« STOP ! » hurla Maggie au bout des explications de Daryl. Si nul ne respectait davantage qu’elle ses capacités en tant que tireur d’élite ainsi que son désir de vengeance, l’envie de tirer la sonnette d’alarme n’avait jamais été si forte. Sans en comprendre totalement la raison, ou à tout le moins sans désirer se l’admettre totalement, l’américaine savait que cette vengeance insensée risquait d’être la dernière et cette idée lui était insupportable. S’il lui arrivait malheur, Maggie ne savait pas du tout comment elle pourrait s’en remettre. « Je sais que tu as envie de les voir tous morts et enterrés, jusqu’au fond de tes tripes, mais vivre dans le passé ne t’apportera aucun avenir… il risque de te coûter la vie, ouvre les yeux ! Ouvre les yeux sur ton monde et découvre que justement, tu as quelqu’un qui t’aime ici !! Ne penser à rien d’autre qu’à se venger n’est pas une vie… je ne suis probablement personne pour te dire des choses pareilles et je ne t’empêcherais en rien à faire ce que tu as à faire. Mais Daryl il y a de l’oxygène pour te réapprendre à respirer et une épaule sur laquelle te reposer, juste cette fois, le temps de te réapprendre à vivre… » La pétillante businesswoman n’en menait pas large car elle venait de jeter son cœur dans une arène emplie de lions, en toute connaissance de cause en prime. Face à ce silence, cependant, elle se pétrifia et sentit justement les battements de son palpitant ne devenir que d’autant plus irréguliers, augmentant la pâleur de son visage et le tremblement de ses mains. Sans doute la discussion était-elle close… voilà pourquoi elle hocha une fois la tête pour mieux tourner les talons, se ruant presque à sa voiture avec cette envie latente de hurler. Mais Maggie n’en fit rien. Aucun cri, aucun pleur. Elle se rendit à l’hôpital le plus proche en prenant un taxi –il ne manquerait plus qu’elle fasse un malaise au volant pour que la boucle soit bouclée– laissant sa belle voiture de sport devant la maison de Daryl sans l’ombre d’une hésitation… avant de s’écrouler juste devant les urgences.

Il ne fut guère étonnant qu’elle reste quarante-huit heures sans donner de nouvelles à qui que ce soit : on lui fit subir une batterie impressionnante de tests avant que le couperet de la guillotine ne tombe : son arythmie était due à une défaillance aggravée d’une valve cardiaque. « Parfait ! C’est juste parfait… il ne manquait plus que ça ! » maugréa-t-elle avant de refuser toute intervention en bloc pour mieux quitter l’hôpital après avoir insisté et même harcelé le médecin l’ayant prise en charge pour mieux retourner au seul endroit au monde où elle ne se sentirait pas oppressée : son bureau ! Par chance, Donovan avait pris des congés cette semaine et elle aurait donc tout le loisir d’y rester dormir sans qu’il ne cherche à la raisonner lui aussi. Les heures défilaient sur l’horloge sans qu’elle ne prête une seule fois attention à elles. Maggie travaillait d’arrachepied pour ne penser à rien d’autre, ne prenant qu’un seul appel en des jours : celui provenant du médecin de la famille, tout en sachant qu’elle allait se prendre le savon du siècle. « Docteur Lowne ! J’attendais votre appel justement. Je connais très bien mes résultats mais valve foutue ou pas il n’est pas question une seconde que je laisse qui que ce soit me charcuter. La folie n’a rien à voir là dedans. Vous m’avez vue naître, vous savez… au fil des années, vous m’avez côtoyée et connaissez le plus grand principe à savoir sur moi : je ne fais aucune chose n’ayant pas de sens pour moi. Je n’ai aucune raison de passer sur le billard… mes parents vivent une vie heureuse et en retrait depuis des lustres et bien que je n’ai de cesse de les envier je les comprends. Quant à Lizzie, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne s’installe avec Gaspar. A croire que je ne suis qu’une pièce rapportée. Bien sûr que non je ne suis pas suicidaire ! Je suis parfaitement saine d’esprit. Il me manque simplement une raison de supporter un traitement lourd pendant des mois… une raison. » Peu de temps après, Maggie raccrocha sans état d’âme pour mieux continuer la création de son tout nouveau robot. Elle ne s’accorderait pas le moindre repos avant la finition : et pour cause, celle-ci lui occupait l’esprit avec brio.

