Une semaine … Une semaine depuis que j’avais rencontré mon fiancé. Enfin, depuis qu’il m’avait trouvé en tous cas. Une semaine s’était passée. Et je ne savais toujours pas comment je réagissais face à cette nouvelle. Bien sûr, une partie de moi était heureuse qu’il m’ait retrouvé, et surtout de connaître une partie de mon passé. Je connaissais mon nom : Déborah Hanna Kahn. Pourtant, lorsque l’on m’appelait Déborah, je ne me reconnaissais pas du tout. L’autre partie de moi pensait qu’il avait vraiment choisi le pire moment pour me retrouver. Après tout, je m’étais enfin faite à l’idée de ne plus connaître mon passé et commençais donc tout juste à réellement tourner  la page. Je m’autorisais même à penser à Joshua d’une façon différente que je l’aurais dû. Et pourtant, je continuais à penser à lui de cette façon. C’était réellement un dilemme dans lequel je me trouvais à présent. D’un côté, il y avait Nathanaël, qui représentait ma vie passé, mon fiancé, mais qui m’avait abandonnée lorsque j’avais le plus besoin de lui et que j’étais seule, perdue. De l’autre, il y avait Joshua, qui depuis que je l’avais rencontré, avait toujours été là pour moi, dès que j’en avais eu besoin. Que ce soit pour parler, … Et puis j’avais senti que quelque chose s’était passé lors de ce match de football. Je serais incapable de l’expliquer. Je ne savais même pas si c’était réciproque et si le jeune homme ressentait la même chose. Bon, il était vrai que lors de notre sortie, il m’avait plus regardée moi que le match. C’était un fait. Mais et s’il ne ressentait pas la même chose ? Et si je faisais le premier pas et que je me faisais rejetée ? Alors que Nathanaël m’aimait. C’était sûr. Bon, je ne le connaissais pas du tout, ce qui compliquait énormément les choses. Oui, il était plutôt bel homme. Mais c’était tout ce que je savais de lui – avec le fait qu’il ne s’était pas inquiété pour moi lorsque j’avais disparue.  Comment lui faire confiance ? J’aimerais tellement que mes souvenirs me reviennent. Ainsi, je pourrais faire un choix en connaissance de cause. Peut-être que je pourrais en parler à Robynn ? La jeune femme et moi étions proches d’être amies. Mais en même temps, elle était la colocataire de Joshua, donc peut-être serait-elle partie pris ? Quoique au moins, si Joshua n’avait jamais parlé de moi, je le saurais une bonne fois pour toute. Allez, c’était décidé, j’allais l’appeler ! « Robynn ? C’est Rebekah à l’appareil, ça va ? » commençais-je avant de m’inquiéter immédiatement en entendant les sanglots de mon amie. « Qu’est-ce qui se passe ? » lui demandais-je, commençant à m’inquiéter. Sa réponse me glaça le sang. Joshua était à l’hôpital. Il avait été poignardé. Ni une ni deux, je pris mes affaires et courrai à l’hôpital, sans réfléchir une seconde. Arrivant enfin, je repris mon souffle. J’en venais à me demander si je l’avais repris depuis que j’avais appris la nouvelle. Voyant mon amie, je la pris rapidement dans les bras, comme pour lui dire que j’étais là pour elle. Quand Joshua retourna dans la chambre d’hôpital et que les médecins annoncèrent que l’opération s’était bien passé, je ne pus m’empêcher de pleurer – de joie, probablement. Bien sûr, il était trop tôt pour qu’il se réveille, il sortait tout de même d’une longue chirurgie, mais l’opération s’était bien passée, et c’était l’essentiel.

