« C’est grave la merde. » Le visage de Neige avait rarement été aussi pâle, et son pas si hésitant. Pas étonnant, vu qu’elle sortait juste d’une salle de consultation au sein d’un hôpital de New York. Le nom importait peu, puisqu’il valait mieux se focaliser sur le papier qu’elle tenait en main, d’une importance capitale. Le regard brillant, la tête tournant affreusement sous le choc de la nouvelle, la jolie allemande dû s’asseoir en plein couloir, mains contre son visage, pour encaisser la chose. Personne ne sut combien de temps elle demeura là, mais une chose était sûre, les minutes avaient beau passer, elle ne se sentait pas mieux pour autant. Tout ce dont elle avait envie à cet instant précis, c’était s’engouffrer dans ses couvertures, au sein de son appartement chéri, et ne plus en ressortir avant des semaines. En somme, faire l’autruche lui paraissait une excellente façon de gérer le problème s’opposant à elle. Hélas, son petit plan allait devoir attendre : Danny trouva le moment bien choisi pour tenter de l’appeler. La nouvelle était de taille, puisqu’ils étaient embauchés par un célèbre bâtiment de Broadway afin de faire des agencements. Malheureusement, son associé n’était pas l’architecte rudement doué ayant fait la réputation de leur petit duo… seule Neige pouvait négocier le contrat de sa main de fer, qu’elle soit ou non en forme ou d’humeur à le faire. « Attends-moi devant, dans un quart d’heure je suis là » finit-elle par trancher, rangeant soigneusement son papier d’une importance capitale dans sa sacoche en bandoulière. Clefs de voiture en main, la jolie voleuse brava les habituels embouteillages new yorkais afin de rejoindre son associé unique et préféré, qui l’attendait avec une impatience qui l’étonna : ils n’étaient pourtant pas sur un gros cambriolage à préparer des mois à l’avance… il s’agissait juste d’un contrat comme Neige en avait fait beaucoup d’autres, sans surprise, sans goût, sans rien de spécifique qui puisse la passionner et donc lui faire oublier la merde noire dans laquelle elle se trouvait. Bien évidemment, si Danny se rendit aussitôt compte de l’extrême pâleur de sa coéquipière, il n’insista pas lorsqu’elle choisit de hausser les épaules pour toute réponse à son inquiétude. A ce moment précis, la jeune femme n’avait cure d’être en débardeur et pantalon leggins’, moulant ses cuisses musclées et lui donnant une silhouette tout à fait appétissante. Bien qu’elle soit à Broadway, Neige n’était décidément pas d’humeur à se rendre compte de ce genre de petit détail…

La discussion sur les termes ne dura pas longtemps, du reste. La jolie allemande torcha le tout en deux coups de cuillère à pot, esquissant un nouveau record du contrat le plus vite conclu. Seule chose : elle allait devoir rester plusieurs heures pour faire les devis correspondants à la rénovation de plusieurs salles… de danse. Ce simple mot lui donna une nausée qu’elle eut grand mal à contrôler. Neige n’avait aucune envie de risquer de croiser Amaury, à vrai dire… ils avaient du mal à trouver le temps de se voir depuis trois bonnes semaines, le danseur ayant enchaîné les entraînements avec une volonté qu’elle ne lui avait jamais connue jusqu’à lors. Si la chose l’avait mise dans une grande colère au départ, elle l’arrangeait depuis… environ une petite heure. A ceci près que son nouveau client insista pour qu’une certaine salle soit refaite en premier. Manque de chance : il s’agissait de celle où le beau danseur répétait justement. Il fallut donc un contrôle proprement inhumain pour qu’elle ne laisse strictement rien paraître et fasse comme si elle ne l’avait pas remarqué. De toute manière, elle avait du boulot… et notamment l’intégralité des plans à faire sur place. Il ne manquait plus qu’à espérer que Laura ne viendrait pas la titiller, sans quoi Neige était quasi certaine de ne pas être en mesure de conserver son calme fragile. « Hellooooo ! Cela vous dérange si je vous tiens compagnie ? J’avoue, première fois que je croise un architecte, ou plutôt une, et je dois avouer que vous êtes sexy. Vous finissez tard ? » Bloc en main, crayon contre l’oreille, coiffée d’un chignon lâche lui donnant un petit air sauvage, c’est non sans une large dose d’incrédulité que Neige se tourna vers ce danseur qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam et qui venait de la draguer de la pire façon qui soit. Un autre jour, elle lui aurait rit au nez… mais là, elle n’était pas d’humeur. Autant dire que Danny était mort de rire dans son coin, et qu’il avait bien raison ! « Laisse tomber, Casanova. Ca marche peut-être sur des midinettes mais on ne joue pas dans la même cour, toi et moi. Dégage avant que je ne te gerbe dessus ! » Le fait est. La nausée de la jolie allemande se faisait diablement virulente, au point qu’elle dû s’asseoir un moment contre l’un des fauteuils de velours de la salle de spectacle. Il fallait qu’elle tienne le coup, ce n’était pas le moment de flancher ! « Neige, ça va ? » « Si tu me poses encore la question, j’te jure que je te twiste la tête ! » Hormones, hormones…

