ça allait bientôt faire 1 et demi que Luis était à New York, et pourtant, il ne cessait de découvrir de nouveaux lieux dans cette ville aux multiples facettes. Il venait tout de même de visiter un musée de la bière quoi ! New York. Quelle ville étrange pour un pauvre latino sorti d'une ville paumée du Chili. Il secoua la tête et continua sa route. N'empêche, cette connerie lui avait donné soif. Il monta sur sa moto et partit à la recherche d'un bar. Rain était chez sa voisine, gentille petite ado qu'il payait pour du baby-sitting de seconde main mais bon, il n'avait pas non plus des masses de moyens. Et bien qu'il appréciait la compagnie de sa nièce, elle n'était qu'une enfant et lui devait bosser la nuit. Enfin, là il avait un mini-concert à faire d'ici 3 heures mais il devait attendre. Donc l'option bar lui parut relativement attrayante. Il s'arrêta dans un parking plein de camion & gara sa moto un peu à l'écart. Il n'avait pas non plus spécialement envie de la voir écrasée en sortant du bar.

Il rentra et l'ambiance qu'il retrouva lui fit haussa un sourcil. Gosh... c'était quoi ce style camionneur que les clients avaient ? Il sentit peser sur lui plusieurs regards & aussi tôt, il se sentit un peu mal à l'aise. Mais il ne pouvait pas rebrousser chemin ! Il avait des corrones bon sang ! Alors il prit place sur un tabouret près du bar et la barmaid arriva près de lui l'air un peu méprisant. « Et quoi l'amigo, je te sers una cervesa ? » se moqua-t-il ouvertement. Luis fronça les sourcils en entendant les rires gras derrière son dos mais il continua de sourire de façon naturelle. « Oui, une bière le maricón » demanda-t-il avec un grand sourire innocent. L'autre ignorant la signification de maricón lui tapota le dos... si seulement il savait que Luis venait le traiter de gay... Une fois sa bière en main, il se dirigea vers le jukebox. C'était tellement rare d'en voir encore... il pensait qu'il n'y en avait plus que dans les films. Il hésita avant de sortir une pièce de sa poche mais dans sa précipitation il fit tomber sa pièce. Jurant entre ses dents, il s'accroupit pour la chercher avant de tomber sur une paire de jambes particulièrement avenantes. « Jolies jambes » commenta-t-il avec sincérité. « Mais est-ce que vous pourriez juste les déplacer un peu... histoire que je reprenne ma pièce ? » demanda-t-il en se redressant pour regarder la femme à qui il parlait dans les yeux. C'était toujours plus facile de s'adresser à quelqu'un dans les yeux plutôt qu'à une seule partie de son corps.

Quand la jeune femme entra, les regards se tournèrent vers elle. Ce n’étaient pas des regards de curiosité, du genre « Qu’est-ce qu’une si frêle jeune demoiselle peut bien faire dans ce genre d’endroit ? » mais plutôt des regards amicaux, accompagnés pour la plupart de sourires. Et pas des sourires du genre « Cette petite poulette est bien roulée, je me la ferai bien. » Certes, Scarlett détonait quelque peu dans cet environnement plus fait pour les mâles entre trente et cinquante ans, genre camionneur, qui ne faisaient que boire bière sur bière, à raconter les choses les plus folles qu’ils avaient vu sur la route. Ce bar en particulier comptait bon nombre de routiers parmi ses clients habituels. Le parking était toujours plein de camions. La jeune femme en était elle aussi une habituée. Ce qui pouvait sembler étrange, mais pas tant que ça quand on la connaissait. Déjà, elle avait l’habitude de ce genre d’endroit. Celui-ci ressemblait à peu de choses près à celui que son père fréquentait quand elle était encore à Melbourne. Il l’avait emmenée quelques fois avec lui, pour lui apprendre l’art des cartes. Elle était devenue une sorte de mascotte, même si au final, elle finissait toujours par plumer tout le monde. Mais c’était une gamine, tout le monde l’aimait bien. Ensuite parce qu’elle n’était pas du genre fifille, à se pomponner, à aimer se déhancher et tordre des fesses sur une piste de danse, à chercher à tout prix un bon coup pour passer la nuit. Elle n’aimait rien de tout ça. Elle préférait les bières, les bars plus tranquilles – quand ça ne se battait pas, ce qui arrivait quand même souvent – elle aimait par-dessus voir des gens différents, ayant chacun une histoire à raconter.