Maggie ne manqua pas de sursauter en entendant une voix grave s’élever derrière elle. Elle en fit tomber le tournevis qu’elle tenait entre les mains, peinant à retrouver son souffle sans pour autant manquer ne serait-ce qu’une parole de ce qu’il venait d’énoncer. « Bonsoir, tout d’abord ! » maugréa-t-elle, habillée de son bleu de travail qui, même plein de cambouis, réussissait à la même en valeur. La pétillante businesswoman était pourtant échevelée, ses traits étaient tirés et pâles mais elle ramassa son tournevis de façon impassible en contournant soigneusement le sujet qu’avait pourtant évoqué Daryl, après avoir très certainement surpris sa conversation sur haut parleur avec le docteur Lowne. Diable, elle ne pouvait jamais être pépère, pas même dans son bureau ! « Je me demande comment tu m’as retrouvé… j’avais pourtant stipulé au gardien de nuit qu’on ne me dérange pas à moins que ce ne soit parce que l’immeuble brûlait, on est même trahis par ses propres employés maintenant ! Enfin bref, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je n’ai pas le temps : j’ai une carcasse sur le feu et je déteste partir d’ici en ayant quelque chose en cours. » En vérité, la couverture pliée sur le canapé au bout de son atelier prouvait bien qu’elle n’avait pas quitté les lieux depuis un lustre… à vrai dire depuis qu’elle avait quitté l’hôpital. Maggie restait une femme aussi têtue que sa mère et n’aurait jamais demandé de l’aide à qui que ce soit : sa conversation précédente avec le médecin de famille prouvait bien son manque cruel d’envie de se faire aider. Pourtant, elle ne put résister bien longtemps avant de poser nonchalamment le nouvel outil qu’elle avait pris en main tout en soupirant pour mieux se frotter vivement les yeux. Elle nageait en plein cauchemar. « Depuis quand je suis un soldat à qui tu donnes des ordres, Daryl ? Quant au foyer, première nouvelle, enfin tu t’aperçois que j’existe ! Avant je n’ai pas fait de pas en avant parce que je ne voulais pas m’imposer mais tu as quand même pris une semaine pour venir me voir, je n’ai pas rêvé ! Alors tu m’excuseras de ne pas vouloir me jeter à corps perdu dans cette foutue opération vois-tu ! Surtout pas alors que tu restes obnubilé par ta vengeance… ça me rassure presque de savoir que je peux mourir en sachant que je n’aurais pas à supporter une autre mort ! Au moins je partirais avant que ça se gâte. » Maggie n’était pas suicidaire, elle préférait ne rien n’en n’avoir à faire. C’était probablement aussi cruel pour lui que pour elle, parce qu’elle taisait ses sentiments depuis un bon moment et à l’instant où elle se décidait à se déclarer, tout était brisé. Mais peut-être était-ce elle qui était brisée, dans le fond. « Je te l’ai dis, je ne suis personne pour t’empêcher de faire ce que tu estimes devoir faire et je ne vais pas t’imposer mon point de vue. Mais ne t’étonne pas que je ne saute pas de joie ou que je t’évite. Ca me déglingue d’avoir à imaginer le pire, ce n’est pas une simple mission avec mon père cette fois ! Là, tu ne vas pas perdre que ton travail. Et si tu reviens, ce sera dans quel état… je ne crois pas que la vengeance te soulage de quelque manière que ce soit. Dans le meilleur des cas, tu vas passer l’intégralité de ce qui te reste de vie en prison alors pardonne-moi mais je préfère rester avec mon épée de Damoclès au dessus de la tête… je n’aurais pas à voir ce gâchis de mes propres yeux au moins. »

« Normal, c’est moi qui l’ait fait mon système de sécurité ! » râla-t-elle à son tour non sans comprendre déjà au départ où il souhaitait en venir. Maggie avait simplement refusé d’y croire. C’était proprement illogique qu’il soit revenu pour elle, même si la pétillante businesswoman avait laissé sa voiture devant sa maison du fait de son précédent malaise cardiaque et qu’elle n’avait pas eu la force de revenir la chercher ensuite… cela aurait voulu dire l’affronter et elle n’en n’avait malheureusement pas la force à vrai dire. « Ca veut dire qu’il faut que j’héberge un sans abri ? » ironisa-t-elle car elle n’avait aucune idée de comment réagir autrement mais ses paroles l’avaient diablement touchée, il ne devait surtout pas en douter un instant. Mais ce n’est qu’une fois qu’il l’eut touchée et qu’il se rapprocha d’elle que Maggie entoura son corps de ses bras