Joshua aurait pu y passer. Il aurait pu mourir. L’opération s’était passée normalement, sans aucune complication heureusement. Mais et si la personne qui l’avait poignardé avait planté son coup de couteau plus haut ? Et si ça n’avait pas été l’abdomen qui avait été touché ? Après tout, si cette personne était assez folle pour poignarder un inconnu, sans aucune raison en plus, elle aurait très bien le planter ailleurs. Et si son coeur avait été touché ? Mon Dieu … Joshua aurait pu y passer. Joshua aurait pu mourir. Je savais bien que je devrais me concentrer sur le fait que l’opération avait été un succès et s’était déroulée totalement normalement, mais je n’y arrivais pas. Encore moins maintenant que j’étais seule dans la chambre de Joshua, à attendre qu’il se réveille. En effet, les deux jeunes femmes tournant en rond, avaient décidé d’aller à la cafétéria pour tenter de manger quelque chose. Je ne savais pas comment elles faisaient. Manger était la dernière chose qui me venait à l’esprit - et j’étais pourtant une très grande gourmande. Mais peut-être avaient-elles aussi envie de se retrouver un peu seules pour parler ? Après tout, si je connaissais Robynn depuis quelques semaines, je n’avais encore jamais vue Chandler auparavant. Et peut-être que c’était moi qui les gênait finalement. J’étais une inconnue en même temps.Et en y repensant, j’étais également une inconnue pour Joshua. Je posais ma main sur son bras et y donnais une pression. Peut-être préférerait-il voir ses amis, plutôt que moi, une fille qu’il avait rencontré il y a peu de temps ? Et je les avais probablement faite fuir. Bon, en même temps, j’avais promis de biper Robynn dès que Joshua se réveillerait. Donc elles ne manqueraient pas grand chose non plus. Je ne les avais donc pas vraiment gênées tant que cela, puisqu’elles ne manqueraient rien. Ma main quitta le bras de Joshua pour se poser sur son visage, dont je dessinais doucement les traits. Puis me rendant compte de ce que je faisais, je levais les yeux au ciel et retirais ma main par la même occasion. N’importe quoi … Je le connaissais à peine. Et puis mon fiancé venait de revenir dans ma vie, en quelque sorte. Je devrais être heureuse et retomber dans ses bras, non ? Et pourtant, le fait d’avoir failli perdre Joshua me terrifiait réellement. Quand Joshua se réveilla et me lança un sourire, je me levais d’un bond pour me rapprocher encore plus de lui. Sans m’en rendre, des larmes commencèrent à couler sur mes joues. J’avais failli le perdre … Sans prendre la peine de réfléchir - même pas une seconde - je rapprochais mon visage du sien avant de déposer mes lèvres sur les siennes. Je ne savais pas comment il réagirait, mais je m’en moquais. J’avais failli le perdre et je voulais être fixée une bonne fois pour toute.

Depuis que j’avais eu Robynn au téléphone et qu’elle m’avait annoncé que Joshua était à l’hôpital, après s’être fait poignardé, tout avait commencé à tourner vite dans ma tête. Très vite. Son annonce m’avait glacée le sang, bien plus que je ne l’aurais imaginé. Et j’avais couru rejoindre mon amie à l’hôpital, sans réfléchir plus que cela. Je l’avais ensuite prise dans mes bras, et chuchoté des mots rassurants, disant que tout se passerait bien – même si j’essayais moi-même de me convaincre de cela. Puis j’avais prié. Psalmodier même. Après tout, j’étais croyante non ? Puisque je portais l’étoile de David autour du cou. Et si cela pouvait aider … De toute façon, cela ne pourrait aucunement faire de mal. Mais à la différence des deux jeunes femmes – Robynn et Chandler, cette dernière ayant été présente lors de l’agression – je ne tournais pas en rond comme un lion en cage. Au contraire, je restais assise dans la salle d’attente, à … attendre. Et tout tournait dans ma tête. L’angoisse de ne plus jamais pouvoir le revoir, et de n’avoir jamais pu lui dire que malgré le fait que nous nous connaissions à peine, il comptait pour moi, beaucoup. Je n’avais même pas pensé à Nathanaël, mon fiancé plus si inconnu, qui m’avait retrouvée une semaine auparavant. Non, à cet instant précis, tout ce qui comptait pour moi, c’était que Joshua s’en sorte. Puis le chirurgien nous avait annoncé que l’opération s’était bien passée et que Joshua avait été installé dans une chambre. Il mettrait un peu de temps avant de se réveiller, nous avait-il prévenu, mais tout devrait bien se passer, et aucune complication ne devrait arriver. Nous étions donc toutes trois allées le rejoindre, et tout recommença. Les deux jeunes femmes recommencèrent à tourner en rond, tandis que je restais assise, perdue dans mes sombres pensées. Elles finirent par sortir de la chambre, me laissant seule, après m’avoir fait promettre d’appeler Robynn une fois qu’il serait réveillé.

