? « Oh non ça ne me « défrise » pas comme tu dis si agréablement mais peut-être ai-je eu tort de penser que c’était une connerie que de te faire lyncher publiquement ? Si tu es masochiste fais-toi plaisir, après tout ce n’est pas comme si ça me concernait encore ! » répliqua-t-elle de façon non pas froide mais mauvaise car elle ne supportait pas d’être défiée et encore moins lorsqu’elle n’avait pas fait preuve de méchanceté. Malgré toute la rancœur qu’elle pouvait bien lui portait, il restait un petit rien d’élan protecteur qu’elle gardait envers et contre tout et qui ne la fit soupirer que de plus belle. Hélas, comme elle aurait dû s’y attendre, Kristian posa LA question fatidique à laquelle elle ne s’était pas réellement préparée avant de venir et fatalement, elle émit une petite moue avant de ne hausser les épaules. Hors de question que de faire preuve de la même lâcheté que le prince suédois avant aujourd’hui… « Je ne suis pas douée pour démontrer ce genre de choses et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé pendant notre mariage. Il faut croire que je ne suis définitivement pas faite pour apporter des preuves de ce genre de choses et que tu es bien aveugle dans ton genre ! Il n’y en a décidément pas l’un pour relever l’autre… bref. Tu n’es pas seulement parti Kristian. Tu m’as arraché une partie de moi, tu l’as volée et se faisant tu as fait en sorte que je ne puisse surtout pas m’en relever. A mon tour si je pouvais remonter le temps je te forcerais à me rendre mon cœur. Je voudrais que tu me le rendes de toutes mes forces parce que ça n’a servi à rien de te le confier, tu n’en voulais pas. Tu n’en n’as jamais voulu et tu me l’as très bien fait comprendre. »

D’accord, Gabriella n’était pas la plus extravertie des damoiselles dès qu’il s’agissait d’amour mais elle avait néanmoins tout tenté pour que Kristian ne se rende compte de ses sentiments pour lui… rien à faire. Il était resté sourd, aveugle, complètement en retrait malgré toutes ses tentatives, c’en était désespérant. Le fait qu’il ne se redresse et ne lui avoue n’avoir été au courant de rien jusqu’ici ne la rassurait pas mais plutôt que d’avoir le bêlement plus amer que d’habitude, la jolie espagnole avait pris le parti de respirer profondément pour calmer les battements effrénés de son cœur… « Et bien maintenant tu ne l’ignores plus » fit-elle non sans esquisser une petite moue, preuve qu’elle était au comble du malaise. Mais ce fut pire face à ses dernières paroles, qui lui arrachèrent non seulement une expression de surprise plutôt vive mais aussi la sensation que son cœur n’avait de cesse de se serrer, jusqu’à saigner littéralement. « Ca me fait une belle jambe que tu comprennes, parce qu’en fait non, tu ne peux pas du tout comprendre, j’en doute fortement » répliqua-t-elle avec un ton particulièrement mauvais alors que ses sourcils se fronçaient d’eux-mêmes tandis que de longues larmes s’écoulaient le long de ses joues. Merde, il allait rester soigneusement allongé ? En fait, il était plus lâche encore qu’elle n’avait pu le croire auparavant. « Je vois… peut-être que ça t’arrangerait bien, hein ? Le pauvre petit prince de Suède martyrisé par son ancienne meilleure amie et qui a l’impression d’avoir vécu le bagne tout ça parce qu’elle lui a avoué à demi-mot ses sentiments… sérieux c’est plutôt maintenant que tu devrais aller voir les journalistes, tu ferais les gros titres et les tabloïds en feraient un festin ! En tout cas merci pour cette chute vertigineuse, au moins je sais très bien à quoi m’en tenir. Toujours suivre son premier instinct, comme quoi. » Gabriella soupira et effaça toute trace de larmes de son propre chef, sans pour autant pouvoir bouger. Cette fois-ci, c’était elle qui avait fortement envie de fuir à cause de la douche froide qu’elle venait de se prendre en pleine figure.