avec vivacité et passion. Sans qu’elle n’ait le moindre contrôle là-dessus, la jeune femme sentit des larmes se mettre à lui brûler les yeux, preuve qu’elle était non seulement touchée mais aussi apeurée par tout ce qui lui tombait dessus de son côté. Certes, elle n’était plus habituée à se reposer sur quelqu’un, mais d’un autre côté, Daryl n’était pas n’importe qui… il avait fait battre son cœur pourtant devenu fossile à la mort de son mari. Ils étaient deux âmes brisées qui ne pouvaient que se comprendre et se sauver mutuellement… « J’étais en colère c’est vrai mais elle était surtout dirigée vers moi parce que j’étais incapable de décrire avec des mots simples le beau bordel que tu as fais naître en moi… je m’en voulais de ne pas te fournir de raison suffisante pour rester, pour que tu puisses te dire que tu n’as plus besoin de parcourir le globe ni à te mettre en danger autrement que dans l’exercice de ton métier. Je voulais être cette personne, de tout cœur. Tu ne peux pas savoir combien je suis soulagée que tu aies… que tu aies changé d’avis et que tu acceptes de te reposer enfin sur moi. » Maggie sous entendait, maladroitement certes mais tout de même, qu’elle comptait bien prendre soin de Daryl aussi longtemps qu’il lui permettrait de le faire et qu’elle serait tout à fait en mesure de lui offrir un foyer où elle l’attendrait avec patiente et… amour. Il s’agissait bien de cela, au final. Certes, elle lui avait avoué la chose de façon détournée mais il n’empêche. « Tu veux que je me fasse opérer ? » répéta-t-elle avant de s’écarter légèrement, essuyant doucement ses larmes pour retrouver le plus grand sérieux. « Moi qui voulait éviter que mes parents soient au courant il faudra sûrement que je passe par là car si tu pars quand même en mission, je ne pourrais pas rester seule pendant tout mon traitement. Possible que mon père te donne davantage de responsabilités parce qu’il refusera de me laisser toute seule. A croire que je suis toujours son bébé ! Daryl je… si tu nous donnes vraiment une chance je retourne voir le chirurgien qui m’a prise en charge il y a quatre jours dès demain. A la condition que tu sois là pour l’opération… parce que tu viens de m’offrir une raison de me faire opérer. »

« Et s’il n’y a pas que la cuisine qui me manque ? » Maggie n’était pas quelqu’un de câlin dès qu’elle n’était pas en face de son père, de sa mère ou de sa jumelle et n’avait jamais été habituée à être chouchoutée dans le cadre d’un couple, mais il n’empêche qu’elle restait quelqu’un de franc quoi qu’il en soit. Nul besoin de sortir de Saint Cyr pour se rendre compte des sentiments qui l’animaient pour Daryl… elle possédait une façon bien spécifique de le regarder, de le frôler sans vraiment vouloir le toucher et d’être littéralement pétrifiée à l’idée que l’opération ne leur vole ce temps qu’ils semblaient rattraper, peu à peu, à leur manière. Sans un mot supplémentaire, par conséquent, la pétillante businesswoman s’empara du portable tendu par le tireur d’élite pour composer le numéro du Docteur Lowne… elle ne connaissait pas celui du chirurgien l’ayant prise en charge mais cela ne faisait rien : ces deux là se connaissaient. « Docteur, re-bonsoir, c’est Margaret Bennett… je sais mon appel est un peu impromptu et inattendu mais il se trouve que j’ai trouvé ma raison et que je souhaite me faire opérer le plus tôt possible. Vous l’avez dit vous-même, en théorie il n’a pas de temps à perdre. Après demain quinze heures ? Je dois me rendre à l’hôpital dans la matinée, fort bien. Oh et Docteur Lowne ? Merci pour votre patience… » Sans doute ses mains tremblaient-elles à raison mais rien n’empêcha Maggie de rendre l’appareil à Daryl en conservant un sérieux presque choquant. Elle agissait toujours de cette façon lorsque quelque chose la choquait, lui faisait peur ou la dérangeait. « Satisfait ? » osa-t-elle demander sans l’ombre d’une insolence dans le ton de sa voix. Daryl avait eut raison de la pousser, à vrai dire… « Il ne faut pas m’en vouloir, je n’ai pas vraiment l’habitude que l’on prenne soin de moi. Je sais que tu ne le croiras sûrement pas mais Bill était plus carriériste que moi encore, et crois-moi, cela existe ce genre de spécimen ! Il va falloir que je m’habitue à ce que quelqu’un veille sur moi… tout comme il va falloir que tu