Et j’étais donc là, à attendre qu’il se réveille. Je m’étais rapprochée de son lit et avais laissé mes doigts dessiner les traits de son visage endormi. Puis il s’était réveillé, et m’avait souri. Et là, je n’avais tout simplement plus réfléchi. J’avais arrêté de penser. Je m’étais levée d’un bond et l’avais embrassé. Timidement, il était vrai, le fait de ne pas savoir s’il ressentait la même chose que moi – même si je ne savais pas vraiment quelle était cette chose en question – m’avait rapidement fait douter de mon geste. Mais il ne se recula pas. Au contraire, puisqu’il répondit à mon baiser, ce qui me remplit de joie. Il plongea ensuite ses doigts dans mes cheveux, avant de se séparer doucement de moi. « Reb… » murmura-t-il d’une voix cassée, avant de reprendre. « Tu es venue… comment tu as su ? » me demanda-t-il alors, apparemment surpris de me voir ici. Sans pour autant m’éloigner de lui, je commençais à lui expliquer comment j’avais appris la nouvelle. « J’ai téléphoné à Robynn, un peu par hasard, simplement pour prendre des nouvelles et … » commençais-je, avant que ma voix ne se brise. « Et dès qu’elle m’a appris la nouvelle, j’ai foncé à l’hôpital, sans vraiment réfléchir. » continuais-je, tout en sentant quelques larmes couler sur mes joues. Puis Joshua se redressa sur son lit, ce qui lui soutira une grimace. De douleur probablement. Puis il reposa de nouveau ses lèvres sur les miennes, me faisant lâcher un petit soupir de contentement. Je répondis à son baiser avec tendresse, comme si j’avais peur de lui faire mal. Puis je réalisais. Je venais de retrouver mon fiancé. N’étais-je pas en train de le tromper, en quelque sorte ? Après tout, c’était une chose de se lancer de quelque chose lorsque la personne avec laquelle on partageait apparemment sa vie ne donnait pas de signe de présence, mais là … Mais je n’avais pas envie d’y penser pour le moment. Surtout que je n’arrivais pas à arrêter d’en vouloir à Nathanaël de m’avoir laissée seule et perdue pendant deux mois et demi et ce, même s’il s’en était excusé. Ce fut probablement pour cette raison que je décidais de nouveau d’arrêter de réfléchir, et que je reposais mes lèvres sur les siennes, pour la troisième fois.