« Effectivement je n’en sais rien mais la faute à qui ? » Gabriella ne parvenait pas à être moins amère finalement, c’était impossible. A sa décharge, Kristian ne l’aidait pas beaucoup et ne lui donnait même aucune réponse depuis qu’ils s’étaient revus. Il avait toujours de bonnes excuses manifestement mais tant qu’elle n’en connaîtrait pas la teneur, la jolie espagnole aurait beaucoup de mal à agir avec moins de dureté ou même à faire preuve de la plus petite douceur à l’égard du prince de Suède. Comment pourrait-il en être autrement ? A sa façon, il la repoussait après tout… cela ne lui faisait aucun bien et Gabriella avait même la détestable impression d’être maintenue inlassablement la tête sous l’eau ; c’était épuisant à la longue, car malgré tout ce que l’on pouvait penser, elle avait bien plus de cœur que bien d’autres têtes couronnées de son âge. « Ah oui, et mes sentiments font quoi, alors ? Éclaire-moi si tu es si malin mais non, depuis que j’ai recroisé ta route, tu te terres dans un silence dont j’ai envie de t’extirper à coups de pied de biche !! Tu dois avoir quinze mille bonnes raisons mais en attendant, je n’en n’entends pas une arriver à mes oreilles alors excuse-moi d’émettre des doutes et de te jeter la pierre parce que merde, ce n’est pas toi qui a été abandonné d’une part, même s’il n’est plus uniquement question de ça, et ce n’est pas toi qui te fais repousser. Tu ne sais pas ce que c’est, tu n’as jamais été amoureux ou alors ça voudrait dire que tu m’as caché un important pan de ta vie et je préfère ne pas croire qu’en plus de tout ça tu m’as fait des cachotteries. » Gabriella était devenue moins brutale dans la fin de ses propos tout simplement parce qu’elle était épuisée elle-même pas sa nuit d’une seule heure de sommeil et parce que toute cette histoire lui tapait purement et simplement sur le système. « Tu veux dire que… tu es vierge ?! C’est très louable de ta part et très romanesque même mais en l’occurrence celle que tu vas épouser ce ne sera pas moi alors je ne vois pas pourquoi tu m’avoues ça. » Après tout, il n’avait pas voulu de ce mariage, pas vrai ?

Autant dire que Gabriella était prête à rétorquer quelque chose face au fait qu’il ne se marierait pas, comme le fait qu’il avait fait ce choix tout seul comme un grand sans lui demander son avis une seconde, mais il lui coupa l’herbe sous le pied en se laissant choir sur son lit pour mieux lâcher le véritable boulet de canon que la jolie espagnole mis un moment avant d’encaisser. Il lui fallut s’adosser au mur quelques secondes, baissant légèrement la tête histoire de respirer avec plus de facilité, sans pour autant que la donne soit gagnée d’avance car elle avait l’impression de s’être pris un véritable poing dans le ventre. « On s’en cogne de mes sentiments, même si tu ne le savais pas j’étais ta meilleure amie et plutôt que de te barrer tu aurais dû venir me trouver c’est tout ! » vociféra-t-elle, incapable de dominer la rage qui lui sciait littéralement les entrailles tant elle avait la désagréable sensation qu’on lui avait volé de précieux mois de sa vie mais que c’était bien pire pour Kristian. « Écoute. C’est vrai que je ne peux pas comprendre ce que tu vis et que je ne suis probablement d’aucun secours mais puisque tu m’as envoyé dans les gencives qu’avant je te faisais confiance, alors tu aurais dû te souvenir que l’inverse était vrai et que tu pouvais me faire confiance. Je ne sais pas comment mais je t’aurais aidé. Je ne suis pas la personne la plus facile d’abord et oui, j’ai un tempérament d’espagnol pur et dur mais il n’empêche que je t’aurais écouté. Ne serait-ce que ça. Mais là en l’occurrence je pense que tu penses de coups de pieds dans ton royal séant si je peux me permettre. » Gabriella prit une grande inspiration avant de ne s’adosser péniblement au mur, se sentant vidée de toute volonté dans un premier temps. « Alors quoi, tu vas jouer au héros jusqu’à ce qu’il ne te reste plus une once d’énergie ou de volonté, c’est ça le programme ? Pourquoi me dire tout ça maintenant si tu es si persuadé que je ne te servirais à rien en étant à côté de toi ? »