Une chance que Danny ne soit pas susceptible ! Il lui tira la langue, fidèle aux gamineries qu’ils s’envoyaient volontiers dans la face. Sauf qu’il fut le premier à remarquer le manque flagrant de réaction dont faisait preuve Neige. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : elle avait un truc de fou en tête. D’ordinaire, elle était n’était pas autant sur les nerfs, sur le qui-vive pour un petit grain de riz et tâchait de rire aux blagues les plus pourries juste pour faire mine d’être intéressée. Son tempérament n’était pas évident certes, mais à ce point là, cela dépassait l’entendement. Danny en vint presque à craindre le pire lorsqu’il vit Amaury s’approcher et tenter une salutation tout à fait mignonne. Il tourna les talons pour leur laisser de l’espace, non sans scruter le bloc de Neige au passage histoire de ne pas dire qu’il ne fichait strictement rien… mais il craignait singulièrement le pire. Il n’avait plus vu la jolie allemande dans un tel état de nerfs, tant et si bien qu’elle aurait flingué du regard même son meilleur ami. La preuve… si le danseur avait un ton léger et ravi, sûrement provoqué par sa joie de la voir, elle fut nettement plus glaciale. Danny n’alla pas jusqu’à faire des suppositions sur la raison, mais il espérait simplement que ce ne soit pas grave. « Tiens, un revenant ! Je suis tentée de dire non, vu que c’est du de twister la tête d’un fantôme ! » Et ramasse ton dentier à la pince à épiler… même son associé ouvrit deux grands yeux étonnés face à cette phrase prononcée d’une voix aussi glaciale qu’un vent de Sibérie. Diantre, mais elle avait bouffé du lion ce matin ?! En tout cas, Neige semblait furieuse. Il y avait de quoi, après tout. Les deux tourtereaux avaient passé une nuit magique, suivit d’une journée fabuleuse ne l’étant pas moins, mais depuis trois semaines, c’est à peine si Amaury la regardait. Il y avait de quoi être frustrée par ce manque cruel de présence ainsi que de chaleur humaine… n’importe qui l’aurait fait comprendre de façon plus délicate, mais Neige n’était pas une femme délicate, autant être honnête. « Je n’ai pas soif, merci. J’ai surtout une intense envie de vomir, au sens propre comme au figuré, pour l’instant. »

La jeune femme haussa les épaules, ne sachant pas au juste pourquoi cette rage froide s’emparait d’elle alors qu’Amaury n’avait fait que la saluer… probablement le fait qu’il ne l’ait même pas embrassée y était pour quelque chose, ou plutôt parce qu’elle se faisait des films tous plus ridicules les uns que les autres ; ou encore parce que la nouvelle venant juste de lui tomber dessus n’avait de cesse de l’achever… quoi qu’il en soit, Neige peinait à contrôler sa colère. C’était plutôt récurant comme situation, mais là cela demeurait particulièrement vrai. « Tu m’excuseras, j’ai beaucoup de choses à faire et j’aimerais autant ne pas rentrer à des points d’heure chez moi. Je suppose que ta partenaire t’attend. » Cette fois-ci, elle n’eut même pas l’idée de sortir une horreur sur Laura : elle n’en n’avait pas l’énergie. Cela prouvait bien d’une que quelque chose clochait chez elle, et de deux le fait que ses propres suspicions soient en train de la bouffer littéralement. « Continue donc ce que tu fais si bien depuis trois semaines : briller par ton absence ! » La jeune femme s’empara furieusement de son bloc, le prenant des mains de Danny, qui lança un regard incrédule à l’attention d’Amaury : lui non plus ne l’avait jamais vue dans cet état. Elle s’éloigna au fond de la salle, où elle espérait être tranquille, reprenant tant bien que mal son boulot malgré ses nausées récalcitrantes et son teint affreusement pâle.

Danny n’osa surtout pas s’avancer, surtout qu’il n’avait jamais vu Neige dans un état pareil. Hausser les épaules lui parut être la meilleure solution : après tout, il valait mieux s’adresser à la jeune femme directement. Ce que le beau danseur fit rapidement, tout en prononçant des paroles qu’elle n’était pas du tout prête à entendre. Bien sûr qu’elle avait été occupée, mais il ne fallait pas tout mélanger : s’il avait été disponible, Neige aurait été la première à se libérer de toute obligation pour être en sa compagnie ne serait-ce qu’une heure ou deux. Mais le plus long moment qu’ils avaient passé ensemble durant ces trois semaines revenait finalement à la somme totale de vingt minutes à tout casser… de quoi se poser de sérieuses questions et, au final, péter une durite pour un petit grain de riz en pleine salle de répétition. Neige avait bien assez à supporter en ce moment, alors la rendre coupable d’une faute qu’elle n’avait pas commise, c’était tout de même la goutte d’eau qui fait déborder la potiche ! « De quoi ?! Qui a prétexté être sur le branle bas de combat quasiment vingt-quatre heures du vingt-quatre, hein ?! N’inverse pas les rôles, pitié ! » Pour un peu, elle aurait presque prouvé que la lassitude et la fatigue avaient raison de son habituelle colère glaciale. Surtout qu’Amaury l’acheva en lui demandant à pouvoir parler à sa meilleure amie… et non à sa petite amie. Ce fut comme un véritable coup de massue pour elle. Et encore, elle n’était pas au bout de ses peines ! Roulant des yeux avec une sorte d’agacement lattent, elle finit par s’emparer du poignet du danseur pour l’emmener dans un couloir désert, bien que celui-ci borde justement la salle. Ici, pas de témoins, pas de bruit, pas de chaleur étouffante provoquant une sueur indescriptible au niveau du front de la demoiselle… bref, autant de critères éloignés en un seul voyage. A ceci près que si Neige écoutait toutes oreilles ouvertes, ses lèvres étaient légèrement crispées et elle peinait à supporter le simple fait qu’Amaury balaye leur « histoire » d’un revers de main dès qu’il avait besoin de parler. « Avant que tu ne t’exprimes, tu sais, je ne suis pas cinquante personnes en une. Il va falloir te décider quel rôle me donner dans ta vie, parce que sans vouloir être atrocement médisante, je commence à avoir de sérieux doutes ! »

Mais la jolie allemande eut la bonne idée de se frotter légèrement le visage tout en prenant une grande inspiration. Ainsi, elle tenta de voir la situation de façon plus froide, avec davantage de recul. Cela n’ôtait pas tout son ressenti, bien évidemment, mais c’était toujours un début. « De quoi tu voulais me parler, au juste ? Je t’écoute. Il n’y a pas un pélot ici, alors tu peux te lâcher je crois ! » Elle ne rompait pas le contact visuel afin de s’assurer qu’il ne lui cachait rien… mais même avec ça, pas sûr qu’Amaury lui dise toute la vérité, rien que la vérité.