C’était étrange comme un simple coup de téléphone pouvait tout changer. Lorsque j’avais décidé d’appeler Robynn, cela avait simplement été pour prendre des nouvelles d’elle, pour parler un peu et pourquoi pas la voir ? Mais il n’avait été question que de cela, rien de plus. Je n’avais même pas pensé à Joshua lorsque je l’avais appelée, alors que je savais pourtant très bien qu’ils étaient colocataires. Non, au contraire, je pensais plus à mon fiancé plus si inconnu, Nathanaël, qui avait fini par s’inquiéter pour moi et s’était mis à me chercher, avant de me retrouver. Bon bien sûr, je savais bien que j’aurais fini par lui parler de Joshua aussi, mais à la base, mon coup de téléphone n’avait absolument pas été à propos de lui, bien au contraire. Et pourtant, ce coup de téléphone avait changé bien des choses. Lorsqu’elle m’avait appris que Joshua s’était fait poignardé, cela avait été comme si mon monde s’était écroulé, en quelque sorte. Après tout, Joshua avait un peu été mon roc, depuis ma sortie de l’hôpital. Et il était évident que ce n’était pas qu’une pure amitié qui me liait à lui, de mon côté tout du moins. J’avais donc accouru à l’hôpital, sans me poser de question. Et à la seconde où il s’était réveillé et m’avait regardée et sourit, je l’avais embrassé. Comme ça, juste parce que j’en avais eu envie. Qu’il réponde à mon baiser tendrement n’avait fait qu’accélérer les battements de mon cœur, qui battait déjà alors bien assez fort. Il me demanda alors comment j’avais appris la nouvelle et je lui expliquais, sans pouvoir empêcher quelques larmes de couler sur mes joues. L’idée de l’avoir perdu m’avait énormément effrayée, et plus jamais je ne voulais me sentir comme cela. Il posa de nouveau ses lèvres sur les miennes, et je répondis tendrement à son baiser. Avant d’être de nouveau submergée de doutes. Est-ce que je n’étais pas en train de tromper Nathanaël, en quelque sorte ? Oui, je lui en voulais toujours de m’avoir fait me sentir perdue et seule à ce point, mais était-ce une raison ? Puis je repensais au fait que j’avais failli perdre Joshua, et cela me fit tout oublier. Je l’embrassais de nouveau, pour la troisième fois depuis qu’il s’était réveillé dans cette chambre d’hôpital.

Il finit par se détacher lentement de moi, et retirant sa main de mes cheveux – qu’il caressait alors doucement – il vint sécher mes larmes. « Ne pleure pas… ça va, ça va aller. » me murmura-t-il en me regardant dans les yeux. C’était bien plus facile à dire qu’à faire. Mais sentir ses doigts sur mon visage me permit de me calmer, au moins un peu. Je tentais de simplement me concentrer sur ce que je ressentais en cet instant, sur cette plénitude, et de ne plus penser à mes peurs et mes doutes. « C’est plus facile à dire qu’à faire … » finissais-je par lui répondre, même si je n’étais déjà plus très sûre de si je lui répondais à propos de mes larmes, ou si je me parlais à moi-même et au fait de ne plus vouloir penser à toutes mes incertitudes et à la culpabilité que je ressentais tout aussi puissament. « Je suis désolé si je t’ai fais peur… Est-ce que… est-ce qu’on t’a expliqué ce qui est arrivé ? Est-ce que les médecins ont dit quoi que ce soit ? » reprit-il doucement, me faisant lentement hocher la tête. En effet, personne n’était encore au courant qu’il s’était réveillé, et le médecin n’avait donc probablement pas pu le mettre au courant. « Oui, après que ton opération ait été terminée, le chirurgien est venu nous voir et nous a dit que tout s’était bien passé et qu’il ne devrait pas y avoir de complications. » lui expliquais-je tout aussi doucement, dans un petit sourire. Puis je me demandais si j’avais déjà dit cette phrase à des famille ou amis de patients. Après tout, j’étais apparemment étudiante en chirurgie, pour devenir moi-même chirurgienne non ? Le simple fait d’y penser me fit serrer la mâchoire. Nathanaël … Peut-être qu’il faudrait que je le mette au courant, non ? Mais était-ce réellement le bon moment ? Probablement pas … Mais y’aurait-il vraiment un bon moment pour lui en parler ? Je préférais le lui annoncer maintenant, plutôt que de lui mentir par omission … « Tu sais que je veux devenir chirurgienne ? Enfin, je suis interne en chirurgie en fait … » commençais-je doucement, ne sachant pas vraiment comment le lui dire.

