Assise à la terrasse du café qui semblait devenir mon habituel, je réfléchissais à ces deux derniers mois et demi. J’étais apparemment arrivée à New York ce jour-là, le jour où je m’étais faite renversée par une voiture. La police n’avait toujours pas trouvé la personne qui m’avait renversée et avait ensuite commis un délit de fuite. Je m’étais donc réveillée à l’hôpital, seule et sans souvenir. Les médecins avaient bien essayé pourtant et m’avaient fait faire plusieurs tests mais si mes connaissances semblaient intactes, les personnes de mon passé avaient totalement disparu. J’avais dû me recréer totalement une nouvelle vie. Je m’étais choisi un nouveau prénom, un nouveau nom, une nouvelle identité. J’avais appris quelque temps plus tard – lors de ma rencontre avec Ashley – que j’avais eu bon sur mon âge, même si je me doutais que la date de naissance était fausse, étant donné que j’avais choisi celle de ma sortie de l’hôpital. Après ma sortie, il fallait avouer que j’avais été totalement perdue dans la ville de New York. Je ne savais pas où aller, et même si j’avais su, j’aurais incapable de le trouver. Et j’étais alors tombée sur Joshua, qui m’avait guidée à travers la ville, me la faisant visiter par la même occasion. J’eus un petit rire en repensant à lui, et surtout à notre soirée ensemble pour assister à un match phénoménal entre les Giants et les Jets. Je me mordis les lèvres, avant de me raisonner. Quelque part sur cette planète se trouvait mon fiancé. J’étais fiancée. Et même si j’étais attirée par Joshua, il ne fallait pas oublier que j’étais fiancée. Je soupirais. En même temps, cela faisait plus de deux mois que j’avais eu mon accident, et toujours personne ne me recherchait. Est-ce qu’il fallait vraiment que je l’attende ? Et si je devais l’attendre toute ma vie ? Alors que j’avais l’impression que quelque chose pourrait se passer entre Joshua et moi. Quelque chose de bien. Et puis il s’intéressait à moi – du moins, c’était l’impression que j’en avais – alors que cela n’avait l’air d’être du tout le cas de mon fiancé qui se moquait probablement éperdument que quelque chose ne m’arrive. J’en étais là de mes pensées quand j’apercevais le regard d’un homme sur moi. Il ne semblait pas vouloir détourner son regard. Qu’est-ce qui se passait, j’étais mal coiffée ou quoi ? Je passais ma main dans les cheveux, mais rien ne semblait être différent de d’habitude. « Je peux vous aider ? Vous voulez ma photo peut-être ? » demandais-je ironiquement, n’aimant pas être fixée de cette manière.

Même si ce n’était pas vraiment mon genre de parler de cette façon, je n’aimais pas du tout qu’un total inconnu me fixe de cette façon, surtout pendant que je m’emmêlais les pinceaux avec mes pensées. Et puis, qui aimerait être fixé de cette façon, pendant de longues minutes ? Et puis, peut-être qu’Ashley avait fini par mettre un peu de méfiance dans ma tête, après tout. Un inconnu me regardait fixement, sans détourner son regard de moi, comme une espèce de pervers. Pas que je savais réellement à quoi ressemblait un pervers, mais il était vrai que les séries policières d’Ashley pouvaient être prenantes. Je secouais la tête. Un parano à la maison suffisait, si je m’y mettais aussi, on n’allait pas s’en sortir ! Et puis j’étais à la terrasse d’un café, terrasse qui était bondée. Je ne craignais donc pas grand-chose. Déborah ? De quoi il voulait parler ? Roulant des yeux, je lui répondais. « Pas que mon prénom soit vos affaires, mais je m’appelle Rebekah. » l’informais-je tout en hochant de la tête. Il manquait plus que ça, un inconnu me prenait pour quelqu’un d’autre maintenant. Pensant l’affaire réglée, je repartais dans mes pensées. Joshua ou mon fiancé inconnu ? Joshua était réellement un ange et il l’avait été depuis le jour où je l’avais rencontré. Qui accepterait réellement de faire visiter la ville à une inconnue complètement perdue ? Lui, apparemment. Je lui avais juste demandé mon chemin – même si je ne savais pas vraiment où aller – et voyant mon plan, il avait commencé la conversation, avant de me proposer de me servir de guide. Puis, nous nous étions revus dans ce même café, et je lui avais alors parlé de mon amnésie. Nous nous étions alors mis à parler de football, sport qu’il adorait réellement. Et apparemment moi aussi. Je sortais à peine d’un match lorsque je l’avais revu, et il m’entrainait peu de temps après à un autre. Et quelle soirée. Bien sûr, rien ne s’était passé entre nous, mais je sentais que quelque chose pourrait. Mais de l’autre côté, il y avait mon fiancé inconnu. Je tripotais à nouveau la bague de fiançailles qui se trouvait sur mon annulaire, les yeux dans le vague. Est-ce que je devais réellement l’attendre ? Mais ne serait-ce pas le tromper si quelque chose se passait entre Joshua et moi ? Bien sûr, je ne savais pas à quoi il ressemblait, ne connaissait rien de lui, et puis peut-être moi-même avais changé de personnalité ? Je n’en savais rien. Mais si c’était le cas, peut-être n’aimerait-il plus la nouvelle moi ? Et si la nouvelle moi ne l’aimait pas non plus ? Mon inconnu se rapprocha de moi, me faisant le regarder avec des gros yeux. Il était sérieux ? « Je ne joue à rien. Je ne vous connais pas. » insistais-je. C’était qu’il me tutoyait en plus. Triturant de nouveau ma bague, je mis du temps à réaliser que je ne connaissais personne en fait. Et que peut-être le jeune homme faisait partie de mon passé. « Attendez. Comment vous m’avez appelée ? Déborah ? C’est un prénom juif non ? Je pense que je suis juive, j’ai une étoile comme pendentif. » reprenais-je gênée, avant de lui montrer le pendentif en question. « On se connaît ? » lui demandais-je ensuite avec espoir. Espoir que peut-être mon passé ne resterait pas dans le flou, que peut-être je découvrirais enfin qui j’étais.

