Un déjeuner dominical chez les Bennett, quoi de plus naturel ? Maggie était réellement heureuse de passer un moment avec ses parents ET Daryl, puisque son mari avait été invité bien évidemment. Leur mariage avait beau être récent, la pétillante avocate n'avait de cesse de regarder son alliance avec délice. Depuis le temps qu'ils en rêvaient, ils avaient enfin sauté le pas, et en prime avant que l'américaine n'accouche... plus de risque, cette fois-ci, elle aurait bel et bien le même nom de famille que leur fils ! En théorie, il n'y avait strictement rien à craindre, pourtant, à peine les deux tourtereaux avaient-ils posé un pied à l'intérieur de la petite maisonnette du couple Bennett en dehors de New York que déjà, Maggie sentait une tension hautement palpable s'y jouer. « Est-ce que tout va bien ? » demanda-t-elle au bout de quelques minutes, alors que ses parents les avaient à peine salués et n'avaient de cesse de s'adonner à des messes basses, chose à laquelle ils ne l'avaient aucunement habituée jusqu'ici. « Comment veux-tu que nous soyons joyeux alors que notre seconde fille souffre d'un cancer de la thyroïde et que tu ne lui tends même pas la main ? Je ne pensais pas cela de toi, Maggie... » avait directement attaqué son père, un verre de scotch à la main, sans même la regarder. « Parce que vous pensez que je n'ai pas TOUT tenté pour lui venir en aide ?? C'est ça que vous pensez de moi ? Que je laisse tomber les gens parce que je n'en n'ai rien à carrer ? » Maggie était devenue livide, les membres tremblants, contenant à grande peine la colère qui lui sciait littéralement le cœur à cet instant précis. « Il n'empêche que ta sœur est en souffrance, que toi, tu vas bien, et que tu ne vas pas la voir ! » « Mais JE SUIS allée la voir ! Plusieurs fois même ! Mais à ma place, vous continueriez à tendre l'autre joue alors qu'elle vous insulte et vous ramène plus bas que terre ? Je ne peux pas l'avaler celle-là ! C'est la nouvelle mode chez les Bennett ? D'ordinaire, si on ne parle pas d'un problème, il n'existe pas, mais là c'est différent, parce que vous transformez joyeusement ça en vendetta personnelle et là, je n'adhère pas du tout ! » Maggie avait beau se rebeller, c'était à nouveau parti pour un tour, comme si ses parents ne l'écoutaient pas. Ou plutôt son père, car sa mère était restée étonnement silencieuse pour l'instant. A force, l'américaine manquait d'arguments et finit donc par baisser la tête, alors qu'il parvenait à la faire se sentir coupable. Magnifique... et dire qu'elle avait eu hâte de venir à ce foutu déjeuner, elle n'avait même plus faim !

Maggie ne s’était pas attendue à tant de froideur, tant de mépris de la part de ses propres parents et désormais, les mots lui manquaient pour exprimer son désarrois. Si Daryl ne s’était pas saisi de sa main, sûrement se serait-elle laissée choir sur le premier fauteuil à proximité histoire de ne pas s’affaler purement et simplement à même le sol. Le pire dans tout ça, c’est que l’intervention du procureur américain n’eut aucun autre effet que celui de provoquer un vague haussement d’épaules de la part du père de Maggie, avant que celui-ci ne disparaisse dans son bureau en prétextant un travail urgent à finir. Aussitôt, la pétillante avocate avait placé tous ses efforts en sa mère, qu’elle ne quittait pas du regard, mais celle-ci refusa de se dresser contre son mari et quitta la pièce à son tour, quelques minutes plus tard. Sidérée, la jeune femme était sidérée. Elle en était même venue à serrer diablement fort la main de Daryl pour se convaincre que tout ceci était bien réel, et que malheureusement, même si elle se pinçait, cela ne servirait à rien. « Je veux quitter cet endroit, pitié… » souffla-t-elle avec difficulté alors qu’elle n’avait de cesser de se crisper, et contre la main de son mari, et de se crisper tout court. « Je n’arrive pas à croire qu’ils soient aussi aveugles… non mais sérieusement, qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour qu’ils comprennent que je n’y suis pour rien ? Et que bien que la maladie de Lizzie me touche, moi aussi j’ai des problématiques et notamment un bébé à protéger de sa méchanceté ?! Ça me tue… c’est un peu comme si j’étais redevenue gosse et que mes parents m’abandonnaient au premier orphelinat qu’ils auraient trouvé… je veux partir d’ici, je ne veux pas rester !! » s’emporta-t-elle les larmes aux yeux, refusant pourtant de craquer : ce n’était pas le moment.

