Tandis que certains ouvraient pour la première fois de leur journée leurs yeux au son de leur réveil, Eleanor se réveillait pour la troisième ou quatrième fois. Et malgré le fait qu’elle ait mal dormi, elle ne voulait pas sortir du lit pour affronter les cours de médecine. Oui, elle voulait toujours devenir chirurgien, mais le manque de motivation pour se lever se faisait ressentir et en plus, elle était chez Dolce. Elle aurait dû choisir de dormir chez elle à Brooklyn. Là, il aurait été certain qu’elle aurait bondi de son lit pour se rendre à la faculté tant elle n’aimait pas l’endroit. Mais non. Une fois de plus, elle avait établé son camps chez sa meilleure amie qui l’accueillait toujours fort heureusement et accessoirement, son frère par la même occasion. En bref, les Daniels n’étaient pas des aimants de Brooklyn et ironie du sort, ils y vivaient par manque d’argent. Qu’est-ce qu’Eleanor pouvait haïr l’ironie parfois. Enfin bref, pour en revenir au réveil, El’ peina à sortir du grand lit qu’elle occupait avec Dolce. Mais il était temps de commencer à se préparer, sinon ça ne le ferait pas et vu le nombre d’étudiants en médecine … il fallait être à l’heure pour espérer s’asseoir à côté de son amie.

Eleanor sortit donc du lit tandis que son amie commençait à sortir des bras du Morphée avec en fond sonore Embers de Just Jack, dernier coup de cœur en date de la Daniels. L’étape après s’être levé fut bien évidement la salle de bain où El’ prit une rapide douche avant de s’activer à se donner apparence humaine (a). Et elle fut heureuse de voir qu’elle ne semblait pas aussi dépravée que ça finalement. Elle était même plutôt potable. Mais cela ne l’empêchait pas de subvenir à plus d’une lotion pour garder un beau teint et surtout une belle peau et n’empêchait évidement pas le maquillage et la coiffure. Environs 50minutes plus tard, Eleanor s’était nettoyée le visage, appliqué son fond de teint ton porcelaine, mis ses lentilles de contact – elle attendait avec patience d’avoir réuni assez d’argent pour faire la fameuse opération des yeux qui lui rendrait une vue parfaite – et s’être parfaitement maquillée ainsi qu’avoir une coupe de cheveux bien. Elle se regarda une dernière fois avec attention pour être sûre d’être contente de son allure et sortit de la salle de bain. La chambre était désormais vide, Dolce sûrement dans une autre salle de bain – l’endroit était très vaste. El’ enfila rapidement un collant en dentelle sous une petite robe grise qu’elle serra au niveau du ventre avec une large ceinture noire pour souligner sa taille fine. Avisant le temps, elle ajouta une veste dans son sac contenant déjà un ordinateur – fruit d’un petit boulot – et autres documents de médecine. Ensuite, elle mit de simples chaussures à talon pour se rajouter quelques précieux centimètres.

La jeune Daniels sortit donc de la chambre en faisant claquer ses talons sur le parquet, son sac sous le bras et rejoignit la cuisine où Dolce était déjà attablée. Elles déjeunèrent rapidement ensemble des mets copieux servis par une domestique, puis sortirent pour prendre un taxi et rejoindre ainsi la faculté. Elles se trouvèrent deux places et discutèrent le temps que les deux heures de cours commencent. En effet, El’ s’était levé tôt pour seulement deux heures de cours … cela pouvait être source de démotivation parfois. Mais elle devait trouver le courage car chaque cours était important pour réussir. Eleanor coupa donc court à la discussion en commun accord une fois le professeur présent et ce fut parti pour deux heures de chimie.

« L’éternité a donc une fin ?» Voilà ce qui fut la pensée d’Eleanor quand le professeur annonça la fin du cours. Elle soupira et éteignit son ordinateur sans oublier pour autant d’enregistrer tout ce qu’elle venait de prendre en note.