t’habitues à ce que quelqu’un t’attende patiemment à chacun de tes retours. Il serait criminel que tu continues à dormir à la caserne… je crois savoir que mon père a construit une maison pour moi après avoir fait de même pour ma sœur, pourquoi ne viendrais-tu pas la visiter avec moi ? Si elle te convient… je pourrais y passer ma convalescence et tu pourrais t’y installer aussi. » Maggie ne pouvait pas être plus sincère et bien que son sourire ait légèrement pris la poudre d’escampette pour laisser place à un sérieux évident, il n’empêche qu’elle pensait chacun de ses mots. « Dis-moi qui tu veux que je rencontre et c’est avec plaisir que je te promets de tenir ma langue ! Un peu… »

« J’espère que tu as de la patience parce que parfois je trouve mes inventions ultra sexy… » Curieuse façon d’avouer que parfois, prise dans son élan, il arrivait à Maggie de ne pas voir le jour pendant de longues heures mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’allait pas faire d’effort à compter d’aujourd’hui. Daryl venait justement de lui donner la plus belle raison de le faire… « Nous sommes un couple » déclara-t-elle tout en le regardant droit dans les yeux, afin qu’il n’y ait aucune équivoque possible et qu’il puisse s’accrocher à cet instant à chaque fois qu’il devrait repartir en mission. Ce jour là, à cette heure précise, Maggie avait fait le grand saut main dans la main avec lui, acceptant d’un même temps de se faire opérer mais aussitôt de lier sa vie à la sienne… autant dire que Daryl pouvait immédiatement marquer ce jour d’une croix rouge, bleue, verte, de façon multicolore même ! D’autant qu’il n’était rien capable de choquer quelqu’un comme Margaret Bennett, pas même le fait de « rencontrer » Brooke et leur fille au cimetière. La réciproque ne serait sûrement jamais vraie, mais il n’empêche qu’elle était prête à faire ce pas main dans la main avec le tireur d’élite quand il le voudrait. « Je sais très bien de qui tu veux parler et je m’attendais à ce que tu me le demandes… cela ne me choque pas. Même si je t’avoue que je n’ai pas l’intention de faire de même. Je ne suis jamais retournée sur la tombe de Bill depuis sa mort, et ce pour plusieurs raisons : je ne suis pas quelqu’un qui s’épanche devant une pierre, je lui parle constamment dans ma tête, je n’ai pas besoin de lui porter de fleurs et puis… je crois que ma culpabilité m’empêche de faire de même. Ce n’est pas vis-à-vis de toi mais vis-à-vis de moi. Je suis responsable et… c’est comme ça. J’accepte mes erreurs. Je n’oublie pas pour autant Bill mais… je sais qu’il aurait voulu que je ne me laisse pas avoir à la tristesse. » Maggie traînait ses casseroles de façon unique, tout comme tout ce qu’elle faisait dans sa vie. Elle n’aimait pas comme tout le monde, ne pensait pas comme tout le monde et ne s’attachait pas aux choses comme le commun des mortels non plus. « Je crois que tu peux être fier de toi, tu pourrais me faire dire n’importe quoi tellement je suis attachée à ta personne… une grande première ! » L’américaine éclata de rire avant que son sourire ne s’efface aussitôt face à l’aveu du soldat : diantre de chez diantre, il ne pouvait pas se la fermer de temps en temps celui-là ! « A ton avis, je lui fais bouffer sa plante tout de suite ou j’attends un peu ? Il ne pouvait pas s’occuper de son ficus ! Il y a un très menu problème… oh je serais présente puisque j’ai promis à mon père de venir le voir la semaine prochaine… je ne te garantie pas que je serais d’une amabilité charmante avec ta meilleure amie, j’ai plutôt tendance à être un pitbull face à la gente féminine mais j’ai d’autant plus de raisons désormais ! Il faudrait que l’on réussisse à dormir ensemble quand même… je viendrais juste d’être opérée en prime ! »