Cela ne faisait aucunement plaisir à entendre mais Gabriella avait peut-être besoin de se remontage de pendule en bonne et due forme. Oh elle conserva un visage fermé durant tout son discours car contrairement à ce qu’il pensait, elle ne pensait pas qu’à elle. La jolie espagnole ne savait simplement pas comment réagir autrement, ou lui demander plus explicitement ce qu’il attendait d’elle. S’il voulait qu’elle s’en aille, alors très bien, elle respecterait sa décision. Cela lui déchirerait plus encore le cœur mais elle le ferait par souvenir de leur amitié en oubliant complètement ses sentiments. Ce n’était pas son but que de l’étouffer avec, après tout… mais puisqu’il semblait décidé à péter une durite tout seul dans son coin, Gabriella fit preuve de plus d’audace encore en se dirigeant vers lui, prenant son visage en coupe pour mieux s’emparer de ses lèvres de façon presque désespérée. S’il ne voulait pas comprendre le langage verbal, peut-être cernerait-il mieux le langage du corps ? Oh bien sûr, elle s’écarta rapidement, ne lui laissant pas le temps de la repousser, puisque son but était avant toute chose de calmer la colère qu’elle semblait s’insuffler en lui tel un vent de malédiction. « Je ne sais pas ce que tu vis et ce que tu ressens et ça me dézingue parce que justement, j’aimerais bien prendre tout ça et t’en débarrasser. Comme avant… si je me souviens bien, je suis toujours venue t’éponger le front quand tu étais malade, quitte à me choper tes microbes par la suite, je m’en foutais. Mais jusqu’à preuve du contraire tu t’obliges à être tout seul. Si tu m’en avais parlé, je ne dis pas que j’aurais réagis de la meilleure des façons mais j’aurais annulé moi-même le mariage, je t’aurais dit vient on se casse à l’autre bout de la planète et on s’en fout de ce que les autres diront. Voilà comment moi j’aurais réagit… on se serait peut-être mis à dos des centaines de personnes à commencer par nos familles respectives mais on n’aurait pas été seuls, ni toi ni moi. » Gabriella s’écarta de quelques pas, sans le lâcher des yeux pour autant, avant de soupirer doucement. « Je ne suis pas un modèle et ce n’est pas à moi de te dire ce que tu dois faire. Tout ce que je sais, c’est que si tu veux que je me barre, tu as un mot à dire et je disparais de ta vue. »

Il lui avait rendu son baiser. Gabriella ne savait pas réellement quoi faire de cette maudite information mais il n’empêche que Kristian le lui avait rendu, allant jusqu’à placer ses mains contre ses hanches pour la maintenir un instant à son contact. Ce ne fut guère mieux lorsqu’il se mit à la serrer dans ses bras, enfouissant d’un même temps son visage contre son cou, la faisant frissonner au plus petit contact de sa délicieuse respiration contre sa peau. Il respirait… il était donc en vie et cette vérité lui arracha une expression émue, elle dont le visage tantôt fermé tantôt extrêmement ouvert avait toujours fait la une des journaux people du monde entier. « Je n’ai pas envie de partir, je n’en n’ai jamais eu envie mais vas-tu éviter de me repousser cette fois ? Je suis une emmerdeuse finie alors oui, je resterai jusqu’à ce que tu me vires… tu sais très bien que j’ai toujours tenu parole. » Même lorsque c’était inconfortable, ou même douloureux, Gabriella n’avait qu’une parole et s’y tenait jusqu’à ce que ce soit qualifié de connerie. Elle se moquait bien de la façon de voir d’autrui, elle n’en n’avait jamais rien eu à foutre… du moins jusqu’à ce qu’elle soit traînée dans la boue pendant deux mois des suites de son mariage avorté. « Kris tu n’as jamais été seul, j’ai toujours été avec toi ne serait-ce que par la pensée mais il va falloir arrêter de me laisser en dehors parce que tu sais très bien que je n’aime pas ça et que je risque de devenir hargneuse si tu continues… je veux rester, je veux t’aider ou même ne serait-ce que te fournir une épaule sur laquelle tu pourras te reposer. » La jolie espagnole marqua un temps d’arrêt, déposant un baiser contre le cou du suédois pour mieux resserrer son étreinte. Diable qu’elle en avait besoin et qu’elle se sentait égoïste en même temps… « Je ne sais pas encore si je pourrais te pardonner en revanche. C’est très frais dans ma mémoire et… même si ce n’est probablement rien comparé à ce que tu as vécu et ce que tu vis, j’en ai bavé toute seule. Et puis je ne veux pas te pardonner si ça veut dire qu’après, tu vas juste partir en paix et me laisser une seconde fois. C’est égoïste, je sais. Même pas honte… »