Neige avait vraiment prié intérieurement pour qu’il ne s’agisse pas de ça. Elle pensait, naïvement sans doute, qu’une telle chose ne pourrait pas leur arriver avec ce qu’ils avaient déjà surmonté. Mais à l’entente de la sentence, le visage de la jolie allemande se décomposa aussitôt. Ses traits ne furent plus marqués par la colère, ou par une impassibilité parfaite, mais plutôt par une infinie tristesse sur laquelle elle n’avait aucun contrôle. Elle d’ordinaire si insensible, si forte, la voilà réduite au silence par une seule personne ! D’accord, Amaury n’était pas n’importe qui, mais elle ne l’aurait jamais cru capable de lui faire tant de mal. Après tout, il était toujours facile de dire qu’il s’agit de la faute de l’autre, et que ce baiser ne voulait rien dire… il lui avait quand même apporté des fleurs à la base. C’était tellement charmant et naïf que la demoiselle s’en serrait presque giflé histoire de se redonner sa contenance habituelle. Mais au lieu de ça, rien. Ses poings étaient pourtant serrés, sa respiration de plus en plus haletante, mais elle se trouvait dans l’incapacité absolue de prononcer le moindre mot. Bientôt, plusieurs larmes débordèrent de ses yeux, à l’image de la détresse qu’elle ressentait… comment diable en était-elle arrivée là ? A se retrouver enceinte de ce danseur lui faisant face, venant tout juste de lui avouer avoir été embrassé par une autre ! Que l’initiative vienne de l’un ou de l’autre ne pouvait pas être pris en considération pour l’instant, Neige n’en n’avait pas l’énergie. Surtout qu’il l’avait tout de même évincée pendant près de trois semaines ! Finalement, elle leva le poing avec rage et détermination, le brandissant avec la ferme intention de gifler Amaury de toutes ses forces, mais elle se stoppa en chemin. A quelques millimètres seulement de sa joue, sa main tremblante s’était stoppée, et ses lèvres s’étaient mises à violemment trembler sous la foule de sentiments qu’elle ressentait et ne pouvait décemment décrire. « Ça te turlupine, hein ? » finit-elle par articuler non sans une intense difficulté. Le pire, c’est qu’un flot de paroles se bousculaient contre la barrière de ses lèvres, mais celles-ci refusaient de s’ouvrir avec de les laisser sortir. A la place, elle fut finalement prise d’une violente nausée et dû se ruer sur la poubelle la plus proche, secouée comme elle l’avait rarement été, ne se redressant que plus affaiblie que jamais tandis qu’elle s’éloignait de ladite poubelle aussi pâle qu’une ombre.

« Pendant trois semaines tu m’as volontairement évincée. Je me suis posé des centaines de questions et finalement, la vérité éclate ! Tu as bien joué le jeu, finalement… je te félicite, je me suis bien fait avoir, toutes mes félicitations !! Et dire que je pensais avoir quelques sous d’intelligence… que tu viendrais me parler directement parce que tu me faisais confiance. Quelle naïveté ! Peut-être t’aurais-je cru si tu étais venu juste après, si tu avais pris ton courage à deux mains plutôt que de laisser trois plombes passer pour me balancer cette bombe maintenant ! Quelle conne, mais quelle conne… c’est pas croyable ! » Neige avait passé ses deux mains contre son front et empoignait désormais ses mèches de cheveux en tentant vainement de faire quelques pas. Non seulement elle se sentait prête à commettre un meurtre, mais en plus, elle était secouée par un secret qu’elle ne pourrait pas porter longtemps toute seule… quelle poisse ! « Elle t’a sauvé le genou, donc tu lui portes un bouquet, normal. Et si elle t’avait sauvé la vie, tu aurais fait quoi ? Tu l’aurais demandée en mariage ?! » On ne pouvait pas lui en vouloir : c’était un énorme coup de massue. Il n’y avait aucune bonne façon de réagir, somme toute, et Neige réagissait comme elle le pouvait alors que ses larmes refusaient de cesser de couler.

A croire que le dialogue n’était décidément pas leur fort. A moins qu’on ne puisse dire à quel point ils étaient doués pour se balancer les pires horreurs du monde alors qu’un seul silence était entre eux nettement plus parlant… et plus significatif vis-à-vis de leurs sentiments respectifs. Pour une fois, Amaury pouvait bien se vanter d’avoir réussi à clouer le bec de l’impétueuse Neige ! Mais en attendant, son cœur se serrait de seconde en seconde et même le fait de respirer était devenu douloureux. Effectivement, elle n’avait pas été là pendant ce drame, mais son accusation sonnait comme réchauffée. L’orgueil et la colère parlait mais diable, comment s’y prenait-il pour lui faire si mal aussi facilement ? A croire qu’il n’ait été bourreau dans une autre vie sans en avoir montré le moindre signe préalable… mais la jolie allemande plaidait coupable pour ses précédents crimes, et avait tenté de s’en excuser à maintes reprises, à sa façon. S’il n’était pas content, alors pourquoi diable lui avait-il avoué ses sentiments ? Cela ne tenait pas debout une seconde ! D’autant que son argument ultime souleva littéralement le cœur de Neige et rien ne put désormais l’empêcher d’asséner à Amaury la gifle du siècle, accompagné d’un cri ressemblant fort à ceux des guerriers en tant de grande bataille, afin d’apaiser la soudaine douleur atroce qu’il venait de raviver. Si seulement il savait… mais non, justement, il ne savait pas et c’était parfait ainsi. « Parfait ! Au moins je sais ce que tu penses !! Facile de se rendre compte que j’aurais beau m’excuser pour toute cette merde, tu es aussi rancunier que je peux l’être, alors je te retourne le compliment : chapeau l’artiste !! A ceci près que tu n’as rien vu venir non plus et que j’estime avoir été suffisamment punie pendant ma fausse couche !! » Qu’importe le potentiel public pouvant se trouver derrière les portes des salles alentours, la jeune femme était incapable de ne pas hurler cette douleur latente l’empêchant littéralement de respirer comme de penser avec discernement. Amaury avait le don pour lui provoquer les émotions les plus agréables et de la faire sortir de ses gongs d’une seule parole… elle maudissait bien évidemment cet effet qu’il lui faisait.