« Disons que ma dernière création est moins musclée que toi… bonne réponse ? Et ne t’inquiètes de rien en théorie mon garage est spacieux. » Ne jamais oublier à quel point Maggie était fan de voitures de course, bien que la plupart d’entre elles aient fini par subir un sort funeste, impliquant qu’elle ait de fait un garage aussi spacieux que possible. Mais quelque chose disait à la pétillante businesswoman qu’il ne serait pas utile d’épiloguer là-dessus alors qu’il y avait de nombreuses autres choses à débattre, à commencer par la visite potentielle de l’américaine au cimetière ayant recueillit l’ancienne femme de Daryl ainsi que sa fille. Techniquement parlant cela ne la mettait pas mal à l’aise, sans quoi elle le lui aurait dit, aussi s’étonna-t-elle de ne le voir faire deux pas en arrière en revenant sur ce qu’il lui avait précédemment demandé. « Autre chose à savoir sur moi : je n’ai qu’une parole… donc lorsque je dis c’est okay tu peux envoyer, c’est que je le pense. Ce n’est pas parce que je ne réagis pas de la même façon que je n’ai pas envie de faire leur connaissance. Là on ne parle pas de moi mais de toi. Si je ne suis pas du genre à me recueillir sur la tombe de Bill, je peux tout à fait le faire ponctuellement en ta compagnie sur la tombe de Brooke et de ta fille. Je respecte la chose, il ne faut pas croire. » Mais en dehors de cet effort qu’elle était prête à fournir pour Daryl, Maggie était agnostique jusqu’au bout des ongles. Elle n’avait même pas souvenir d’avoir un jour été à l’église, bien que ses parents s’y soient mariés. L’américaine avait fait un mariage en mairie, tout simple, sans fioriture et surtout sans folklore chrétien et autres choseries du genre… ses parents avaient toujours laissé leurs deux filles décider de leur vision de la religion et Maggie les remerciaient énormément pour ça. « Sauf qu’il y a un menu problème… je suis quelqu’un de possessif et d’assez jaloux quand je m’y mets. Oh je vais tenter de me maîtriser mais je te préviens, ça risque d’être un challenge. Je suis sport, je te préviens d’avance ! Mais si tu ne comptes pas coucher avec une autre femme… ça veut dire que tu vas te glisser dans mes draps en pleine nuit ? » Ne pas y voir d’allusion grivoise… pour une fois, Maggie se renseignait en toute sincérité.

« Mission commando, c’est ton deuxième prénom non ? » plaisanta Maggie tout en arquant insolemment un sourcil sans pour autant sourire. C’était ça toute la complexité de la pétillante businesswoman : elle pouvait rire sans le montrer physiquement, à la manière des grands pince-sans-rire de ce siècle. Mais cela ne voulait certes pas dire qu’elle ne savait pas plaisanter ou qu’elle prenait ce weekend à venir au drame, bien au contraire. « Disons qu’il t’en cuira si tu n’oses pas venir te glisser dans mes draps. » Que Daryl s’en soit déjà rendu compte ou non, Maggie avait une fâcheuse tendance à faire passer ce qu’elle pensait réellement par des menaces sans conséquences ni même bien fondé. Le souci, c’est qu’elle n’avait plus vraiment l’habitude de se sentir « deux » et même lors de son mariage avec Bill, tous deux étaient tellement tournés vers leurs carrières respectives qu’elle ne savait même plus quand ils avaient passé une simple soirée en tête à tête, en amoureux, lors d’un dîner aux chandelles par exemple. Certes, son défunt époux restait quelqu’un de doux mais il brillait par son absence, renforçant de fait le côté carriériste et indépendant de l’américaine… au plus grand désespoir de ses parents. « Dis-moi, est-ce que tu craindrais mon père que tu es prêt à utiliser ta meilleure amie comme un alibi ? N’y voit surtout pas de reproche ! Je veux juste comprendre. Tu sais, mon père ne va pas te fusiller sur la place publique. Il peut être froid et distant au départ parce qu’il ne sait que trop bien par quoi je suis passée, mais… pourquoi continuer à mentir, au juste ? » Maggie n’était pas franchement à l’aise avec l’idée. Loin d’elle l’envie d’imposer une quelconque confidence à Daryl s’il estimait avoir besoin de temps, mais puisqu’ils venaient de se mettre en couple, autant agir comme tel et confier son point de vue à l’autre… même si, à la fin de son propre discours, elle tendit son bras en accompagnant son geste d’un sourire en guise de première réponse à sa question. « Je vous suit, soldat. »