Daryl avait complètement raison. Ils avaient une famille désormais, et pouvaient donc se permettre de mettre en avant celle-ci plutôt que de devoir composer avec les désidératas des uns et des autres. Maggie émit un faible sourire sans pour autant lâcher la main du procureur de son cœur avant qu’ils ne soient de retour dans la voiture. Elle constatait qu’il s’agissait du plus bref déjeuner qu’elle ait eut jusqu’à lors en compagnie de ses parents… et probablement le dernier avant très, très longtemps mais ça, c’était un autre débat. « J’essaye de me calmer mais ce n’est pas évident, j’ai des crampes qui ne sont pas piquées des hannetons » avoua-t-elle subitement en fronçant violemment les sourcils, peinant même à mettre sa ceinture de sécurité tant le moindre contact sur son ventre était douloureux à vrai dire. « C’est pas normal que ça fasse si mal… » continua-t-elle car elle n’avait pas perdu les eaux et jusqu’à son altercation avec son père, elle se sentait même plutôt bien. Autant dire que Maggie commençait à baliser sec, ainsi assise sur son siège, à se tortiller comme si aucune position ne serait jamais confortable. C’était ignoble comme situation ! « Je crois qu’il serait plus sage d’aller à l’hôpital, je veux un avis de gynéco… je sais bien que je n’ai pas été particulièrement calme dernièrement mais là, c’est vraiment douloureux et ça ne passe pas du tout ! » Daryl aurait sûrement tôt fait de la conduire et en bonne damoiselle extrêmement dure au mal, elle ne poussa aucun cri, endurant la douleur avec autant de dignité qu’elle le put plus par habitude qu’autre chose. Mais il n’empêche qu’elle dégustait quelque chose de fantastique…

« Je ne pense pas, je n’ai pas perdu les eaux ! » parvint-elle à articuler non sans grande difficulté tant la douleur augmentait de minute en minute. Merde, elle n’allait jamais partir ? Cela ne faisait qu’inquiéter Maggie, surtout qu’elle n’avait perdu aucun liquide d’aucune sorte. Ce ne fut cependant qu’une fois que Daryl lui eut donné le feu vert qu’elle poussa plusieurs hurlements d’à filée, peinant à se concentrer sur autre chose ou à se détendre. Cela ne pouvait qu’être un pic de stress, son corps la rappelait à l’ordre. « Je ne peux pas être en train d’accoucher en prime, mon terme est dans un mois ! » s’exclama-t-elle au moment où son mari parvenait jusqu’aux urgences de l’hôpital le plus proche, l’aidant à s’extirper de la voiture au moment où un ambulancier arrivait avec un fauteuil roulant. Par chance, elle fut rapidement prise en charge, à croire qu’elle soit tombée dans une heure sans trop de catastrophes ou d’urgences à New York puisque tout aussi rapidement, un gynécologue vient lui prendre la tension et lui faire une échographie. « Le fœtus est très bas dans l’utérus et votre poche des eaux s’est déjà rompue Madame, vous êtes simplement en train d’accoucher. Vous n’êtes cependant pas assez dilatée, je vais demander à ce qu’une salle de travail soit préparée, mais il va vous falloir attendre. Surtout que l’on ne peut pas vous faire de péridurale en raison du problème cardiaque que vous avez mentionné, je peux juste pour donner un calmant mais cela ne vous aidera pas pour toute la durée du travail, sachez-le. » Oh bordel de merde. Maggie ne s’était même pas rendue compte qu’elle avait perdu les eaux tout simplement parce que cela avait dû être au moment de sa douche, ce matin même. Elle avait mal à peu près depuis ce moment là… « Daryl tu restes avec moi hein ! Mais flûte c’était censé être dans un mois !! Un mois ! Il devait rester encore au chaud ! Pas naître maintenant… »