J’avais peur. Peur d’à peu près tout en ce moment. Après avoir eu peur de le perdre, j’avais maintenant peur de ce qui allait se passer entre nous. Le moment ne pouvait pas être pire choisi. Je venais tout juste de retrouver mon fiancé plus si inconnu – ou il m’avait retrouvée, plutôt – et tout était compliqué à présent. Mais sentir les doigts de Joshua courir sur mon visage permettait de calmer un tant soit peu mes peurs, ce qui était déjà beaucoup. Puis il me demanda si les médecins avaient dit quoi que ce soit à propos de son opération. Bien sûr, étant donné qu’ils ne savaient pas encore qu’il s’était réveillé, ils n’avaient pas pu le lui dire en personne. Je me chargeais donc de lui annoncer ce qu’ils nous avaient dit à Robynn, Chandler et moi, alors qu’il sortait tout juste de chirurgie. « Cool… j’avais pas l’intention de rester ici trop longtemps de toute façon… » plaisanta-t-il alors, me faisant échapper un petit rire. Je me joignis à lui et regardais la chambre blanche de l’hôpital. Elle n’était définitivement pas accueillante, c’était sûr ! Je me souvenais que j’avais réellement détesté ces quatre murs pendant le mois que j’avais passé ici. Et pourtant, j’avais aimé le personnel et les médecins – je m’étais même liée d’amitié avec mon infirmière, Brooke ! – mais dire que je n’avais pas regretté d’être partie d’ici était un véritable euphémisme ! « Tu crois qu’un jour ils finiront par redécorer  ces chambres ? Les médecins nous annonce souvent des nouvelles pas très réjouissantes dans ces chambres … Je pense que ces nouvelles passeraient mieux si les chambres étaient colorées et pleine de vie, non ? » lui dis-je sans perdre mon rire. Mais heureusement, dans son cas à lui, les nouvelles s’annonçaient bonnes, très bonnes même ! Mais je continuais à penser que malgré tout, des chambres colorées feraient toute la différence.

Après ce moment de détente et de rire partagé, je me perdis dans mes pensées. Il serait peut-être tant de lui dire que Nathanaël m’avait retrouvée non ? Il était vrai que ce n’était pas vraiment le bon moment pour annoncer ça. Après tout, Joshua venait de s’être fait poignarder et sortait d’une chirurgie qui n’était pas des plus légères. Et puis, nous venions de nous embrasser, à plusieurs reprises. Cela risquerait de gâcher ce moment que nous partagions tout juste, non ? Mais en même temps, y avait-il réellement un bon moment pour annoncer ce type de nouvelles ? Probablement pas. Et il avait toujours été là pour moi, je me devais de lui être honnête. Je lui donnais alors une piste en lui révélant que j’étais interne en troisième année de chirurgie, et que je voulais devenir chirurgienne. Mais il ne comprit pas cela de la manière dont je voulais qu’il le comprenne, au vu de ce qu’il me répondit. « Tu… tu veux dire que… est-ce que tu te souviens de quelque chose ? » me demanda-t-il avec espoir, ce qui me fit littéralement fondre. Le fait qu’il soit si heureux pour moi dans le cas où je retrouverais ma mémoire me touchait énormément. Même si je n’avais pas retrouvé la mémoire, malheureusement. « Non, je ne me souviens de rien … » commençais-je d’une petite voix, avant de prendre sa main dans la mienne et d’y dessiner sa paume de mes doigts. Détournant le regard pour me concentrer sur sa main, je repris la parole. « On m’a retrouvée … Quelqu’un de mon passé a fini par me rechercher. Et par me retrouver. » terminais-je toujours d’une petite voix, sans lui dire que c’était mon fiancé plus si inconnu qui était cette personne. Chaque chose en son temps …

Je me rappelais à quel point j’avais pu détester ces chambres d’hôpital, pendant le moi où j’y avais vécu. Comme si cela ne suffisait pas que l’on m’annonce que j’avais trois côtes cassées ainsi que la jambe droite. Comme si cela ne suffisait pas que l’on m’annonce que j’étais amnésique. Comme si cela ne suffisait que l’on m’annonce que je n’étais pas dans le fichier des personnes disparues – et que par conséquent, personne n’en avait quelque chose à faire que j’ai disparu. Non, en plus de tout cela, j’avais dû passer un mois entier dans cet hôpital, sans pouvoir à peine sortir ! Heureusement, j’avais également rencontré Brooke, mon infirmière, dans cet hôpital. Sans cela, je serais probablement devenue folle, à ne pas pouvoir quitter cette chambre austère. Et je fis d’ailleurs part de mon point de vue à Joshua, qui lui-même se retrouvait dans une de ces chambres, après son agression. « Oui, probablement… Mais j’espère quand même qu’on ne viendra m’annoncer que de bonnes nouvelles ! J’ai envie de rentrer à la maison maintenant… » me répondit-il dans une petite moue boudeuse, qui m’arracha un nouveau rire. Je passais doucement ma main dans ses cheveux. « Tu veux que je prévienne le médecin de ton réveil ? » demandais-je à mon tour dans une petite moue, voulant espacer le plus possible le moment où nous ne serions plus tous deux seuls – et donc le retour à la réalité par la même occasion.