« Ah oui, même sous la torture ? » s’indigna-t-elle aussitôt tandis qu’elle se rapprochait de lui pour mieux lui mordiller l’oreille. « Mais tu ne sais pas à quel point je suis douée en torture… puis j’ai beaucoup d’outils ! » Maggie s’écarta juste après la fin de sa phrase, comme si elle avait dans l’idée de poursuivre ce petit jeu mais la suite de la conversation était bien trop teintée de sérieux pour qu’elle n’ait encore envie de réagir comme une cabotine. La pétillante américaine ne jugeait pas sa façon d’être, bien au contraire c’était bien ce qu’elle avait d’ailleurs respecté en premier, mais elle n’était pas sûre d’être capable de se cacher encore des semaines et des semaines. Avec les années, Maggie avait beaucoup de mal à mentir à ses parents, et ce bien qu’elle se soit acharnée à le fait pour ne surtout pas montrer par a+b son mal être à la mort de son mari, sa solitude, son envie d’exploser et, plus récemment, son arythmie cardiaque ainsi que son problème de valve. Pour ce dernier problème, Daryl était le seul au courant et pour l’instant, la businesswoman préférait qu’il en soit ainsi. Lizzie ne supporterait sûrement pas la nouvelle, quant à ses parents… elle ne risquait pas de les éloigner de sa personne tant leur inquiétude serait forte ! « Ne te méprends pas sur mes intentions, je ne voulais surtout pas te dire pas là que je ne respecte pas ta façon de voir les choses, au contraire je la trouve on ne peut plus honorable et je sais de source sûre que c’est ce qui fera pencher la balance en ta faveur face à mon père. Mais je me rends simplement compte que j’ai passé énormément de temps et d’énergie à leur mentir depuis quelques temps et je ne suis plus sûre d’en être capable sur la durée… je suis le vilain petit canard des jumelles ! » Lizzie ne se serait jamais permise de leur mentir, la preuve, elle avait déjà présenté Gaspar à leurs parents et Maggie ne pouvait donc s’empêcher de l’envier légèrement. C’était fugace, insidieux mais ça n’en devenait pas moins insupportable. Une chance que Daryl lui donne une formidable occasion de changer de sujet sans quoi ses pulsations cardiaques auraient très bien pu devenir incontrôlables ! « Qu’y a-t-il d’étrange ? » demanda-t-elle aussitôt en fronçant les sourcils tandis qu’elle le suivait en dehors de son entreprise, le couple se dirigeant vers le parking où elle pénétra dans sa voiture : il valait mieux être discret et faire une partie du chemin en voiture s’ils ne voulaient pas risquer d’être bêtement démasqués. « Tu avais quelque chose à y faire là bas ? Je veux dire c’est une bonne idée moi où tu vas j’irais en vérité ! »

Disons que Maggie avait le pardon facile jusqu’à un certain point. Il ne faudrait pas que ce petit mensonge traîne trop ou bien elle serait tentée de venir trouver elle-même son père entre quatre yeux pour lui avouer. Après tout, il n’avait pas fait tout un fromage face à Gaspar, un gardien de prison qu’il ne connaissait absolument pas, aucune raison qu’il n’ait pas confiance en Daryl Grant, soldat dont il connaissait la valeur depuis des lustres. A ses yeux, le tireur d’élite se faisait une montagne d’un petit rien du tout, mais sûrement parce qu’il pensait le colonel Bennett réfractaire à tout homme souhaitant frôler ne serait-ce que du petit doigt l’une de ses filles. « Tu veux aller jouer les cousins sauveurs ou les nostalgiques au zoo ? A moins que tu n’aies le don d’ubiquité, tu ne pourras pas faire les deux mon ange ! » Maggie ne manqua pas de démarrer sans attendre certes, mais elle souhaitait obtenir une destination viable avant même que de ne se lancer dans les grandes artères new yorkaise. Diable, déjà qu’héberger quelqu’un était en soit un exploit pour cette solitaire carriériste dans l’âme, en héberger deux revenait à un miracle. Inutile de dire qu’elle était en pleine hésitation vu qu’elle ne connaissait pas du tout cette Willow, mais d’un autre côté… c’était temporaire, n’est-ce pas ? « Tu peux joindre ton frère en lui disant qu’on passe la chercher. On va dire que j’ai le plus grand respect pour son ficus ! » Maggie était sincère, même si son visage sérieux ne le laissait pas deviner aisément. Après tout, en acceptant Daryl dans sa vie, elle acceptait également ses pièces détachées au même titre qu’il acceptait celles de la pétillante américaine de son côté. Si elle commençait à faire la fine bouche maintenant, leur couple ne risquait pas de valoir trois cacahuètes mâchées trois fois. « Il y a une chambre d’ami dans mon appartement et puis au pire des cas, j’ai toujours la maison que je partage avec Lizzie en dehors de la ville. Elle n’y est pas en ce moment alors si ta cousine préfère avoir de l’espace pour son chat… je ne la renvoie pas là bas, peut-être qu’elle a besoin de compagnie aussi, ou même de te voir, je respecte. Je te donne juste mes options possibles. Elle n’a nulle part où aller je suppose ? »