« Franchement, si tu n’es pas capable de passer à autre chose et de pardonner, je ne vois pas durant quel siècle tu me demanderais en mariage !! » Pourtant, et bien que ce soit aussi étonnant que de l’entendre se déclarer à lui, elle aurait été la première à dire oui sans aucune hésitation. Le pire, c’est qu’elle était à la fois paniquée et heureuse de ce qui était en train de lui arriver… du moins avant que cette discussion ne soit mise sur le tapis et que son cœur soit devenu aussi lourd qu’une pierre. « Moi je n’ai embrassé personne. J’ai balisé sur quelque chose de personnel, grosse nuance. Ose me regarder dans les yeux et me dire que ça ne te ferais pas mal d’apprendre que j’ai été embrassée par un autre, hein ? Mais vas-y, continue et prétend que personne ne pourrait le faire, ne te gêne pas ! Plus rien à cirer !! » Neige était sûrement la plus en colère des deux. Ce fut évident lorsqu’elle balaya ses lèvres d’un geste violent et tourna les talons avant de dire quelque chose d’impardonnable. D’une certaine manière, elle agissait avec une certaine dose de sagesse, même si celle-ci n’était que maigre… elle pensait à une nouvelle donnée entrant dans la ligne de l’équation. Donnée qu’elle ne pourrait plus ignorer désormais.

Au final, Neige ne savait même plus pourquoi elle s’énervait. Mais le fait est qu’elle frissonna violemment lorsque le danseur l’eut rattrapée et stoppée en la prenant par les épaules… à chaque contact, elle était comme figée. Il avait cet effet sur elle que personne d’autre n’avait… et parfois, elle détestait cet état de fait. D’autant que sa vie venait de prendre un tournant plus vertigineux et que sa capacité à réfléchir s’en était trouvée bien amoindrie. Ce fut sans nul doute la raison pour laquelle elle fuyait son regard de toutes ses forces, incapable de se décrisper réellement. Diable qu’elle aurait préféré être loin à l’heure qu’il est… mais Amaury eut évidemment le don pour capter son attention, allant même jusqu’à obtenir un premier contact visuel de sa part alors qu’il terminait son beau discours. Neige déglutit avec difficulté ; le simple fait qu’il ne lui rappelle leur nuit délicieuse la faisait baliser plus encore. Tout ce qui la ramenait à sa délicate condition ne pouvait qu’augmenter ses craintes, à vrai dire. Sans même répondre quoi que ce soit de concret vis-à-vis de tout ce qu’il venait de lui avouer, elle pâlit une nouvelle fois non sans pousser un soupir, comme prête à s’écrouler. « Il faut que je m’assoie d’urgence… » parvint-elle à articuler en un souffle. Elle se dégagea délicatement de l’emprise d’Amaury et se laissa glisser contre le mur le plus proche, ramenant ses genoux vers elle comme pour se protéger d’une éventuelle attaque malveillante. En l’occurrence, le jeune homme ne lui voudrait jamais aucun mal et bien qu’elle ait soigneusement évité de lui faire comprendre qu’elle le savait, Neige en avait bien conscience. Amaury souhaitait sûrement que les choses soient simples entre tout, tout comme elle le voulait… mais c’était à croire que le monde se soit littéralement ligué contre eux. « Personne n’a parlé de coucherie. Je n’ai absolument pas remis ça en cause, ne mélange pas tout » commença-t-elle tout en se concentrant sur un point dans le vague, fixant ses pensées à cet unique point afin à son tour de ne surtout pas tout mélanger.

« Tu danses bien avec Miss Diable deux mille douze, alors il n’y a aucune raison pour toi de craindre quoi que ce soit de mon coéquipier, comme tu dis si bien. On forme une bonne équipe, c’est tout. Si j’avançais l’argument dans le sens inverse, tu me dirais la même chose je suppose ! D’autant que tu ne me proposes jamais de sortir, d’aller quelque part, ou même de danser avec toi en pleine rue, je sais pas moi ! Je ne suis pas spécialement manchote, même si je suis loin d’avoir ton talent. Et puis merde, ça n’a strictement rien à voir avec la choucroute ! Oh non pas de référence à la nourriture sinon je vais rendre mes tripes… » Neige soupira à cette simple pensée. Son corps s’était affaiblit de façon telle qu’elle peinait même à garder les yeux ouverts à certains moments. Tout ce qu’elle espérait, c’est pouvoir tenir le coup suffisamment longtemps pour honorer le contrat la liant à ce même bâtiment où elle se trouvait actuellement… « De toute façon, tu n’as pas compris. Inutile de te torturer alors ! » Ce qu’il n’avait pas compris, mystère. Mais elle n’était pas prête de cracher le morceau de toute façon…