Déborah Hanna Kahn. Voilà qui j’étais. Déborah Hanna Kahn. Kahn, Cohen, je n’avais pas été très loin finalement. Depuis que j’avais appris que j’étais amnésique et surtout que personne n’était à ma recherche, j’avais tenté de ne pas me morfondre. J’avais tenté de laisser glisser cette histoire sur moi et de mettre mon passé derrière moi. Après tout, mes souvenirs ne reviendraient jamais et je le savais, alors pourquoi faire une fixation sur quelque chose qui ne changera de toute façon pas ? Beaucoup avaient été impressionnés, même si je ne comprenais toujours pas. Joshua faisait partie de ces personnes justement. Il était allé jusqu’à dire qu’il m’admirait pour ma façon de prendre les choses, le fait que je prenais cela avec philosophie, etc. Pour moi, cela était naturel. Enfin, peut-être n’étais-je pas comme ça auparavant, mais je ne le saurais jamais probablement. Et pourquoi broyer du noir à propos de quelque chose que je ne retrouverais jamais ? Je préférais largement me créer de nouveaux souvenirs, visiter New York et vivre ma nouvelle vie, tout simplement. Et pourtant, je repensais souvent à mon fiancé inconnu. Je ne comprenais pas pourquoi il n’était pas à ma recherche, pourquoi il ne s’inquiétait pas pour moi. Je connaissais Ashley depuis un peu plus d’un mois et le simple fait que je mettais un pied à l’extérieur de la maison le rendait inquiet. Même si lui me connaissait depuis plus de temps que moi, nous nous étions grandement perdu de vue et donc techniquement, lui aussi ne me connaissait que depuis peu de temps. Donc si l’inquiétude d’Ashley était un peu extrême et exagérée, celle de mon fiancé ne l’était pas assez. J’espérais donc que le jeune homme en face de moi, qui semblait me connaître, pourrait m’éclairer à ce sujet. Est-ce que mon fiancé avait rompu avec moi ? Je me serais alors enfuie, et cela expliquerait qu’il ne soit pas à ma recherche. Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’il soit mon fiancé. Je ne savais pas quoi ressentir. Et apparemment, la colère fut le sentiment qui était le plus fort, parce que ma main se posa sur sa joue dans une claque sonore. « Sérieusement ?! Sérieusement ?! » m’écriais-je, tremblant presque. « Tu veux savoir ce qui m’est arrivé ? Je me suis faite écraser par une voiture ! Voilà ce qui m’est arrivé ! Et je me suis retrouvée seule, toute seule avec personne à ma recherche. Personne ! Et là, monsieur en arrive en grande pompe, après deux mois et demi à n’en avoir rien à foutre et m’annonce tranquillement qu’il est mon fiancé. Sérieusement ?! »

En apprenant que le jeune homme assis en face de moi était mon fiancé, plusieurs sentiments avaient traversé mon corps. De la joie tout d’abord. La joie de retrouver une personne de mon passé, et surtout une personne aussi importante que lui. De la tristesse ensuite. La tristesse d’avoir passé plus de deux mois seule – si l’on ne comptait pas Ashley, mais ce n’était pas la même chose – sans savoir qui j’étais et en voyant que personne de mon passé ne me recherchait. Puis de la colère. La colère d’avoir été abandonnée et que mon fiancé m’ait laissée tout ce temps seule, sans me rechercher. Et c’était ce dernier sentiment qui l’avait emporté. Je n’étais pas du genre violent, du moins je l’espérais, mais je n’avais pas pu me retenir de le gifler. Je me sentais trahie et pour tout dire, j’avais envie de pleurer. C’était probablement pour cela que je sentais les larmes aux yeux et que je serrais autant les dents et les poings. Ses explications ne m’apaisèrent absolument pas, au contraire. « On est supposés être fiancés et nous marier ! Et tu as cru que j’étais juste trop occupée pour donner des nouvelles ?! » m’écriais-je, toujours aussi furieuse. « Si on veut se marier, j’imagine qu’on doit plutôt être proches non ? Cela me semble logique. Et tu vas me faire croire qu’habituellement je ne t’aurais pas appelé tous les jours ? Non parce que c’est comme ça que j’imagine l’amour, après je n’en sais rien, techniquement je ne l’ai jamais vécu et n’ai jamais été amoureuse. Mais j’imagine que quand on aime quelqu’un au point de vouloir passer sa vie avec cette personne, passer une journée sans lui ressemble à une torture, et donc on l’appelle tous les jours pendant notre absence. Et là tu me dis que ça fait plus d’un mois que tu me cherches. J’ai envie de dire, seulement un mois ? C’est-à-dire que pendant un mois et demi, tu trouvais la situation totalement normale ? » crachais-je avec hargne. J’avais réellement envie de pleurer. Mais je ne savais pas si c’était de tristesse, de trahison ou de rage. Je m’étais tellement sentie seule, tellement sentie abandonnée que je n’arrivais pas à pardonner. J’avais pourtant tellement espéré qu’il me retrouve, et ce matin encore j’y avais pensé. Mais maintenant qu’il était en face de moi, je n’arrivais réellement pas à expliquer comment je me sentais par cette nouvelle. J’en étais carrément venue à la conclusion qu’il aurait pu être celui qui m’avait écrasée. J’en étais venue à croire qu’il avait voulu se débarrasser de moi et me tuer, avant de s’enfuir. Cela me semblait alors une explication plus que logique pour expliquer le fait qu’il ne me recherchait pas. Et je ne savais pas si je préférais l’explication que je m’étais faite dans ma tête – qui était probablement liée au côté parano d’Ashley et à toutes ces séries policières que nous regardions ensemble, il fallait bien l’avouer – ou celle qu’il venait de me donner. Parce que la sienne, malgré ce qu’il disait, me donner l’impression qu’il n’en avait réellement rien à faire de moi et de ma personne.