L’ambiance perdit rapidement de sa légèreté, alors que je me perdis dans mes pensées, à propos de Nathanaël, mon fiancé plus si inconnu. Je savais que je devais le dire à Joshua. Après tout, depuis que je le connaissais, je lui avais toujours tout dit. Et puis, je le lui devais, en quelques sortes. Et repousser ce moment ne ferait que rendre la chose plus difficile. Je commençais alors à lui dire que j’étais interne en chirurgie pour devenir moi-même chirurgienne – même si je ne savais pas dans quelle spécialité. Avec espoir, il me demanda alors si j’avais retrouvé mes souvenirs, et je répondis à la négative. Je lui annonçais alors qu’une personne de mon passé m’avait enfin retrouvée, sans pour autant lui dire qui. « Oh, c’est… c’est super ! Non ? » me dit-il dans un petit sourire. Je me mordis doucement les lèvres. Oui, ça l’était, en quelque sorte. Mais, avouons-le, ça ne pouvait pas tomber au plus mauvais moment. Je n’eus même pas besoin de lui expliquer, qu’il comprit par lui-même. « Est-ce que… Tu veux dire que c’est lui ? C’est lui qui t’a retrouvée ? » me demanda alors l’australien. J’acquiesçais doucement, avant de lui expliquer ce qui s’était passé. « J’étais au café. Tu sais, celui où on s’est revu pour la seconde fois ? Et il était juste devant moi. S’il ne m’a pas cherchée avant, c’est parce que j’étais supposée être chez mes parents pour les vacances, à New York. Enfin sérieusement, on est supposé passer le reste de notre vie ensemble, et tu vas me faire croire que je ne l’appelle pas tous les jours ? »

« Non, pas tout de suite… » me répondu-t-il lorsque je lui avais demandé s’il souhaitait que je prévienne les médecins de son réveil. Sa réponse tira un grand sourire de mes lèvres, éclairant mon visage. J’étais probablement égoïste, de vouloir le garder pour moi toute seule pendant un petit moment, mais c’était ainsi que je le ressentais. Je savais parfaitement que j’avais promis à Robynn de la biper lorsque Joshua se réveillerait, mais je n’avais absolument pas prémédité le fait que nous nous embrasserions, à plusieurs reprises même. Et puis, la jeune femme vivait avec lui, elle l’aurait donc bientôt entièrement pour lui, non ? Alors pourquoi ne pouvais-je pas profiter du fait que nous soyons seuls ? Parce que je savais pertinemment qu’une fois que ses amies et le médecin seraient prévenus de son réveil, nous n’aurions plus un seul instant, rien que tous les deux, avant un bon moment. Alors si cela faisait de moi une égoïste, j’acceptais ce titre de bon cœur.