La première fois qu’elle était venue ici, c’était avec Teddy. Elle y serait entrée seule bien sûr, mais les choses avaient voulu qu’elle soit avec son cher et tendre quand elle avait croisé la route de l’endroit pour la première fois. Scar avait tout de suite apprécié l’atmosphère, l’ambiance qui y régnait. Elle avait très vite voulu revenir, et en l’espace de quelques soirs, elle était devenue une habituée appréciée. Là aussi elle plumait la plupart des gars, mais ils acceptaient toujours de jouer avec elle. Personne ne pouvait lui résister.

Scar venait de finir sa deuxième bière de la soirée lorsque quelqu’un entra. Habituellement, elle n’avait pas à tourner la tête pour voir qui venait d’arriver. Elle reconnaissait tout le monde au bruit qu’ils faisaient, ou aux réactions de la part des autres personnes présentes dans le bar. Mais là, rien. Elle jeta un coup d’œil circulaire dans le reste de la pièce et vit des regards pesants, qui jugeaient la personne qui venait de faire son entrée. La jeune femme se retourna donc, et vit un jeune homme, type mannequin, le genre de personne qu’on ne voyait pas souvent ici. Elle sentait déjà le pauvre se prendre une pleine tête de remarques moqueuses et désagréables. Elle l’observa s’asseoir, commander une bière. Elle lança un sourire amusé aux autres gars, qui semblaient rire du nouveau venu. Après quoi, c’est un regard légèrement désapprobateur qu’elle leur jeta. Ne jamais juger un livre sur son apparence, c’était un de ses principaux crédos. Elle le suivit ensuite quand il se dirigea vers le jukebox. Aaaah ce bon vieux jukebox. Ce bar était l’un des rares à encore en avoir un. C’était ce qui faisait une partie de son charme. La jeune femme se posta juste à côté de lui, ce qui l’empêcha évidemment de ramasser la pièce qu’il avait fait tomber. Le compliment sur ses jambes – la seule partie de son corps qu’il pouvait voir - la fit sourire puis elle se baissa avant de ramasser ladite pièce et de l’insérer dans l’appareil. Elle attendit ensuite qu’il se relève avant de désigner la machine d’un geste de la main. « Je vous en prie. » Elle baissa la tête pour l’observer des pieds jusqu’à la tête, et dit avec un petit sourire et un haussement d’épaules : « Vos jambes sont pas mal non plus. »

Luis avait l'habitude de séduire, c'était son boulot après tout. Mais la séduction étant justement une de ses armes importante au niveau professionnelle, il essayait de ne jamais l'utiliser en dehors. Après tout, faire l'amour à une femme qui ne payait pas ne l'intéressait pas. Du coup, il n'avait pas besoin de faire d'effort plus que nécessaire lors d'une rencontre innocente. Il n'utilisait pas ses charmes "latino" ou son "accent" pour draguer, il se transformait plus en une sorte de mec gentil, commode, mais plus le bon pote que le genre de gars qu'on a envie de tirer dans son lit. Il ne mêlait pas les choses. Une femme non cliente était une amie et n'avait droit à rien d'autres que des sourires et de la compassion. C'était comme ça. Il n'avait qu'une règle et il n'avait aucune envie d'aller contre.