Il avait pensé que c’était voulu. Sérieusement ? Comment pouvait-il penser qu’une femme n’appellerait pas son fiancé et refuserait ses appels sans que quelque chose ne soit passé ? Il vivait dans e monde des bisounours ou quoi ?! Je m’étais fait tellement de fois le film de notre première rencontre. Je l’avais imaginée bien différente de celle qui se passait actuellement. Et pourtant, je m’en étais fait des scénarios différents ! Dans le premier film, mes souvenirs revenaient immédiatement. Le simple fait de l’avoir retrouvé me redonnait tous mes souvenirs. Souvenirs de notre amour si fort et si beau. Je me souvenais de tout. Et nous partions ensuite directement à Las Vegas pour nous marier et ne plus perdre une seconde de plus l’un sans l’autre. Dans le deuxième scénario, peu de choses différaient du premier. A l’exception que je ne retrouvais pas ma mémoire. Dans ce deuxième scénario, même si mes souvenirs ne revenaient pas, j’étais retombée amoureuse de lui directement dès le premier regard. Et pareil, nous fuyons à Las Vegas pour nous marier et ne plus perdre une minute l’un sans l’autre. Le troisième avait été un peu plus sombre que les deux précédents. Il me retrouvait – toujours – mais me donnait un sourire moqueur et inquiétant. « Et moi qui pensais m’être débarrassé de toi. Qui survit après s’être fait renverser par une voiture ? Mais non, tu ne veux pas me faire ce plaisir, hein ? Tu as toujours été une petite chieuse, donc ça ne m’étonne pas de toi » qu’il disait avant de rire d’un rire gras et lourd et de sortir une arme pour tirer entre mes deux yeux. Bon okay, je l’avoue, lorsque je m’étais fait ce scénario là, on venait tout juste de se regarder un bon thriller avec Ashley. Ça avait probablement joué. Le quatrième scénario était assez différent des trois premiers, mais expliquait parfaitement pourquoi il avait mis autant de temps avant de partir à ma recherche. A un autre endroit que moi – Vancouver peut-être, vu que mon fiancé plus si inconnu venait d’en parler – il avait eu un accident. Mais malheureusement, malgré son inquiétude sans nom, il devait suivre une énorme thérapie de rééducation. En effet, sa colonne vertébrale avait été sectionnée, et l’opération très douloureuse. Mais surtout la rémission, qui le laissait enfermé dans un hôpital pendant plusieurs mois. Bref, je m’étais fait tout un tas de scénarios sur notre première rencontre depuis mon amnésie. Et entendre ses explications me donnait encore plus envie de pleurer qu’auparavant. J’étais simplement sans voix, ne sachant pas quoi répondre à ça, tant j’étais déçue. Il avait abandonné en voyant que je ne répondais. Un petit rire mêlé de tristesse et d’ironie sortit de ma bouche. Il avait abandonné, tout simplement. Il ne s’était pas inquiété pour moi. Peut-être était-ce parce que Ashley était d’un naturel très inquiet et me sermonnait dès que je rentrais un peu trop tard sans le prévenir ni répondre au téléphone de la soirée. Peut-être était-ce pour ça que j’étais triste et déçue que mon fiancé, celui qui voulait passer le reste de sa vie avec moi, ne se soit pas inquiété pour moi. Je ne répondais pas à nouveau lorsqu’il m’annonça que la situation était également difficile pour lui. Seul un nouveau petit rire sorti. Rien d’autre, j’étais muette. Je finis par lever les yeux au ciel avant de lui répondre. « Ça ne va pas trop mal, étant donné les circonstances on va dire. J’ai eu de la chance, j’ai rencontré des personnes géniales. J’ai vraiment eu de la chance pour le coup. Je suis tombée sur Ashley quelques jours après être sortie de l’hôpital. Je ne sais pas si je t’en ai déjà parlé. On était ensemble quand on avait quinze ans. Et bref, il ne se souvenait plus de mon identité, mais se souvenait de moi. Il m’a même montré beaucoup de photos de cette époque. Je sais à quoi ressemble ma famille au moins, c’est déjà ça. Et bref, il m’héberge depuis. Je l’aide à son refuge pour animaux en échange. Je crois que j’ai un don en tout cas. Je sais lire une radio en un regard. Je suis vétérinaire ? » finissais-je par lui demander. Je n’avais pas envie de parler de nous deux. Peut-être était-ce égoïste de ma part, probablement même. Mais j’avais envie de parler de moi, de mon passé. De comment j’étais, de ce que je faisais. De qui j’étais réellement.