Sans péridurale, l’accouchement risquait d’être sportif et Maggie avait honte par avance rien qu’en s’imaginant beugler comme un putois à cause de la douleur. Mais au-delà de ça, avec tout ce qui s’était passé dernièrement, la pétillante avocate peinait à être prête, il fallait dire ce qui est. Elle avait trouvé sa grossesse trop courte, tout simplement. Daryl ne pouvait pas imaginer tout l’échange s’étant joué entre Hugo et sa mère, à part s’il avait surprit les longs monologues que l’américaine pouvait lui faire en caressant son ventre s’arrondissant, et ce depuis le moment où son test de grossesse avait viré au rose. « Il n’y aura pas de problème tu crois, même s’il naît avec un mois d’avance ? » ne put-elle s’empêcher de s’inquiéter, à l’image de tout le stress qu’elle avait ressentit bien malgré elle. Ce n’était pas faute d’avoir tout fait pour éviter, mais aujourd’hui avait été le pompon au top cinquante. « Non je te veux juste toi ! Je n’ai aucune envie d’avoir un public quand je vais hurler telle une brebis qu’on égorge… pitié reste juste avec moi, je te promets de te repayer une main en me sortant de tout ça mais reste juste toi… » Maggie l’incita à se rapprocher pour l’embrasser comme si sa vie entière en dépendait, même si elle eut tôt fait de s’écarter face à une nouvelle contraction. « Tu es prêt ? Tu n’as pas changé d’avis hein ? Je sais je vais te faire devenir marteau à être tout le temps stressé et je sais que tu as été insomniaque ces derniers temps à cause de moi mais je vais me rattraper. »

Rester calme, pour Maggie, c’était un véritable parcours du combattant et même en se sachant épuisante, elle ne pouvait pas s’empêcher de continuer dans cette voie. A croire qu’elle finirait définitivement cardiaque à force d’être aussi tendue que la corde d’un arc. « Je vais essayer de me détendre mais ne pas avoir de péridurale n’aide pas pour oublier la douleur à ma décharge ! » se plaignit-elle vaguement, d’une toute petite voix, avant de lier ses doigts aux siens contre son ventre très largement arrondi par la grossesse. « C’est drôle d’ailleurs que tu n’aies jamais mis ta menace à exécution avec le pinceau… j’avais trouvé ça sexy quand tu me l’avais proposé au centre commercial, tu te souviens ? Comme quoi tu vois, je n’ai pas réussi à me faire mal avec un pinceau, ça mérite des applaudissements ! Ceci étant… toi c’est le bois que tu manies comme personne et je suis fière de la chambre que tu as faite pour Hugo… » La précédente contraction s’amenuisait, la laissant enfin souffler, et de fait, elle fut légèrement plus détendue que lors des minutes précédentes mais en ce qui la concernait, elle n’avait qu’une hâte : que leur fils naisse afin de faire mieux connaissance avec lui ET de le savoir en bonne santé. Rien d’autre ne lui importait à ses yeux pour l’instant, si ce n’est la présence de son mari à ses côtés. « N’oublie pas : tu m’as promis un voyage de noces aussi ! Enfin quand tu auras un peu moins de travail… mais non ne va rien me chercher ! Si jamais je suis assez dilatée et que tu n’es pas là, je n’ai pas envie de commencer à pousser toute seule. Reste ! »