« Tu n’auras pas mis longtemps pour changer d’avis » maugréa Maggie dans la barbe qu’elle n’avait évidemment pas, prenant cette rétractation potentielle de la part de Daryl comme une sorte de rejet. Peut-être était-ce stupide mais d’un autre côté, l’américaine n’avait aucune intention d’être la seule à faire des efforts. Sans doute était-ce un simple souci de communication mais s’il disait que son chien aurait du mal à vivre en appartement, cela voulait sûrement dire qu’il revenait sur ce qu’il avait dit à propos de leur installation prochaine, n’est-ce pas ? En un mot comme en cent, c’est particulièrement renfrognée que Maggie passa le seuil de l’appartement de Caleb, qui ne semblait pas plus ravi et tenait son ficus comme s’il était fait d’or. Elle ne l’avait jamais vu avec un regard si haineux avant, à vrai dire, pas même lorsqu’il avait surpris la pétillante businesswoman en compagnie de son frère aîné dans SON lit, à délaisser son ficus Diana ! « Bonjour Willow, je suis ravie » tenta Maggie tout en esquissant un sourire franc mais celui-ci tomba manifestement dans l’oreille d’une sourde puisque la blonde s’était déjà retournée vers son cousin. Oh dear. L’américaine n’aimait pas particulièrement être ignorée mais elle prit considérablement sur elle, laissant les deux protagonistes de la conversation échanger comme bon leur semblait tandis qu’elle se rapprochait de Caleb pour recueillir ses doléances. L’un dans l’autre cela lui était apparut comme plus intelligent sur le coup... « Son chat a pissé sur Diana, c'est un scandale, je devrais vraiment porter plainte contre cette nunuche ! » Maggie ne put s'empêcher d'étouffer un petit rire. Cette fameuse Willow avait l'air d'être pleine de vie et... sur une autre planète. Maggie ne risquait pas de ne pas se sentir de trop, hélas... « Son chat ne l'a peut-être pas fait exprès, et s'il n'a rien fait d'autre, porter plainte c'est peut-être un peu extrême non ? Elle a l'air charmante cette demoiselle. » « Ouais ouais... de loin hein ! Vous ne la connaissez pas Margaret, ça se voit ! Vous ne voulez pas devenir ma cousine par hasard ? Je vous échange volontiers ! »

Au départ, Maggie ne préféra surtout pas se mêler de ce qui semblait être une querelle de famille, tenant bien trop à sa petite vie pour risquer l’une des fameuses homériques colères du fameux Caleb Grant. Elle l’avait déjà vu à l’œuvre ce bougre lorsqu’ils faisaient équipe et plus jamais elle ne voulait avoir à se péter les cordes vocales histoire de hurler plus fort que lui et ainsi l’inciter à se calmer. Sauf que là, contre toute attente, les rôles s’inversèrent et ce fut nulle autre que l’américaine qui fut mise au pied du mur, Daryl ayant décidé de jouer les cousins sauveurs en la mettant de fait dans une très délicate position : quand bien même aurait-elle voulu dire non qu’elle n’aurait pas pu… pour qui serait-elle passée dans le cas contraire ? La businesswoman se renfrogna soudainement, n’écoutant qu’à moitié les dires de cette jeune blonde qu’elle ne connaissait absolument pas même si à priori, elle trouvait qu’on pouvait lui donner le bon dieu sans confession. « Non bien sûr que non » énonça-t-elle aussi chaleureusement que possible même si elle était en train de serrer furieusement les dents pour ne pas hurler. Que ce soit l’affaire d’une petite semaine ou même d’un mois, la formulation était la même : il lui demandait devant Willow et la mettait dans l’incapacité totale de dire non. « De toute façon je ne suis pas certaine d’être à l’appartement puisque je me fais opérer demain, mon père insistera sûrement pour me surveiller et ce dans la maison de mes parents en dehors de la ville » crut-elle bon de préciser, non pas pour faire naître la moindre culpabilité chez Daryl, chose qui était puérile et ne lui ressemblait absolument pas, mais plutôt pour mettre en valeur qu’en soit, il aurait toute la place du monde pour héberger sa cousine. « Mais puisse tu me demandes ça, plutôt que d’exploiter cette jeune fille je tiens à savoir de quoi il retourne. J’estime que je peux être mise au courant. » Histoire qu’elle n’aille pas au casse-pipe non plus ! Une Bennett ne va jamais à la guerre sans biscuit, jamais. Et cet air sérieux qu’elle arborait soudainement ne disait rien qui vaille.