Je caressais toujours ses cheveux, alors que je lui racontais que mon fiancé plus si inconnu m’avait retrouvée, et que j’avais pu en apprendre un peu plus sur mon passé. Dont le fait que j’étais interne en chirurgie. Dans un autre monde, j’aurais même pu assister à la sienne ! Je m’étais toujours doutée que j’étais dans le domaine médical. Après tout, je savais lire une radio d’un animal en un clin d’œil et je connaissais pas mal de choses sur Freud et cie. Donc même si j’avais pensé que j’aurais pu être vétérinaire ou encore psychologue – même si ce dernier métier n’expliquait pas vraiment comment je savais lire des radios aussi facilement – interne en chirurgie me semblait logique. J’avais forcément étudié la psychologie – et donc Freud, probablement – tout en ayant appris à lire des radios – comment opérer, sinon ? Je racontais donc au jeune homme comment il m’avait trouvée. Le destin semblait avoir un drôle de sens de l’humour, puisque j’étais alors au café où j’avais revu Joshua pour la deuxième fois, et où nous avions réellement parlé. Ironique non ? Retrouver mon fiancé dans le même café où j’avais appris à connaître l’homme que je venais tout juste d’embrasser. Mais la colère à l’égard de Nathanaël n’avait pas tout à faire disparue. Même s’il s’était excusé à plusieurs reprises, je n’arrivais toujours pas à croire qu’il ait pu mettre autant de temps avant de s’inquiéter du fait que je ne l’avais pas appelé, et que je ne répondais pas à ses appels. Vu ma nature – et celle-ci était apparemment inchangée, de ce que j’avais compris – j’étais plutôt du genre à appeler plusieurs fois par jour l’homme que j’aimais. Il n’y avait qu’à voir avec Joshua. Je n’étais pas encore amoureuse de lui – du moins pour l’instant – et pourtant, je l’appelais assez fréquemment, et il en était de même pour le nombre de sms que je lui envoyais. Qu’est-ce que cela devait être avec l’homme avec lequel je souhaitais unir ma vie … Joshua m’invita alors à m’allonger contre lui, et je ne me fis pas prier. Je posais délicatement ma tête sur son épaule, espérant ne pas lui faire mal, avant de le regarder. « Je suis vraiment désolé… tu ne mérites pas ça. Qu’est-ce que tu lui as dit ? Est-ce que… est-ce que vous vous voyez ? » fini-t-il par me demander. Je ressentais son appréhension. Et je la comprenais. Je l’embrassais rapidement, avant de lui répondre.  « Tu n’as pas à être désolé. » commençais-je dans un petit sourire. Après tout, il n’avait été que perfection depuis que je le connaissais. « Et on ne s’est pas encore revus, mais c’est prévu. On va parler j’imagine. Il faut qu’on parle en tout cas, c’est certain.  »

Je m’installais tout doucement aux côtés de Joshua, ayant réellement peur de lui faire mal. Après tout, il sortait tout juste d’une opération, et je n’étais pas sûre que poser ma tête sur son épaule était une très bonne idée. Mais à la seconde où il me le ferait savoir, je me lèverais. Mais pour l’instant, je voulais simplement rester ainsi, collée contre lui, à sentir son odeur – qui sentait plus la Bétadine qu’autre chose pour le moment mais bon – et surtout à sentir les battements de son cœur. C’était probablement idiot, mais sentir ses palpitations me rassurait énormément. Il était là, il était en vie, il était avec moi. Et pour le moment, je ne pensais à rien d’autre qu’à ça.

Mais j’en avais trop dit – ou pas assez plutôt – à propos de mes « retrouvailles » d’avec mon fiancé plus si inconnu. Et il fallait bien qu’on en parle, je le savais. Et même si je ne voulais pas gâcher ce qui venait tout juste d’arriver entre nous, reporter cet instant ne serait que plus pénible, pour tous les deux. Et puis je n’avais pas envie de lui cacher quoique ce soit. Il méritait bien plus. Et il avait été là pour moi, quasiment depuis le début – à la différence de Nathanaël d’ailleurs. Je lui annonçais donc que nous comptions nous revoir, pour faire connaissance. Je m’en sentais un peu obligée d’ailleurs. Enfin c’était difficile à expliquer, mais voilà, il était tout de même mon fiancé, et même si je ne me souvenais plus de lui, ni de ce que j’avais pu ressentir pour lui, je me devais tout de même de faire des efforts, non ? J’avais envie de dire à Joshua que la première chose que j’avais fait en apprenant qui il était avait été de le claquer. Mais bon, comme je n’en étais pas vraiment fière non plus, ce n’était pas vraiment la peine de m’épancher dessus. « C’est certainement idiot de te demander ça mais… est-ce que tu crois que… enfin je veux dire… ça va s’arranger entre vous ? » me demanda-t-il, hésitant, tout en laissant ses doigts parcourir ma peau, me tirant quelques frissons par la même occasion. « Ta question n’a rien d’idiote, elle est … compréhensible, au vu de la situation … » commençais-je en me redressant un peu, avant de reprendre.« Sincèrement, je n’en sais rien … Je ne sais même pas si j’en ai envie en plus. Enfin je sais pas, mais on va dire qu’il a mal choisi son moment un peu … » répondais-je en me mordillant doucement les lèvres. Ça pour avoir mal choisi son moment, il l’avait mal choisi, c’était certain !