« Il se passe quoi maintenant ?
- Je ne sais pas … j’ai eu un sms comme quoi mes verres de contact sont arrivés, il faut donc que je les récupère, sinon c’est galère si j’épuise ma réserve. Mais tu pourrais rendre visite à Théodore à son job ? Il te fera sûrement un prix (a)

Cela faisait un petit moment qu’Eleanor tentait de rapprocher Dolce de son frère Théodore. Ils seraient le couple parfait et en plus, Théo’ était sous le charme de Dolce, alors El’ pouvait bien donner un petit coup de pouce, non ? C’est dans ce genre de pensée qu’Eleanor quitta l’auditoire et salua Dolce devant le bâtiment pour retrouver l’opticien. Elle emprunta le parc pour s’y rendre imaginant déjà le prix. Elle en grimaça d’avance. Il faudrait qu’elle retrouve un petit job pour aider Théodore à tout payer, même si elle s’était jurée de le rembourser une fois médecin.

C’est tout en rêvassant d’un avenir parfait qu’Eleanor s’engagea dans le parc Jackie Robinson, ignorant les gens autour d’elle. Comme d’habitude, c’était le même genre de personnes. Les couples avares de la nature pour leurs câlins, des vieux assis sur le bon, les éternels couillons dragueurs et les habituelles filles impressionnables. Et évidement, des gens sympas. Connaissant la population des parcs, Eleanor se déconnecta donc naturellement en marchant.

« Attention !!! »

El’ revint brusquement sur terre et crut perdre son cœur en voyant une forme noire la frôler. Elle avait même senti le vent tellement ce truc devait aller vite. En se retournant, elle vit le skatteur filer et elle se tourna à nouveau, perplexe et ayant la désagréable sensation d’avoir loupé son atterrissage dans le réel.

« Ca va ? »

La Daniels leva les yeux vers le seul homme du parc à lui prêter attention. Tous les autres étaient retournés vaqués à leurs occupations, même si des regards curieux l’observaient toujours. Eleanor replaça une mèche qui s’était déplacée et en regardant l’homme, elle remarqua qu’elle le voyait … bizarrement. Un peu flou même et c’était désagréable. Il ne fallut que peu de temps à Eleanor pour comprendre le problème. Elle avait perdu une lentille.

« Oui, quel con, lâcha-t-elle à l’adresse du skatteur fuyard, Sauf que j’ai perdu une lentille … »

En finissant sa phrase, elle lança un regard quelque peu désespéré au sol. Même si elle retrouvait sa lentille, pas sûre qu’elle puisse la remettre avec la poussière.

« Mais merci de vous préoccuper de moi ! C’est rare de voir ça à New-York. »

L’intervention du skatteur l’avait mise de mauvaise humeur et pour évacuer cette petite colère, il fallait lâcher quelques vérités (a).

Ha boys, boys ! Toujours les mêmes, ou presque. Quand il s’agit d’épater la galerie, ils envoyaient au placard leur capacité de se voir ce qui les entourait. Ainsi, cela créait des accidents. Par exemple, celui qui refuse de ralentir son bolide pour faire bien en passant à côté d’une ou d’un groupe de filles et surtout, omet de regarder devant lui et emboutit ou voiture, ou pas selon son degré de chose. Au mieux, c’est un policier qui l’interpelle pour ne pas avoir respecté la limitation. Mais certains s’en sortaient toujours sans dommage. Il y a aussi ceux qui évitent l’épatage à risque, mais rend fou, comme celui qui expose tout son savoir et ses aventures devant le médecin pour impressionner la secrétaire. Le médecin devient bien évidement fou entre temps. En bref, les hommes devaient partager une gêne avec le paon, mais ils ne faisaient pas la roue. A chacun sa parade, pour chaque mâle de chaque espèce. Pour les hommes, c’était des âneries bien souvent avaient remarqué Eleanor. Mais avouons-le, c’était souvent amusant et certains tours étaient bien plus distrayants que le sifflet habituel. Néanmoins, Eleanor avait de quoi se plaindre à ce moment-là de l’habituelle parade qui pouvait la flatter quand elle venait d’un beau jeune homme. Elle venait d’éviter une chute bien humiliante et surtout douloureuse. Par ailleurs, la beauté du skatteur ne l’avait pas frappé. Encore aurait-il fallu qu’elle puisse vraiment le voir et elle pouvait s’estimer heureuse que rien ne l’ait frappé.

