Tu veux que je te montre comment on fait? me demanda-t-elle pince sans rire mais je sentais bien qu’elle se moquait de moi et au fond, j’étais content de mon effet. L’espace d’un instant, elle avait retrouvé sa joie et cela me plaisait beaucoup. Décidément, je me montrais un rien protecteur vis-à-vis d’elle alors qu’on ne se connaissait à peine. Dire que dès demain, les journaux à scandale titreront sur une romance entre nous. La seule chose que j’espérais, c’était que mes proches ne lisent pas ce genre de bouse mais autant demander la lune. « Je t’assure que si tu me voyais à l’œuvre avec ces machins, tu te proposerais pas pour me donner un cours. Ce sont des engins de torture et je me demande comment vous faites pour vous en sortir avec ces trucs ! » Râlais-je en en rajoutant légèrement pour la faire rire. Mine de rien, je me souvenais comme si c’était hier de ce tragique incident de mousse et d’eau. J’ai bien cru que ce jour-là ma femme de ménage allait m’étriper en brandissant mes chemises devenues roses pour le coup. Depuis, j’avais interdiction de mettre un seul orteil dans la buanderie et vu le regard meurtrier de mon employée, je me tenais réellement à l’écart de son antre. Je tenais à ma vie. Puis, l’air de rien, je lui proposais de partager mon appartement pour la nuit. Bien sûr, elle objecta mais je balayais ses arguments d’un simple : « Si je te le propose c’est que cela me dérange pas donc pas de discussion jeune fille ! » adoptais-je l’attitude autoritaire d’un père avant de sourire et de lui indiquer de prendre place dans le large sofa. « Allez mangeons puis après vu l’heure, une bonne nuit de sommeil ne nous fera pas de mal. » continuais-je tout en piochant sur le plateau. « A moins que tu ne veuilles regarder un dvd ou une émission. Je te préviens, tu auras l’embarras du choix. J’adore le cinéma ! »

« Je prends note de ta proposition même si je continue de te soutenir que c’est à tes risques et périls ! » la taquinais-je tout en clôturant le sujet. Après tout, nous n’allions pas nous lancer ce soir dans un cours de lessive, j’étais trop naze pour ne serait-ce qu’imprimer que non, le rouge n’allait pas dans la même machine que le blanc à moins qu’on aime désespérément les chemises roses, ce qui n’était pas son cas. Loin de la même. « Alors si tu n’es pas chiante sur le choix du film, je ne sais pas si tu connais Blade Runner ? Un classique de la science-fiction que j’affectionne particulièrement » lui proposais-je en allant chercher le DVD dans ma dvd-thèque bien garnie. Etant fan de cinéma, je dois admettre que je possédais une collection à faire pâlir d’envie le plus petit cinéphile. Dénichant le coffret en édition limitée de Blade Runner, je retournais vers le salon et lui tendit le boîtier pour qu’elle puisse y lire le synopsis du film tandis que je mettais le dvd dans le lecteur avant de m’affaler sur le canapé. Le film racontait que dans les dernières années du 20ème siècle, des milliers d'hommes et de femmes partent à la conquête de l'espace, fuyant les mégalopoles devenues insalubres. Sur les colonies, une nouvelle race d'esclaves voit le jour : les répliquant, des androïdes que rien ne peut distinguer de l'être humain. Los Angeles, 2019. Après avoir massacré un équipage et pris le contrôle d'un vaisseau, les répliquants de type Nexus 6, le modèle le plus perfectionné, sont désormais déclarés "hors la loi". Quatre d'entre eux parviennent cependant à s'échapper et à s'introduire dans Los Angeles. Un agent d'une unité spéciale, un blade-runner, est chargé de les éliminer. Selon la terminologie officielle, on ne parle pas d'exécution, mais de retrait... Avisant le plateau, je l’attrapais pour le poser sur mes genoux, nous facilitant ainsi la vie car plus besoin de se pencher vers la table basse pour se substanter. « Si tu t’endors en cours de route promis, je te laisserai pas sur le canapé mais te porterait à ton lit.. enfin, c’est juste que je sais par expérience que dormir sur un canapé n’est pas très confortable surtout au réveil » marmonnais-je conscient que mes propos pouvaient être mal interpretés. Décidement, j’étais vraiment pas doué avec les gens.