Depuis sa plus tendre enfance, Gabriella s’accrochait au fait que l’on doit tous mourir à un moment donné et qu’il faut donc profiter de chaque instant dans l’hypothèse où celui-ci pourrait être le dernier. Peut-être était-ce une façon extrêmement réductrice de voir les choses mais la jolie espagnole n’en n’avait pas moins bien vécu en faisant ainsi. « Ce n’est pas égoïste vu que j’ai besoin de toi aussi et puis quitte à ce que ce soit court, autant que ce soit grandiose et pas vécu tout seul dans son coin, non ? Mais effectivement, je n’ai jamais honte de rien c’est pour ça que les journalistes aiment tant écrire sur ma personne… » Oh la princesse d’Espagne n’était pas connue pour ses « frasques » puisqu’elle restait quelqu’un de fondamentalement sage en soi, mais plutôt pour son tempérament flamboyant et imprévisible. Voilà pourquoi il n’était nullement étonnant qu’elle ne soit partie du principe qu’elle aurait très bien pu annuler leur mariage elle-même si seulement il était venu la trouver avant de partir… « Je ne peux pas te retirer ça : tu es une machine à plan B ! Tu as été à bonne école avec moi, en tout modestie… » plaisanta plus volontiers Gabriella avant de lui offrir son tout premier rire en deux mois, une vraie rareté. « Maintenant ? Et bien peut-être que tu as tout bêtement une liste de choses que tu voudrais faire alors on peut très bien commencer par ça, par exemple… mais une chose me turlupine avant ça, si tu permets : c’est peut-être bête de ma part mais tu n’as jamais voulu aller plus loin que des baisers ou des caresses avec une femme ? Ne va pas croire que je ne trouve pas louable que tu te réserves pour ta femme mais en l’occurrence… tu n’as jamais eu envie de tenter l’expérience ? »

« La folie des grandeurs ? Quand même pas, faut pas pousser mémé dans de la lave en fusion ! » s’insurgea-t-elle aussitôt tout en sachant qu’hélas, Kristian n’avait pas totalement tort et que Gabriella avait une fâcheuse tendance à toujours voir les choses en grand. Mais elle partait, à sa décharge, du précepte ancestral qui fait que rêver radin, c’est petit et triste. « Attends, une petite seconde je rembobine… tu veux dire que tu m’as désirée moi ? » Très étonnement, Gabriella ne s’y était pas attendu un seul instant lorsqu’elle avait remis le sujet sur le tapis. Il faut dire que le prince suédois était typiquement le genre d’homme à vouloir d’un grand mariage romantique, et à rester à jamais avec la même femme. De son côté, la jolie espagnole l’avait très souvent désiré – normal puisqu’elle éprouvait des sentiments on ne peut plus vivace à son égard – mais bien avant leur mariage, elle s’était préparée à la chose en ayant sa première fois. C’était peut-être stupide de sa part mais tout en usant de toutes les protections possibles et imaginables – Gabriella n’étant pas quelqu’un d’inconscient – elle s’était préparée afin de pouvoir combler son mari, à savoir Kristian ici présent. « C’est… presque bizarre parce que tu ne ressens que de l’amitié pour moi et pourtant tu voulais me séduire, décidément tu seras toujours d’une autre planète pour moi Kris mais je crois que c’est ce qui me plais le plus chez toi. De mon côté, à vrai dire, je ne suis plus vierge. Ca ne fait pas de moi une Marie couche-toi là je te rassure tout de suite, mais je voulais être en mesure de combler mon mari une fois la nuit de noces venue. Si nous avions été tous les deux vierges, ça n’aurait pas pu être réellement magique… alors je partais du principe qu’un peu d’expérience ne me ferait pas de mal. Est-ce que sur ta liste de choses tu avais escompté que l’on… essaye ? Ne sois pas gêné je n’ai pas de tabous là-dessus… »