Neige se retrouvait face à un dilemme. D’un côté, lâcher cette bombe à retardement maintenant reviendrait à dire qu’elle n’avait pas pris le temps d’y réfléchir posément de son côté, mais de l’autre, si elle ne prenait effectivement pas le temps de le faire, la jeune femme serait incapable de ne pas péter à nouveau une durite d’ici quelques minutes. Amaury était en train de la perdre avec ses suppositions, mais sa dernière phrase fut d’une clarté absolue : les mains contre ses genoux, il devait sentir la violence de ses tremblements, mélange de peur et de doute s’insufflant entre les moindres parties de ses os. Si elle avait pu fuir loin, très loin, autant dire qu’elle ne s’en serait pas privée. A vrai dire, elle ne savait pas si sa révélation ferait mal à Amaury… mais quelque chose lui disait que ça n’allait pas évoquer d’excellents souvenirs en lui. Leur précédente expérience n’avait pas encore été digérée, elle en avait eu un avant-goût quelques minutes plus tôt, tant et si bien que ses craintes ne s’amoindrissaient pas le moins du monde, même face aux paroles du jeune homme se voulant rassurantes. Plus les secondes filaient sur le cadrant, et plus l’envie de tout déballer s’amoindrissait d’autant. Amaury n’était pas prêt de faire la lumière sur cette affaire… « Je n’ai pas la gastro, je ne suis même pas malade, dis pas de connerie ! » D’accord, c’était mal partie puisque Neige n’avait de cesse de manquer de se trahir. Elle déglutit avec difficulté, tandis que de longues larmes s’écoulaient de ses yeux d’un bleu eau-de-mer particulièrement clair. Sa respiration était devenue aussi douloureuse que le reste, le stress n’arrangeant en rien son état général et l’envie de savoir du beau danseur n’avait de cesse d’augmenter toute cette pression d’ors et déjà posée contre ses frêles épaules… Neige avait beau avoir une force de caractère que tout le monde lui enviait, face à cet évènement imprévu, elle n’était rien d’autre qu’un fragile fétu de paille ; que l’on aurait pu briser en le prenant avec trop de dureté. « Je vais très bien, pas la peine de baliser » reprit-elle tout en essuyant rapidement ses larmes et en poussant un long soupir en gardant ses yeux clos. Et si Amaury comprenait ? Et s’il était capable de mieux gérer la situation qu’elle ? Non, impossible. On parlait du danseur, pas de Superman. Même s’il était son Superman, de bien des manières…

« Tu ne veux pas savoir, crois-moi » finit-elle par lâcher tout en levant les yeux au ciel. Sans doute était-elle en train de prier pour qu’on ne la sorte de là d’une façon ou d’une autre, afin qu’elle ne soit surtout pas obligée de cracher sa valda face aux multiples questions d’Amaury qu’elle entendait se bousculer d’ici dans son esprit déjà perdu. « Je ne suis pas malade. Je panique, c’est tout. » A partir de cette ultime réplique, Neige capta le regard du jeune homme d’une façon presque désespérée. A ce moment précis, elle espérait plutôt qu’il soit capable de raccrocher tous les wagons ensemble et comprenne justement de lui-même où elle avait voulu en venir…

Trouver tout seul comme un grand, et ben on n’est pas fauchés avec ça ! Du moins Neige le croyait-elle afin d’obtenir ne serait-ce qu’un minuscule répit avant qu’il ne devine effectivement l’anguille sous la roche. Le signe qu’il fit contre son torse manqua de la faire pâlir à nouveau. Pour quelqu’un se considérant comme une andouille pas finie, il avait un flair semblable à celui de Sherlock Holmes ! Au départ, la jolie allemande fut incapable d’articuler ne serait-ce qu’un mot, n’ouvrant la bouche que pour la refermer aussitôt en constatant qu’aucun son ne pouvait en sortir. Sa peur avait pris trois crans d’un coup et ses tremblements s’intensifièrent d’autant. Cette fois-ci, Neige n’avait pas menti, elle n’avait pas fuit ni cherché à se cacher la vérité à elle-même… la jeune femme s’était simplement désespérée en constatant qu’Amaury la fuyait à moitié, soit disant trop occupé pour passer ne serait-ce que vingt minutes d’à filée en sa compagnie. Ça ne lui avait guère laissé entendre une fin heureuse pour cette grossesse. Et pourtant, sans comprendre pourquoi, Neige s’y était accrochée. Il s’agissait de la première vraie bonne nouvelle qu’elle recevait dans son existence toute entière. Il n’était pas question de mort, de vengeance, de rancune, de colère… il s’agissait de la chose la plus positive du monde, et bien qu’elle ait réagit totalement à l’opposé la première fois, une sorte de maturité semblait s’être écrasée contre sa conscience puisque Neige semblait littéralement métamorphosée, même si ce n’était pas évident au premier coup d’œil. « Andouille pas finie, hein… » La jolie allemande ne trouva rien de plus spirituel à dire, sachant qu’elle était incapable de prononcer les trois mots qui allaient, de toute manière, changer radicalement leurs vies dans les mois à venir. Dans son esprit, il semblait plus qu’évident que l’avortement n’était pas du tout à l’ordre du jour, bien au contraire. Elle préfèrerait même se taillader les veines plutôt que de vivre un tel enfer… « Tu sais que si Szadowski père apprend qui je suis vraiment, je suis dans la merde. Danger public, je te dis ! Quelle fine équipe, ça me rend malade d’avance… pas toi et moi, hein !! Plutôt moi. »

Si le russe avait fait assassiner la mère de Neige, il y avait fort à parier pour qu’il ne faille pas donner cher de la peau de la jolie allemande quand il apprendrait la vérité. Sans compter qu’elle l’avait déjà détroussé à de très nombreuses reprises, bien que le beau danseur ne soit pas au courant de trois pour cent de ses méfaits. A cette simple pensée, elle ramena plus encore ses genoux vers elle avant de lâcher un très léger rire cynique tout à fait de circonstance. « Mais tu es plus occupé que tu ne l’as jamais été, alors je crois que je vais devoir apprendre à me démerder toute seule. » Cette phrase voulait dire deux choses : d’une que ce bébé était loin d’être une mauvaise nouvelle bien qu’inattendue ; de deux que le dialogue était plutôt rompu depuis trois semaines et que ça ne faisait que peser plus encore sur son moral en berne.