Voyant la façon dont il avait dit que je lui avais parlé d’Ashley, j’eus envie de le rassurer à son sujet, sans réellement savoir pourquoi. «  Ashley a vraiment été d’un très grand soutien pour moi. Je ne sais pas vraiment ce que je serais devenue sans lui, ni comment je m’en serais sortie. Il est probablement la raison qui fait que j’arrive à supporter cette histoire. Bref, il est un peu comme un frère, tu vois ? Un grand frère toujours là quand j’ai besoin de lui, qui s’inquiète pour moi, qui me sermonne quand je rentre en plein milieu de la nuit et que je ne répondais pas au téléphone. Bref, un peu comme un grand frère quoi. Je ne sais pas vraiment ce que ça fait d’avoir un frère. Je ne sais même pas si j’ai des frères et sœurs d’ailleurs. Mais j’ai l’impression qu’avoir un frère, c’est ça. » tentais-je d’expliquer à mon fiancé. Je ne savais pas pourquoi j’avais eu envie de le rassurer comme ça. Surtout qu’en plus, quand je repensais à Joshua, il y avait bien quelqu’un dont il pouvait s’inquiéter. Et puis de toute façon, ce n’était pas ses affaires ! Je ne me rappelais pas de lui, ni de nous. Alors bon, je ne lui devais aucun compte, si ? Mais si je franchissais le pas avec Joshua, ne serait-ce pas, en quelque sorte, tromper mon fiancé plus si inconnu ? Je levais les yeux au ciel pour moi-même. Je faisais ce que je voulais. Point. Il m’avait lâchement abandonnée, ne s’était absolument pas inquiété pour moi, absolument pas inquiété du fait que je ne réponde pas à ses appels, ni que je ne l’appelle pas. Est-ce que je voulais réellement passer ma vie avec quelqu’un comme lui ? Et puis, je ne le connaissais pas de toute façon. Et je ne savais même pas si j’avais envie de le connaître. C’était d’ailleurs assez étrange à expliquer. Depuis mon accident, depuis mon réveil à l’hôpital, j’avais tant rêvé, tant prié pour que mon fiancé me retrouve. Et maintenant qu’il l’avait fait, maintenant qu’il se trouvait assis en face de moi, j’avais juste l’impression qu’il bouleversait tout ce que j’avais entrepris depuis ma sortie de l’hôpital. Étrange, non ? Un grand sourire éclaira mon visage quand il m’indiqua que j’étais interne en chirurgie. Tapant dans mes mains d’un mouvement vif et surexcité, je répondais, telle une enfant à la veille de Noël. « Je le savais ! Je le savais ! J’étais sûre que j’étais dans un domaine médical. Bon, j’hésitais entre la psychologie, parce que je connais quand même beaucoup de choses sur Freud et compagnie, et aussi avec vétérinaire. Mais bref, c’est un domaine médical ! » m’écriais-je, contente d’avoir vu juste à ce sujet. Le jeune homme ne comprendrait probablement pas pourquoi j’étais tant en joie que ça. Mais pour moi, savoir que j’avais quand même vu juste sur plusieurs choses me réjouissait réellement. Le nom de famille que j’avais choisi n’avait pas été si éloigné que ça de mon vrai nom de famille, et même mon prénom ne l’était pas tant que ça, d’un point de vue consonance en tout cas. Quand il me demanda si j’avais d’autres choses que je souhaitais connaître sur moi, j’eus un petit sourire. Il y avait tant de choses. « Comment je suis ? Enfin je veux dire ma personnalité, mes goûts, … J’ai été à un match de football y’a pas longtemps, et j’ai réellement adoré ça. C’était juste extraordinaire. Et j’aime la bière aussi. Et les hot-dogs, même si ça faut pas le dire à Ashley, il pourrait mal le prendre et j’ai pas envie de le blesser. Donc comment je suis ? Qu’est-ce que j’aime ? »

Il était tout de même étrange que j’ai eu envie de le rassurer à propos d’Ashley. La voix qu’il avait eue en parlant de lui m’avait poussé à vouloir le rassurer à son sujet. Et pourtant, je ne parlais pas de Joshua, qui lui était réellement une menace. La raison pour laquelle je n’avais rien tenté avec lui – en plus du fait que nous nous connaissions depuis peu et surtout que je ne savais pas si c’était réciproque – c’était aussi parce que je me savais fiancée et que j’avais voulu l’attendre. Mais maintenant qu’il était assis en face de moi, je ne savais plus grand-chose. J’étais perdue. Je le regardais attentivement. Il était plutôt bel homme, il fallait le reconnaître. Mais je ne le connaissais pas. Je ne savais pas comment il était, quelle était sa personnalité. Je ne connaissais rien de lui. Et entendre l’excuse qu’il m’avait sortie pour avoir mis autant de temps à s’être inquiété pour moi, je ne savais pas si j’avais réellement envie de le connaître. Mais n’avait-il pas le droit à une seconde chance ? Après tout, oui nous étions partis d’un très mauvais pied, mais techniquement, il n’avait fait qu’une erreur. Et j’étais particulièrement sûre que si je disparaissais à nouveau, cette fois-ci il s’inquiéterait plus rapidement. Mais en même temps, il y avait Joshua. Et nous avions réellement passé une très bonne soirée ensemble, même si rien ne s’était passé entre nous. Bref, j’étais complètement perdue. « Je suis un garçon manqué ? » lui demandais-je dans un petit rire, tout en replaçant une mèche derrière mon oreille. « Apparemment, ça n’a rien à voir avec mes frères et mon père j’ai l’impression. Puisque j’aime toujours autant la bière et le foot. Et que je déteste réellement me maquiller. C’est juste un engin de torture ce truc, non ? » répondais-je dans un rire, plus franc que le premier. S’il y avait bien quelque chose que je n’aimais pas, c’était bien de me maquiller. Même si j’avais fait un petit effort pour Joshua, ce n’était pas allé bien loin. Un peu de fard à paupière, du rouge à lèvre et voilà. « Mais j’aime bien les vêtements par contre. Pauvre Ash, je crois que je vais finir par le ruiner avec tous ces vêtements. » avouais-je, sans quitter mon rire. Il n’aurait jamais dû me donner une carte aussi. C’était de sa faute à lui et à son « fais-toi plaisir, si tu veux quelque chose, achète-le ». Puis je réalisais qu’il n’avait pas parlé de ma mère. Pourquoi ? « Tu n’as pas parlé de ma mère ? Elle ne vit pas avec nous ? » lui demandais-je, un peu gênée. Je décidais de tourner la conversation un peu sur lui. Après tout, je ne connaissais même pas son nom. « Et toi ? Tu fais quoi dans la vie ? T’as des passions ? » lui demandais-je timidement. « Et aussi, tu ne m’as pas dit ton nom. » rajoutais-je avant de me mordiller la lèvre de gêne.

Je me rendais bien compte à quel point la situation devait être étrange pour le jeune homme. Après tout, malgré ses erreurs – que j’avais toujours du mal à pardonner – il avait en quelque sorte perdu la femme qu’il aimait et avec qui il avait envie de passer le reste de sa vie. Et maintenant, il se retrouvait là, devant moi, à m’apprendre qui j’étais et quel était mon passé. J’aurais tellement aimé pouvoir lui donner ce que j’imaginais qu’il souhaitait. Mais j’en étais bien incapable. Je ne le connaissais pas, je ne nous connaissais pas. Et si je voulais pouvoir lui donner une chance, il fallait d’abord que l’on joue cartes sur table, en quelque sorte. Il fallait d’abord que j’apprenne qui j’étais. C’était essentiel. Et puis, peut-être avais-je changé. Apparemment, de ce qu’il disait, ce n’était pas le cas. « Oui, apparemment ça n’a pas changé. Je suis sortie pour assister à un match la semaine dernière. Et j’ai vraiment tenté de me maquiller. Vraiment hein. Mais finalement je n’ai fais que le minimum. » riais-je, sans bien sûr mentionner que c’était pour Joshua que j’avais voulu tenter de me faire belle. Je me doutais bien qu’il faudrait qu’on en parle un jour, mais je n’en avais pas envie. Je n’avais pas envie de me questionner, et encore moins de faire un choix là tout de suite maintenant. Probablement égoïste de ma part, mais c’était ainsi. J’eus un petit coup au cœur en apprenant que ma mère était morte lorsque je n’avais que dix ans. Je m’étais attendue à cette réponse alors qu’il ne l’avait pas mentionnée, mais je ne m’attendais pas à ce que cela me touche. Après tout, comme pour tout le reste, je ne me souvenais plus d’elle. Et peut-être était-ce justement ce qui était douloureux. Je ne la connaîtrais jamais. « Je vois … » répondais-je d’une petite voix, histoire de répondre quelque chose. Puis j’attendis qu’il se présente. Après tout, si je voulais pouvoir le connaître, il fallait bien qu’il me parle de lui non ? Je ne savais même pas comment il s’appelait ! Chose auquel il remédia rapidement. Ce qui me donna un petit rire. « Tu étais mon professeur ? Et moi ton élève ? » répétais-je dans un petit rire. On était un peu un cliché en fait. Comme on en voyant dans des mauvaises télénovélas. Mais bon, en même temps, j’imaginais que lorsque l’on était étudiante en médecine, on n’avait pas beaucoup le temps pour les rencontres. Divorcés et deux enfants. J’espérais ne pas être la cause de leur rupture. Je détesterais réellement être une briseuse de ménage. Mais je me retenais de poser la question, préférant plus me concentrer sur lui que sur nous, du moins pour le moment. « Et tu pratiques quels sports ?  » lui demandais-je ensuite, tentant d’en apprendre plus à son sujet.