Alors que j’étais allongée tout contre lui, je pouvais sentir les battements de son cœur. C’était étrange comme cela pouvait me calmer. Le sentir près de moi, avoir la preuve qu’il était vivant, avec moi, me faisait un bien fou. Je me demandais si j’avais bien fait de lui dire que mon fiancé plus si inconnu m’avait retrouvée. J’avais l’impression d’avoir gâché notre premier vrai moment. Nous nous étions enfin embrassés. J’avais pris mon courage à deux mains, et je l’avais embrassé, à peine ses yeux ouverts. Et il avait répondu à mon baiser – et m’avait réembrassé à quelques reprises encore. Pourquoi est-ce que j’avais gâché ça en lui révélant que Nathanaël m’avait retrouvée ? Oui, j’avais voulu être honnête avec lui – et c’était probablement tout à mon honneur j’imagine – mais est-ce que je n’aurais pas pu attendre encore un peu ? Est-ce que je n’aurais pas pu attendre qu’il sorte de l’hôpital par exemple ? Quoique ce n’était pas certain qu’il aurait aimé que je lui cache quelque chose comme ça. Et nous deux, c’était tout nouveau maintenant, et je n’avais vraiment pas envie de commencer du mauvais pied. Donc bon, peut-être que lui dire avait été une bonne chose finalement.

Et forcément, lui dire entrainait des questions de sa part. Et je le rassurais rapidement en lui disant que sa question était loin d’être idiote. Elle était compréhensible vu la situation. Il me semblait normal qu’il se demande si j’allais revoir Nathanaël ou non. Je lui répondais donc que je n’en savais strictement rien. Ce qui était la pure vérité. Oui, je l’avais bien invité à passer chez moi, mais sérieusement, je ne savais même pas si j’avais envie de le revoir. Surtout vu la première impression que j’avais eu de lui. D’ailleurs, je l’avais même giflé, c’était dire. Mais je n’avais pas spécialement envie que Joshua sache ça de moi. Ni que je lui avais crié dessus. Je n’avais pas envie qu’il me voit différemment en fait. Il comprendrait probablement mon emportement, mais c’était difficile à expliquer. Je n’avais pas envie de le perdre alors que nous venions seulement de commencer quelque chose. « Hm… C’est le moins que l’on puisse dire ! » me dit-il à propos du fait que mon fiancé plus si inconnu avait très mal choisi son moment. J’acquiesçais doucement, en levant au ciel. Il avait même plutôt très mal choisi son moment. « Ecoute… je ne veux pas rendre les choses encore plus compliquées mais… je suis bien avec toi, je… » commença-t-il, me tirant un sourire attendri. « Tu sais, tu peux prendre tout le temps qu’il te faudra pour réfléchir à tout ça… je serai là, quoi qu’il arrive. » fini-t-il par dire. Sans savoir pourquoi, quelques larmes me montèrent aux yeux. « Comment tu fais pour être aussi … parfait ? » lui lançais-je dans un grand sourire, émue, avant de l’embrasser délicatement. Malheureusement, nous ne furent plus seuls bien longtemps, et je dus me lever alors que le médecin arrivait pour prendre des nouvelles. Je profitais qu’il lui pose ses questions pour envoyer un sms à Robynn, la prévenant que Joshua s’était réveillé. Je lançais un regard ému à Joshua, espérant qu’une fois sorti de l’hôpital, tout serait comme maintenant.