C'est pour ça que quand il vit la jeune femme aux jolies jambes, il ne se mit pas à la reluquer de façon grossière, il se contentait de lui sourire aimablement & aussi de la regarder dans les yeux. Il la vit se baisser pour ramasser la pièce qu'il avait fait tomber plus tôt et elle la mit dans le jukebox. « Je vous en prie. » le chilien hocha la tête et murmura un gracias du bout des lèvres avant de regarder la liste des chansons. Finalement, il porta son choix sur Cotton Eyed Joe, la chanson la plus clichée qui lui faisait irrémédiablement penser aux cow-boy. Il sourit comme un gamin avant de battre la mesure avec son pied, les yeux pétillants. « Vos jambes sont pas mal non plus. » il se tourna vers la brune avant de baisser la tête vers ses jambes. « Oui, mais bon, vous n'avez pas vu mon torse non plus, spectacle assez agréable ! » souffla-t-il avec dérision, il fit un clin d'oeil à la brune pour montrer qu'il déconnait et se moquait de lui-même. « Est-ce que vous avez envie de danser ? » proposa-t-il avant de baisser un chapeau imaginaire dans une offre assez théâtrale en fait. Il tendit la main avec un sourire amusé. Après tout, pourquoi pas, il aimait bien cette musique après tout. Il déposa sa bière sur une table avec indifférence. Il commandait toujours une bière par principe mais n'y touchait jamais, il respectait sa promesse d'abstinence depuis tellement longtemps qu'il n'avait pas envie de rompre ça bêtement. S'il continuait d'acheter de la bière, c'était surtout pour l'image et pour donner l'impression qu'il était comme tout le monde ! Bref, dans tous les cas cette jeune femme avait l'air d'aimer s'amuser. Après tout, il fallait être honnête, pourquoi serait-elle dans cet endroit qui dénotait autant avec son apparence si ce n'était pas le cas ? Il n'avait rien à perdre, d'où son offre. « Au fait, je m'appelle Luis et je vous jure, je sais me tenir en dansant ! » la rassura-t-il avec sincérité.

Cotton Eyed Joe. Scar ne put s’empêcher de sourire. C’était une chanson tellement clichée mais tellement bien ! Elle donnait, dès ses premières notes, envie à tout le monde de danser, et la jeune femme qui n’échappait pas à cette règle balança la tête d’avant en arrière au rythme de la musique. Elle fut étonnée par la musique choisie parce que le jeune homme en fait d’elle n’était pas du genre country. Enfin elle l’imaginait mal mettre un chapeau et des bottes, puis mimer le fait d’attraper un bœuf au lasso, là comme ça. Chassant cette image ridicule de son esprit, elle reporta son attention sur le brun. Il faisait maintenant allusion à son torse, surfant sur le compliment qu’elle venait de lui faire. « Je n’en doute pas. Mais je ne déshabille jamais un homme le premier soir, donc j’imagine que cela restera un mystère pour le moment. » Elle lui rendit ensuite son clin d’œil. Depuis qu’elle était mariée, elle ne faisait plus vraiment attention aux autres hommes. Enfin bien sûr, comme une très célèbre philosophe l’avait dit, ce n’était pas parce qu’on était au régime qu’on ne pouvait pas jeter un œil au menu. Citation plus ou moins fidèle. Mais soit, elle était encore sensible au charme de certains individus du sexe opposé, mais elle se contentait simplement de se rincer l’œil de temps à autres. Jamais elle ne répondait à des avances et repoussait tous ceux qui avaient le malheur de vouloir flirter avec elle. Elle était fidèle et Teddy la comblait parfaitement. Avec l’inconnu, elle ne connaissait toujours pas son nom, c’était différent. Il semblait avoir des intentions tout à fait honnêtes. Voilà pourquoi elle s’était autorisée à plaisanter avec lui. Elle savait qu’il n’y aurait rien d’ambigu.

Danser ? Évidemment qu’elle en avait envie ! Cet endroit ne regorgeait pas de danseurs étoiles, ou de danseurs du dimanche en fait. Personne ne dansait jamais, ou ne se servait même du jukebox. En même temps, imaginez des camionneurs lourds et maladroits en train de danser… Oui non, finalement c’était compréhensible. Scar hocha la tête avec enthousiasme en guise de réponse, et attrapa la main du jeune homme. Sa proposition mise en scène de façon très théâtrale avait achevé de la charmer. C’était le chapeau imaginaire. « Vous êtes étonnant. » dit-elle tout en commençant à danser et à taper du pied, comme le voulait la chanson. Elle jeta un œil aux autres clients, qui avaient les yeux rivés sur eux deux, seuls au centre de la pièce. « Pourquoi ne vous avait-on jamais vu ici ? Ces lourdos sont sympa mais ils n’aiment pas danser, et je dois dire que ça me manque pas mal quand je viens ici. » Il fit ensuite les présentation. Luis. Et en plus il savait se tenir en danser, il était l’homme parfait non ? Presque. « Enchantée, moi c’est Scar. Et je ne me fais pas de soucis, je suis sure que vous êtes un gentleman. »