Je regrettais immédiatement d’avoir parlé du fait que je m’étais maquillée pour aller assister à un match de football. Même si je n’avais pas l’impression d’avoir de compte à lui rendre, ce n’était pas vraiment approprié de le laisser dans le doute ainsi. Parce qu’après tout, j’imaginais qu’il devait se poser quelques questions. Si, d’après ses dires, mes mésaventures avec le maquillage étaient telles qu’elles l’étaient aujourd’hui, il était évident que je ne me maquillais pas pour n’importe qui et encore moins à n’importe quelle occasion. Mais bon, en même temps, rien ne disait que j’avais fait cela pour Joshua. Après tout, la première fois que j’avais assisté à un match depuis mon réveil, cela avait été avec Brooke, mon ancienne infirmière. Et nous nous étions beaucoup – trop à mon goût même – maquillées. C’était même lors de cette sortie que je m’étais rendue compte que je détestais réellement me maquiller et cela peu importe le fait que les gens puissent croire que je ne prenais pas soin de moi. Mais je ne pouvais pas m’empêcher d’être triste pour lui. Après tout, je ne me souvenais pas de nos moments, de notre relation, de tout. Cela devait donc probablement être plus facile pour moi. Enfin, à présent en tous cas. Car autant dire que lorsque je m’étais réveillée seule, et que j’avais réalisé que personne ne s’inquiétait pour moi et pour mon sort, cela avait été bien plus dur. Et je ne pouvais pas m’empêcher de lui en vouloir pour cela. Surtout qu’il tombait un peu comme un cheveux sur la soupe. En effet, il tombait pile au moment où je commençais à me créer une nouvelle vie, de nouveaux amis – amour ? – et je ne pouvais pas m’empêcher de lui en vouloir pour cela aussi. Je commençais enfin à accepter le fait que je ne renouerais plus jamais avec mon passé. Je commençais enfin à tourner la page. Mais bon, j’étais tout de même curieuse à propos de lui, de sa vie et même de notre vie – même si pour ce dernier point, j’hésitais à l’aborder. « Oui, j’imagine qu’on en a beaucoup rit. » acquiesçais-je dans un petit sourire. Puis mon regard s’illumina de nouveau tant qu’il mentionnait le footing. « Oh, j’adore faire mon footing le matin ! Avec Ashley, on en fait un avec ses chiens, tous les matins ! Et à chaque fois, c’est un spectacle qui a le mérite d’être vu, vraiment ! » riais-je en repensant à ses chiens, son chihuahua en particulier, qui voulait être traité comme un égal de sa doberman. Puis je réalisais qu’on avait probablement également l’habitude de faire nos footings ensemble, et je ne pus m’empêcher de me mordre les lèvres de gêne. « Et sinon, comment est-ce qu’on s’est mis ensemble exactement ? » le questionnais-je en tentant de changer le sujet. Peut-être aimerait-il plus parler de nous ?

Cette conversation me gênait réellement. J’avais l’impression que tout ce que je faisais était de travers. Que tout ce que je disais tombait à côté. Bien sûr, cela n’aurait rien dû me faire, puisque je ne le connaissais pas – ou ne le connaissais plus, tout du moins. Pourtant, depuis que je m’étais réveillée dans ma chambre d’hôpital, j’avais réellement rêvé de cet instant. Ce moment où il me retrouverait et où nous parlerions de moi, de nous. Où il m’aiderait à me souvenir. Ou au moins, à me créer de nouveaux souvenirs. Mais le fait était que je n’avais pas eu besoin de lui pour me créer de nouveaux souvenirs. Je m’en étais déjà créé. Ashley était comme mon frère, et les soirées films ou séries que nous nous faisions resteraient cette fois-ci gravées dans ma mémoire – en espérant que je n’ai pas d’autres accidents, bien sûr. Brooke était l’équivalent de ma meilleure amie. Elle avait été là, pour moi, depuis le jour où je m’étais réveillée. Je savais bien qu’elle était infirmière, et que c’était donc son rôle d’être là pour les patients, mais une infirmière n’allait pas jusqu’à manger avec vous dans la chambre d’hôpital, vous sortir dans le parc de l’hôpital, jouer à des jeux, et encore moins assister à un match de football peu de temps après la sortie de sa patiente. Et puis il y avait Joshua … Joshua avait été présent, en quelque sorte, dès ma sortie de l’hôpital. Le jour-même en fait. J’étais alors complètement perdue et ne savait pas où aller. Et il m’avait carrément fait visiter une partie de la ville. Me décrivant les endroits où aller, ceux à ne pas fréquenter, … Puis, par hasard, nous nous étions revus. Dans ce même café où j’étais à présent avec mon fiancé. Nous avions alors parlé, beaucoup. Surtout moi en fait. Je lui avais raconté ce qui m’était arrivé, il m’avait ensuite questionnée, et nous avions fini par parler de football. Il était un grand supporter des Giants, et m’avait donc ensuite proposé que nous assistions à un match ensemble. Et quel match ! Rien ne s’était passé entre lui et moi. Bien sûr, il y avait eu des regards, beaucoup de regards même. Mais ce n’était pas allé plus loin. Il était tout de même surprenant que j’aie l’impression que Nathanaël « dérange », non ? J’étais enfin arrivée à aimer ma nouvelle vie, à me créer de nouveaux souvenirs, et à faire de belles rencontres. Et il m’avait retrouvée. Et en même temps, j’avais honte de me sentir ainsi. J’aurais dû être la plus heureuse des femmes, non ? Mon fiancé m’avait retrouvée. Mais c’était au bout