Pour la première fois depuis son arrivée à l’hôpital, Maggie n’hésita pas à éclater de rire. Effectivement, son gros ventre de femme enceinte manquait cruellement de praticité et elle en était la première navrée, du reste. Mais bientôt, elle allait s’occuper de retrouver une ligne de jeune fille en deux temps trois mouvements, grande joggeuse qu’elle était devant l’éternel. « Mais pourquoi donc perdre le nord, Monsieur Grant ? Effectivement, avec Hugo si petit cela risque d’être difficile mais si on ne partait qu’une semaine ? Tes deux frères pourraient venir habiter à la maison pendant ce temps là et le garder ? Avant que tu ne me regardes avec des yeux exorbités, il se trouve qu’Aaron veut être père je te signale. Ce serait un entraînement comme un autre et ils sont tous les deux consciencieux, il n’y a qu’à voir Caleb avec son ficus ! Je ne dis pas que ce sera facile pour moi de laisser mon petit bout, mais d’un autre côté je veux que l’on ait un voyage de noces qui en soit vraiment un. » Une semaine, c’était gérable. Oh Maggie n’oublierait jamais de laisser son portable allumé, au cas où… « On n’est même pas obligés de partir très loin, ne voulais-tu pas retourner au Texas, mon ange ? » D’accord, il y avait également le problème de son opération mais pour ça aussi, une semaine ne pèserait pas plus lourd dans la balance. C’est ce qu’elle voulut lui faire comprendre en déposant un baiser frêle comme une brise contre ses lèvres, avant de ne lui sourire, non sans lui caresser délicatement la joue. « Je me ferai opérer dès notre retour de voyage, cela te convient-il ? Si tu veux que je le fasse avant cela retarde de beaucoup car tu sais très bien que je vais mettre un moment à m’en remettre, et qu’il faudra que tu gères pour Hugo… tu es sûr que tu vas pouvoir avec ton boulot en prime ? »

« En vérité, j’ai envie d’aller où tu seras mon amour, que ce soit le Texas ou à l’autre bout de la planète, je serai toujours partante ! » s’expliqua-t-elle bien que Maggie ait toujours voulu connaître le lieu de naissance de l’homme de sa vie. Si trois hommes fabuleux avaient pu y naître, cela devait forcément être un endroit formidable, n’est-ce pas ? Et en parlant de la famille Grant, la pétillante américaine ne manqua pas de sourire avec sincérité, entre deux contractions, pour mieux hocher vivement la tête : entre Aaron et Caleb, Hugo ne pouvait qu’être entre de bonnes mains dans tous les cas, elle n’en n’avait pas le moindre doute. « Je t’ai promis de me faire opérer et je vais le faire tu sais très bien que je n’ai qu’une parole, mais même en me reposant je pourrai sûrement te donner un petit coup de main si tu es trop débordé, Monsieur le procureur, après tout nous avons été deux au moment de la conception si ma mémoire est bonne… mais tu voudrais une fille ? Attends, attends répète-moi ça : tu veux une fille ? Tu ne m’en avais jamais parlé ! Enfin nous avons évoqué le fait d’agrandir notre famille mais tu n’avais jamais formulé ce souhait à voix haute… » Hélas, la conversation ne put pas continuer sur la durée car non seulement les contractions se rapprochaient de plus en plus, lui arrachant des gémissements de douleur insupportables, mais en prime le gynécologue fut de retour pour lui annoncer que ça y était, la dilatation du col était suffisante et qu’il l’emmenait en salle de travail. « Tu restes avec moi chéri hein ! » répéta-t-elle tout en attrapant sa main au passage, incapable de ne pas être paniquée à l’idée de pousser pour mettre au monde leur fils.