Amaury avait toujours eu cette formidable façon de tout prendre de façon si légère qu’il parvint miraculeusement à arracher un sourire à Neige. Pourtant dieu sait que sa panique surplombait allègrement tout le reste et qu’elle peinait ne serait-ce qu’à respirer normalement… et dire qu’elle avait pensé qu’il la lâcherait comme un vulgaire vêtement sale ! Il s’agissait d’une grotesque erreur, surtout qu’elle connaissait très bien son côté avenant, câlin et proche de sa famille. Amaury était incapable de vivre seul plus d’un jour, il ne supportait pas le silence et encore moins les gens désagréables… sa façon d’en être agacée n’était pas semblable à celle du commun des mortels, mais après tout, Neige ne l’aimait pas spécialement pour sa normalité. A ceci près que bientôt, ils ne seraient plus deux dans l’équation mais trois. Cela signifiait qu’elle avait plutôt intérêt à mettre la pédale douce sur ses cambriolages, s’adonner davantage à ses contrats en tant qu’architecte et éviter de provoquer la famille Szadowski à moins de ne vouloir finir sous un train. Cela impliquait aussi d’éviter Laura comme la peste… d’un côté rien ne lui ferait plus plaisir, mais d’un autre, la provoquer était un tel délice qu’elle allait avoir du mal à s’en priver, surtout si la blonde la titillait la première. Mais tout ceci lui parut bien lointain face à l’étreinte offerte par le beau danseur, suivie d’une réaction à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde. « Tu… tu es content ? » demanda-t-elle bêtement. Neige n’avait aucun bon réflexe face aux situations sentimentales, et ses hormones ne l’aidaient aucunement en la matière dans la seconde. Elle tremblotait encore, mais une vague d’émotion s’empara d’elle et, bientôt, ce fut plutôt une sensation positive qui la prit aux tripes. « Je le sais depuis ce matin. Mais j’ai des doutes depuis une semaine. Pas le moyen de pouvoir parler sérieusement alors j’y suis allée toute seule, pas d’autre choix ! »

Il aurait fallut du temps à Neige pour pouvoir balancer un boulet de canon pareil et faire en sorte qu’Amaury ne puisse l’accompagner. A ceci près qu’elle n’avait pas eu la chance de pouvoir évoquer ne serait-ce que le sujet en surface et s’était donc débrouillée, une fois encore, toute seule. « Il va falloir que j’évite Laura aussi. J’adore la rendre givrée de rage mais là… c’est une question de survie. Il est dans la merde ce gamin… sa mère est une voleuse. Dieu sait que le mot est faible. Mais… tu te serais fait chier même avec moi en sortant plus tôt ?! » Neige se redressa subitement, incrédule. Les hormones commençaient déjà à lui jouer des tours… sûr que si Amaury considérait être avec elle comme un ennui, les bases ne risquaient pas d’être saines. Mais elle savait aussi qu’il avait une fâcheuse tendance à s’exprimer de façon on ne peut plus personnelles… « Je saurais jamais comment faire, c’est la cata totale ! On ne vit même pas ensemble, en prime. » Non sans une intense difficulté, la jolie allemande tenta de se relever à plusieurs reprises avant de n’y parvenir de façon très hésitante. Diantre, si elle était affaiblie comme ça durant huit mois et des brouettes, bonjour l’ambiance ! « Il est pas question que je l’abandonne, de toute façon. » Au moins, c’était dit.

« Vraiment » répéta-t-elle d’une voix on ne peut plus catégorique. Ce n’est pas parce que Neige n’était pas habituée aux grandes embrassades sentimentales qu’elle n’avait jamais voulu fonder sa propre famille, prouver qu’elle pouvait faire mieux que ses parents ET qu’elle était tout à fait en mesure d’organiser sa vie en fonction d’une autre vie humaine. Il y avait certes du boulot à ce niveau là… mais la jolie allemande savait faire les efforts les plus extraordinaires et l’avait déjà prouvé à maintes reprises. Sa panique était d’ailleurs bien moindre comparée à celle ressentie lors de sa première grossesse… à ce moment là, de nombreuses inconnues s’opposaient à elle et Neige n’était pas en mesure de gérer une autre personne qu’elle. Cela allait donc lui demander une organisation titanesque, du soutien constant de la part du danseur, probablement provoquer de nombreuses disputes à cause de ses hormones jouant au yoyo avec ses humeurs déjà apocalyptiques mais cela pouvait très bien être mené à bien. Qui a dit qu’impossible rimait avec Neige Hengel ? A ceci près que son beau danseur n’était pas au courant de la moitié de ses activités et ça, c’était une épineuse affaire. Danny risquait de la foudroyer sur place si jamais il apprenait qu’elle s’était confiée à Amaury, mais étant donné cette nouvelle bouleversante, la jolie blonde ne pouvait plus faire comme s’il n’existait pas une fois qu’elle reprenait sa casquette de voleuse… s’ils comptaient être meilleurs que leurs parents respectifs, autant commencer par un brin d’honnêteté. « Huit mois, c’est extrêmement court tu sais, surtout si tu es sans arrêt overbooké. Faut pas me laisser tomber sur ce coup là, sinon je risque de te détester très vite ! » Le sérieux de Neige aurait presque pu glacer le sang de n’importe qui mais à sa décharge, elle ne se voyait pas du tout prendre en charge ce bébé par ses seuls moyens. La question financière ne serait pas un problème, mais émotionnelle… c’était une autre paire de manche. « Je suis bien une voleuse Amaury, tu as bien entendu. »