de deux mois et demi. Et je n’arrivais pas à m’empêcher de lui en vouloir pour cela. Lorsqu’il parla d’un footing, je ne pus m’empêcher de lui répondre, pour lui faire comprendre que ce n’était pas avec Ashley que j’aimais courir, mais bien avec ses chiens. Etrange, non ? « C’est pas le fait de courir seule ou pas. C’est le fait de courir avec ses chiens en fait. Tu les verrais, c’est vraiment un spectacle comique tous les jours. Parce qu’il y a Willow, qui est une doberman tu vois. Et surtout, il y a Riley, un chihuahua. Et quand on court, bah forcément Riley se fatigue bien plus rapidement que Willow. Et donc Ashley le prend dans ses bras. Sauf que Riley veut faire comme Willow et continuer à courir, même s’il est épuisé et qu’il arrive à peine à respirer. Et donc, dans les bras d’Ashley, il commence à chouiner. » lui expliquais-je en riant de bon cœur. J’espérais que nous avions des animaux. Vivre avec Ashley et l’aider au refuge m’avait réellement fait aimer les animaux. Bon, peut-être pas au point d’Ashley non plus. Après tout, manger un steak ne me dérangeait absolument pas. Tout comme j’avais réellement savourer ce hotdog lors du match de football. Mais bon, il était sûr que cela me manquerait lorsque je déménagerais. Après tout, cela faisait près de deux mois que je vivais avec chiens, chats, chevaux, … Mais bon, ce n’était pas le moment de poser la question. Parce que, pour le moment, mon fiancé parlait de nous deux, de notre rencontre, de comment nous avions appris à nous connaître. Puis de comment nous nous étions mis ensemble. De ce qui l’avait fait craquer chez moi. De ce qui m’avait différenciée des autres. En entendant la description des autres filles de la classe, je ne pus m’empêcher de rire. Des vraies pintades en fait, à roucouler au possible. « En même temps, je ne veux pas dire, mais on ne va pas en cours pour draguer. Si on veut draguer, il y a d’autres moments pour le faire. Mais sérieusement, s’habiller et se maquiller comme si on allait en soirée, je trouve ça un peu n’importe quoi. Ridicule même. On est là pour travailler quoi, avoir notre diplôme. Je veux bien l’accorder, tu es bel homme. On ne peut pas nier ça. Mais même, les études coûtent cher et c’est pas vraiment le moment pour chercher à séduire le professeur. » répondais-je, un peu exaspérée par le comportement de ses autres élèves. Ou peut-être était-ce juste moi qui était étrange ? Après tout, je n’aimais pas me maquiller, ni draguer, et même si j’adorais les vêtements, j’adorais tout autant manger un hotdog et boire une bière en assistant à un match de football. Donc peut-être que c’était juste moi qui étais étrange, je n’en savais rien. « Et notre premier rendez-vous ? Il était comment ? Ça s’est fait naturellement ou c’était gênant ? J’imagine que c’était dans un endroit caché non ? Pour pas que l’on nous voit, non ? »

Apparemment, qu’importe ce que j’essayais de dire pour le rassurer, il n’aimait pas que je fasse du footing avec une autre personne que lui. Un peu possessif non ? Donc quoi, j’étais supposée ne rien faire pendant plus de deux mois juste pour le cas où mon fiancé reviendrait et me retrouverait ? Et ben non, j’avais fait des choses. J’avais tenté de vivre, tout simplement. Et si je ne l’avais pas fait, je me serais probablement lamentée sur mon sort. J’étais donc heureuse d’avoir réussi à me faire de nouveaux souvenirs. Et okay, ces souvenirs n’étaient pas de mon fiancé, ou construit avec mon fiancé, mais il aurait dû être heureux pour moi. Il aurait dû être heureux que je m’en sois sortie et que j’aie repris un semblant de vie. Mais non, apparemment tout ce qui l’intéressait c’était sa petite personne et le fait que je ne me souvenais plus de lui. Le fait que je ne me souvienne de personne - pas même de mes parents ! je venais d’apprendre que ma mère était morte et plus jamais je pourrais me recréer des souvenirs avec elle ! - et que je puisse tenter de le vivre du mieux que possible ne semblait pas lui effleurer l’esprit. Je levais les yeux au ciel avant de secouer lentement la tête. Allez, autant se concentrer sur nous deux, puisque ce que j’avais fait pendant ces deux mois n’avait pas l’air de l’intéresser le moins du monde. Au moins Joshua m’écoutait quand je parlais … Allez, il ne fallait pas que je m’énerve, cela ne changerait rien à la situation de toute façon. J’avais tant espéré, tant prié le ciel pour qu’il me retrouve et c’était maintenant chose faite et c’était là-dessus qu’il fallait que je me concentre. Pas sur le reste. Et penser à Joshua n’aiderait pas du tout la situation, bien au contraire. Et encore moins de comparer les deux hommes. Après tout, je ne connaissais pas l’homme assis en face de moi, le combat n’était donc pas équitable. Un petit rire sortit tandis qu’il disait que c’était exactement ce que je lui avais répondu, lorsqu’il m’avait parlé des étudiantes la première fois. Apparemment, j’étais toujours la même et n’avais donc pas beaucoup changé, c’était déjà ça. «  On est d’accord là-dessus j’imagine. Aucun intérêt à faire ça lorsque l’on est supposé étudier pour apprendre un métier. » acquiesçais-je doucement. Et je le pensais réellement. Puis je l’écoutais tandis qu’il me racontait notre premier « rendez-vous » qui avait eu lieu à la cafétéria de l’université apparemment. Bon, il était vrai que si on ne voulait pas que les autres puissent avoir de doutes, c’était finalement la meilleure chose à faire, j’imagine. Puis il me raconta le déroulement des nos autres rendez-vous, qui n’étaient donc pas gênants le moins du monde apparemment. Et alors la question qui me tiraillait depuis qu’il s’était présenté sortit de ma bouche, tandis que je me tripotais les cheveux de gène. «  Tu as dit que tu étais divorcé … Hmm … C’est de ma faute ? Enfin je veux dire, vous vous êtes séparés à cause de moi ? »