Oh Maggie n’avait pas cru une seconde que Daryl la laisserait seule. Sûrement l’aurait-elle extrêmement mal pris s’il avait osé revenir sur cette décision-ci mais la pétillante américaine ne pouvait pas juste ignorer les faits qui lui étaient décrits par Willow. Elle ne savait pas dans quoi s’était fourrée cette jeune demoiselle mais manifestement, elle se trouvait dans les ennuis jusqu’au cou. Loin de Maggie l’envie de la juger de quelque manière que ce soit, pas alors qu’elle avait déjà fait de nombreuses erreurs dans sa vie et qu’il lui était arrivé parfois de faire bien mal confiance à autrui. Mais elle n’aimait pas cette notion d’ultimatum… celle-ci la mettait mal à l’aise et ne lui rappelait que trop bien à quel point Bill lui avait demandé plus d’une fois de choisir entre son entreprise et leur mariage. Il n’était jamais allé jusqu’au bout de sa pensée au point de faire ses valises, certes, mais au bout de cette semaine, qu’allait-il advenir ? Maggie avait l’impression de se sentir diablement concernée alors que tout ceci ne la regardait guère dans le fond… voilà de quoi la rendre malade pour des lustres ! « Je voudrais bien que tu croies une seconde ce que tu dis mais Daryl, tu sais aussi bien que moi qu’une semaine peut ne pas suffire et qu’il n’est pas question que tu laisses ta cousine à qui que ce soit surtout si elle est en danger. Il ne faut pas croire, je n’ai pas oublié de t’observer et même si ça ne fait pas un siècle que je te connais, je pense commencer à te cerner sur le sujet. » Il n’y avait ni colère ni désir de chantage ni même de sentiment négatif dans le son de sa voix, l’américaine était juste concernée. Ce n’était probablement pas pour le mieux car Maggie se sentait presque coupable d’être là, au milieu, de faire partie de cette équation alors qu’il serait plus intelligent que justement elle ne s’en mêle pas. « Arrête de te dire que tu as à choisir alors que ce n’est pas le cas. Je n’ai rien dit de tel et je ne t’impose rien. Je pense qu’une semaine ne changera rien pour mon opération et au pire je peux la repousser. Et avant que tu ne cherches à m’en empêcher c’est ma vie et c’est ma décision. Je peux survivre encore une semaine. Ce n’est rien du tout et si je ne m’impose pas mon rythme habituel il n’y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. » Comme ça, il n’y avait pas de choix à faire ou de difficulté à s’imposer. Du moins c’était ainsi qu’elle le voyait… mais d’un autre côté, Maggie ne savait que trop bien qu’elle ne pourrait pas repousser de plus d’une semaine : en plus d’être stupide, ce serait dangereux. « Nous pouvons largement l’accueillir comme ça. »

Sauf que Maggie était déjà emplie de remords, même si Daryl l’incitait à ne surtout pas en avoir. On ne pouvait pas empêcher l’implacable Margaret Bennett de ne pas avoir de la peine pour cette pauvre demoiselle. Il ne s’agissait aucunement de pitié, plutôt d’un élan affectif comme si Willow faisait partie intégrante de sa famille. A qui n’aurait-elle pas fait de peine ? Elle n’était pas âgée et pourtant supportait des problèmes la dépassant sûrement atrocement. « Tu ne penses pas sincèrement ce que tu dis, n’est-ce pas ? Merde Daryl Grant, tu ne vas pas laisser ta cousine se démerder toute seule et aller dieu sait où alors que quelqu’un veut la tuer !! Je ne l’accepte pas et je te retourne la chose, si tu ne vas pas la chercher c’est moi qui vais te dégager d’ici à grands coups de pompes là où tu sais !! » Maggie agissait comme si sa propre jumelle était en danger et c’est la raison pour laquelle elle agita les clefs de sa propre voiture sous le nez du tireur d’élite, priant pour que son ton déterminé trouve un écho quelconque dans son esprit. « Écoute je tiens encore debout et je pense que Willow a plus besoin de ta protection que moi. Mon père m’a appris de ne jamais laisser quelqu’un en peine derrière moi si je peux faire quelque chose et bordel de nom de dieu je peux faire quelque chose alors il n’est pas question qu’on reste les bras croisés juste à cause de mon opération ! On a toute la mort pour se reposer comme dit ma sœur et je suis parfaitement d’accord. On priorise les choses soldat ! » D’accord Daryl allait peut-être vouloir l’assommer mais Maggie était têtue et ne tenait pas en place, surtout pas avec une idée en tête. Caleb avait souvent fait équipe avec elle, il la connaissait donc mieux et savait qu’elle n’était pas la meilleure pour rien dans son domaine. Mais il n’était rien qu’elle ne soit pas capable de faire pour famille non plus, d’un autre côté. « Je veux l’adresse de sa meilleure amie, et Caleb je raconte ce que vous savez sur le séminaire à San Diego si je n’obtiens pas satisfaction ! » Oh elle ne révèlerait jamais la chose, bien sûr, parce que Caleb s’était déjà jeté sur son calepin… arrachant un sourire amusé à Maggie.