La jeune femme se détacha légèrement du danseur après s’être emparée de ses mains pour se faire. Elle fit quelques pas dans le couloir, s’assurant d’un même coup qu’ils ne seraient pas écoutés, et prit par la suite une grande inspiration afin de se lancer… « Cela fait longtemps. Je suis architecte c’est vrai mais mes absences ne sont pas dû à mon métier. Musée, grandes fortunes… je me suis « attaquée » à de nombreuses personnes. Je suis très recherchée, même. Au début, c’était un jeu. J’avais mal, rien de me faisait me sentir bien alors je cherchais des palliatifs. Merde, après tout, personne ne peut savoir ce que ça fait de rendre des visites quotidiennes à son père et de voir qu’il ne te regarde même pas dans les yeux, ne t’entends pas et pire, ne te reconnaîtras sûrement jamais ! J’en veux à la terre entière. Mais plus récemment, mes actions ont été uniquement dirigées vers qui tu sais. Il m’a pris ce qui comptait le plus à mes yeux. Je voulais lui rendre la pareille… je le veux encore, parce qu’il mérite d’être sur la paille. » Amaury allait sûrement s’enfuir à toutes jambes en apprenant une chose pareille. Mais d’un autre côté, Neige n’éprouvait aucune honte… elle s’était construite avec les seuls moyens en sa possession, de la façon la moins douloureuse ayant été à sa portée. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a… « Je n’ai jamais tué personne, je ne sais pas me battre et je ne suis pas recherchée pour meurtre, ne va pas t’imaginer des trucs pas nets ! Mais je suis douée pour l’illusion, en revanche. Avant, j’en avais strictement rien à foutre, je n’avais rien à perdre. Maintenant… » La donne avait considérablement changé.

« Disons que dans mon appart’ il a pas mal de choses et d’autres… » répliqua-t-elle le plus mystérieusement possible. Neige n’avait pas la moindre intention de lui faire l’inventaire de ce qu’elle avait volé et ce qui lui restait actuellement entre les mains. Sa confidence se trouvait déjà être un énorme sacrifice qu’elle lui offrait. Fallait-il qu’elle l’aime bien plus qu’elle n’aimait sa liberté ou même son petit confort pour s’adonner à prendre un tel risque. Amaury n’en n’avait pas encore conscience –comme l’attestait sa réaction actuelle–, mais la jolie allemande avait beaucoup pris sur elle dernièrement. Beaucoup d’excellents coups lui étaient passés sous le nez justement parce qu’elle avait pris conscience de ses sentiments pour le jeune homme. Il n’était pas question une seconde de le mettre en danger, et le bébé encore moins. A ceci près qu’elle n’avait pas encore totalement à l’esprit le fait que sous peu, elle allait devenir aussi fragile qu’un verre en cristal. Hors de question de se lancer dans de grands braquages où elle pouvait se prendre une balle dans la tête ou ailleurs, ni même de sillonner le monde à la recherche des plus grandes œuvres d’art à refourguer à l’aide de son habileté habituelle. Hors de question de reprendre sa petite vendetta, aussi. Mais voilà qui allait lui demander un sacrifice bien plus extraordinaire et qui, bien évidemment, lui prendrait davantage de temps. « Danny est mon associé… à la base, disons qu’il est mon partenaire pour ça avant tout. C’est le meilleur, il est le seul en qui j’ai confiance et c’est notamment grâce à notre duo que nous n’avons jamais été inquiétés par les autorités. Mais ça n’a pas la moindre importance, tout ça ! » Enfin, pour Amaury, cela devait évidemment en avoir puisqu’il avait soudainement pâli. Si elle avait su, jamais Neige n’aurait pipé mot quant à ses véritables activités… car résultat, elle risquait d’en entendre parler jusqu’à la trinité ! « Amau, ce ne sont pas les femmes qui ont de la valeur pour ce salopard ! Réfléchis deux minutes : qu’est-ce qu’un mafieux peut bien aimer dans la vie, à ton avis ? Ses affaires et ses trophées, évidemment ! Sa famille, il s’en contrefout comme de sa première paire de pompes ! Si tu savais ce qu’il s’apprête à faire à son fils, tu pâlirais sûrement davantage… je coule tout simplement ses affaires pour ma part. Une fois ruiné, il ne sera plus dangereux et je pourrais ENFIN respirer à l’air libre ! »

Après tout, Neige restait sans arrêt en danger. Il ne fallait pas compter sur elle pour rester bien sagement sur la touche en attendant qu’il ne devine le pot aux roses et ne la dégomme d’une balle dans la tête. Elle préférait mille fois frapper la première. « Tu vois, c’est spécifiquement pour CA que je ne voulais rien te dire ! J’ai conscience de tout ça, qu’est-ce que tu crois ?! Jusqu’ici, je n’avais rien à perdre. Mais maintenant, j’ai toi, j’ai cette crevette qui pousse dans mon ventre, tu penses que je ne suis pas morte de peur ?! Merde Amaury ! J’ai fais d’énorme sacrifices depuis que ça commence à devenir sérieux entre nous, justement pour te protéger. La dernière chose dont j’ai besoin ce sont tes sermons, merci ! Tu as plus souvent été blessé en exerçant ton art que moi, pourtant, je te signale ! »