Je devais bien avouer que toute cette conversation me gênait. Déjà, devoir lui poser des questions sur mon passé était assez gênant, de base. Après tout, je n’étais pas sûre que c’était une conversation que tout couple avait. D’ailleurs, étions nous toujours un couple ? Je n’en étais pas vraiment sûre. Le fait qu’il ait l’air de totalement se moquer de ce que j’avais bien pu faire pendant ces deux mois me bloquait. Ce n’était pas que j’en étais fière, mais quand même. Après tout, j’avais réussi à me recréer un semblant de vie, de nouveaux souvenirs, de nouveaux amis, une nouvelle famille. Et j’y étais arrivée. Ashley était ma famille – et ses animaux en faisaient partie aussi. Robynn était une personne que je pouvais – je pense du moins – considérer comme une nouvelle amie. Brooke aussi, même si elle avait aussi été mon infirmière. Et Joshua … Bon, qu’il ne veuille pas entendre parler de Joshua, je pouvais le comprendre. D’ailleurs, moi-même n’avais pas abordé ce sujet. Mais Ashley ? Ou Robynn ? Ou Brooke ? Je me doutais bien que cela pouvait être également difficile pour lui – après tout, il avait perdu sa fiancée, en quelque sorte. Mais ne pouvait-il pas faire un effort ? Il était supposé être l’homme de ma vie. Et moi la femme de la sienne. Et pourtant, il ne s’intéressait aucunement à ce que j’avais bien pu faire pendant les deux mois où il ne s’était absolument pas inquiété pour moi et m’avait laissée seule, livrée à moi-même. Je lui fis un petit signe de la tête, lorsqu’il me rassura sur le fait que je n’étais pas la cause de leur divorce. Tant mieux. J’aurais détesté avoir brisé une famille. Puis je souris en imaginant la scène de sa demande en mariage. C’était romantique, il fallait bien l’avouer. Mais j’étais toujours un peu bloquée par son comportement, et surtout par le peu d’effort qu’il faisait à mon encontre. « Et tes enfants sont comment ? Tu en as deux c’est ça ? C’est pas trop difficile pour eux ? » finissais-je par lui demander. Bon, j’essayais plus de faire la conversation qu’autre chose, c’était vrai. Mais s’il n’avait pas l’air de vouloir faire d’efforts, ce n’était pas mon cas, au contraire. Je voulais réellement lui donner une chance.

Je n’arrivais pas vraiment à rester concentrée sur notre conversation. C’était étrange, mais c’était ainsi. Le fait qu’il ne s’intéresse absolument pas à ce que j’avais bien pu faire pendant ces plus de deux mois me refroidissait énormément. Est-ce qu’il était comme ça pour tout ? Est-ce qu’à chaque fois, il ne s’intéressait qu’à sa petite personne ? Je savais que c’était méchant de penser cela, mais c’était vraiment ainsi que je le ressentais. Je repensais à Joshua et à la facilité que j’avais eu à lui parler, de tout et de rien. Il m’avait écoutée lorsque je lui avais parlé de mon accident. Il m’avait même questionnée. Et étrangement, le fait qu’il soit impressionné que je m’en sois si bien sortie malgré tout me donnait de la fierté. Parce que même si, lorsque j’avais tenté de me reconstruire, cela m’avait paru naturel et même obligatoire au vu de la situation, maintenant que je prenais du recul, je me rendais compte qu’il y avait vraiment de quoi être fière de moi. Je ne m’étais jamais lamentée sur mon sort. J’avais su tirer mon épingle du jeu, en quelque sorte. J’aurais pu être pessimiste et me lamenter, me dire que ma vie était atroce et que je n’allais pas m’en sortir. Mais non, je m’étais prise par la main et avais rencontré des personnes merveilleuses. Je m’étais reconstruite un semblant de vie, un semblant de famille en fait. Et me retrouver en face de mon fiancé plus si inconnu – et le fait qu’il se fiche éperdument de tout cela – me faisait m’en rendre compte. J’étais une battante, et j’avais des cicatrices sur le corps pour le prouver ! J’aurais dû être contente de le retrouver – ou qu’il me retrouve, plutôt – mais tout ce que je me demandais, c’était à quoi pouvait bien ressembler notre vie de couple, si celle-ci tournait qu’autour de lui ou si j’y avais également ma place. D’un côté, je me disais que j’avais maintenant la preuve que j’étais à peu près la même qu’avant. Mes passions et même mon caractère semblaient inchangés. Donc peut-être que je finirais par retomber amoureuse de lui ? Mais la question était maintenant plutôt : est-ce que j’en avais envie ? « Donc je suis une espèce de gentille belle-mère ? » lui demandais-je ensuite dans un petit rire. J’en étais heureuse, en quelque sorte. Et puis je ne savais pas pourquoi, mais j’avais l’impression d’aimer les enfants. Bon, il y avait Madison, le fils d’Ashley dont il venait seulement d’apprendre l’existence, qui me l’avait prouvé mais ce n’était pas tout. Peut-être l’horloge biologique ? Aucune idée.