Comme à l’habituel de New-York, personne ne s’occupait de la miraculée. C’était toujours pareil. Ils regardaient le spectacle comme quand ils regardent un épisode de Desperate Housewife où Susan a un problème. Ils sont intéressés par ce qui vient de se passer et la demoiselle entendait presque les commentaires la soutenant de loin : « quel abruti ce skatteur ! », « il ne s’est même pas arrêté genre ! », « les jeunes aujourd’hui. ». Tout plein de remarques acerbes pour le jeune fuyard mais pas aucun des propriétaires ne se décidait à se lever pour aider Eleanor. Cela ne l’étonnait pas, car elle était pareille au fond. Une fois alors qu’elle était en ville avec Théodore, ils s’étaient arrêtés à un feu rouge et une femme crochée à son téléphone avait sans doute voulu traverser la route. Eleanor ne sait pas tellement ce que la femme voulait faire, mais elle était sortie de sa discussion avec son frère en entendant un cri rauque suivi d’un aigue. La femme venait de se faire pousser brusquement par un vélo qui passait. Elle était tombée à terre et s’était relevée d’un coup. Tout le monde était resté perplexe et la fixait comme on regarde un show télévisé. Mais aucun mouvement, aucune demande pour savoir si elle allait bien. Certains étaient retournés à leur conversation alors que le frère et la sœur s’étaient mis à se demander ce qui s’était passé, descendre le cycliste avant de se dire qu’il avait peut-être simplement éviter une collision. Qui sait, mais ils ne s’étaient pas arrêtés. Alors Eleanor ne s’attendait pas à une quelconque aide, mais cela le frustrait. Et comme si Dieu lisait dans ses pensées, elle fut abordée par un homme qui semblait soucieux de son état. Et il se proposa même pour l’aider à chercher sa lentille de contact. Eleanor crut rêver devant cette galanterie. Avait-elle subi un choc pour imaginer cet homme ?

« Oh merci. Vous êtes vraiment un gentleman … je croyais qu’on n’en faisait plus des comme ça vu que ce matin encore je me suis prise la porte qu’un ami avait galamment oublié de me tenir … enfin rien d’intéressant, à part que je suis agréablement surprise, merci beaucoup. Rien que l’aide suffit, tu sais. Ca m’évite déjà d’être toute seule au milieu du parc à fouiller la terre et m’afficher ainsi (a). Je te suis déjà reconnaissante ! »

Les fouilles commencèrent. Eleanor dut couvrir un de ses yeux pour éviter la différence de vision et regarda avec attention le sol, maudissant ses lentilles. Elles ne pouvaient pas rester en place ? La Daniel avait toujours détesté le fait d’être myope, surtout qu’elle ne l’était que depuis ses 15ans environs. Elle avait pu jouir d’une vue impeccable avant, d’une vie où elle n’avait pas besoin de chercher une pair de lunettes si elle les avait mal rangée, ni de vivre dans la crainte de découvrir sa boîte de lentilles vides. Non. La vie était plus simple. Bon, ce n’était pas la mort mais cela énervait la jeune Daniel le matin quand il fallait les mettre et que ça lui explosait sa rétine. Ca la réveillait, mais bon, il y avait mieux comme réveil que d’avoir mal aux yeux.

« Désolé ! Je crois que tu vas devoir faire sans un petit moment …
-En plus d’être un gentleman, tu es un bon chercheur ! répondit Eleanor dans un petit sourire avant de prendre précieusement sa lentille et grimaça en voyant l’état, Ne t’excuse pas … je vais juste devoir user de mon œil potable jusqu’au magasin de lentilles … parce qu’évidement, je n’ai pas pensé à prendre mes lunettes, damned. »

Eleanor n’était pas très fan de ces lunettes. Elles étaient jolies et lui allaient bien, mais elle se préférait le visage dégagé. Donc elle n’en mettait jamais pour sortir. Ou alors quand elle n’était pas bien ou en plein examens de médecine. Là, elle ne s’amusait pas à perdre du temps avec son image et préférait se réfugier derrière ses verres et ça lui évitait des problèmes durant les dits problèmes. La jeune fille finit par jeter la lentille et regarder vaguement au loin avant de grimacer avec la différence de vue. Elle ne se voyait pas marcher ainsi jusqu’au magasin et son autre lentille la dérangeait. A parier, elle avait chopé une poussière …

« Excuse-moi, est-ce que je peux te demander quelle est la limite de ton côté gentleman ? Car j’aurais peut-être une petite faveur à te demander encore … mais promis, je t’offre un café en échange. »

Elle lui fit son petit sourire d’ange qui avait tendance à marcher sur Théodore en tout cas.