Le pire, c’est que Neige était pleinement consciente du fait qu’Amaury était dans le vrai. Ce fut sans doute la première raison pour laquelle elle baissa soudainement la tête, légèrement honteuse. Elle finit par se mordiller la lèvre inférieure tandis que les mots du beau danseur s’imprégnaient dans son esprit comme s’il usait un fer rouge pour la marquer. « Pourquoi moins de deux mois ? » osa-t-elle demandé, toute persuadée qu’elle était de ne pas avoir donné le moindre timing spécifique vis-à-vis de son petit plan. Neige ne pouvait pas se permettre de jurer sur ce genre de choses. Cela dépendait de tellement de choses… à commencer par les différents déplacements de Szadowski père. Celui-ci possédant des affaires dans le monde entier, il était toujours susceptible de sauter dans son jet privé afin de se retrouver au Japon, en Russie ou ailleurs en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Cependant, Amaury eut le chic pour lui arracher une expression paniquée, ajoutant de l’eau au moulin de sa colère tandis que sa respiration avait pris une soudaine cadence saccadée. Lui, l’aider ? Mais il avait perdu la tête ! « Tu plaisantes j’espère ? Amaury il n’est pas question que tu te mouilles pour moi ou même que tu n’en parles avec les enfants de cet enfoiré ! Tu m’entends ? Je refuse ! C’est catégorique ! » Il ne s’agissait pas d’un élan de méchanceté, bien au contraire, Neige était juste inquiète. Elle prit cependant sur elle afin de reprendre un petit exercice de respiration en vue de se calmer, elle ne tenait surtout pas à faire un malaise en plein couloir, devant les yeux horrifiés du jeune homme. « Même pas sûr qu’ils te croient en prime. Laura encense son père, je suppose que tu le sais ? C’est un trop gros risque et pour le coup, ce n’est pas avec un genou pété que tu risques de te retrouver. Pas question que tu payes MES pots cassés. » Même s’ils étaient deux, bientôt trois et étaient censés partager joies, peines et problèmes, il y avait une limite à l’acceptable. Neige préférait mille fois se taillader elle-même les veines plutôt que de lui demander son soutien dans ce genre d’entreprise…

« Quand j’ai commencé, j’étais jeune et stupide. Tu sais que j’ai dû m’assumer très vite, je t’en avais parlé, très vaguement d’accord mais quand même. Je suis douée pour ça. C’est monstrueux à dire et sûrement à entendre, mais je suis douée pour ça. L’adrénaline, le risque… ça me maintenait en vie d’une certaine manière. Au moins, j’avais un peu plus l’impression d’exister. Je ne te demande pas de comprendre, je sais que tu ne le peux pas. Personne ne peut se mettre dans ma tête, pas même Danny. Mais si ça dérape, moi je sais gérer. Toi non, et c’est parfait comme ça ! Tu es danseur, ta carrière débute et… tu seras sûrement ultra célèbre sous peu ! Je ne veux pas que tu risques ta vie et encore moins ta carrière pour moi. Je peux me débrouiller. » Neige baissa le regard, persuadée qu’il ne la laissera sûrement pas faire et allait même lui coller au train pour s’assurer qu’elle ne faisait rien de dangereux. Tant et si bien qu’elle se mit à serrer les poings… « Je ne peux pas le laisser s’en tirer… tu ne peux pas me demander ça. »

Effectivement, Neige avait beaucoup de mal à faire confiance. Mais dans le cas d’Amaury, la confiance n’était pas le problème, il s’agissait d’inquiétude plutôt. L’impression qu’elle puisse perdre l’être qu’elle aimait le plus au monde lui était insupportable. Elle voulait qu’il aille bien, que sa vie soit sans soucis et qu’il puisse continuer à poursuivre son rêve comme il l’entendait. Sans doute cet élan d’altruisme n’était pas facilement réalisable… mais elle tenait à s’y accrocher. Pour l’instant, le bébé n’était pas plus gros qu’un demi grain de raisin et bien qu’elle ait plutôt une tendance à avoir une santé fragile, il n’y avait aucune raison pour que cela ne se passe pas bien. « Tu sais, le bébé n’est pas plus gros que le bout de mon petit doigt pour l’instant… ça mettra bien deux mois à deux mois et demi avant de se voir. » Neige montra le bout de son doigt en guise de démonstration et profita de l’étreinte qu’il lui offrait pour oublier tout ce qui parasitait actuellement leurs vies. Ah, si seulement elle pouvait rester dans cette position à jamais… sans doute cela simplifierait-il bien des choses. Mais en attendant, elle allait tenter l’impossible pour rester hors de danger. Poursuivre son but sans se faire prendre… voilà qui n’allait pas être piqué des hannetons. « Je vais faire mon possible, tu as ma parole. Tu sais bien que je n’en n’ai qu’une… » Sa fausse couche résultait de leur séparation, du manque qu’elle ressentait vis-à-vis de lui, de la fatigue, du stress… d’énormément de facteurs divers et variés en vérité. Cette fois-ci, le bébé était presque accueillit à bras ouverts et elle lui avait dit tout de suite la vérité. La situation n’était-elle pas diamétralement opposée à la précédente ? « Je veux qu’on soit tout le temps ensemble toi et moi. Je veux dire… Alejandro est très sympa, mais je veux t’avoir pour moi. On va avoir besoin de toi tous les deux, tu ne penses pas ? » Autant qu’il ne soit là à l’encourager si d’aventure ses petites affaires venaient à déraper. Il avait demandé l’aide de sa meilleure amie tout à l’heure… Neige lui renvoyait l’ascenseur.

« Et puis… tu n’as qu’à m’épouser si tu veux être sûr que je me tienne tranquille. » Neige s’était légèrement écartée d’Amaury, ses traits de poupée de porcelaine soudainement sérieux tandis qu’elle captait son regard avec une intensité sans pareille. Elle redoutait peut-être sa réaction… allaient-ils trop vite, ou était-ce le bon moment ? Neige n’avait pas de doutes. Elle avait envie d’avancer dans la vie avec lui, sinon… cela ne vaudrait pas le coup. « Si tu n’étais pas là, tout ce que je fais, tout ce que je suis n’aurais aucune valeur. Ca ne vaudrait pas la peine… »