J’étais apparemment une « gentille » belle-mère, comme l’on en voyant rarement dans les films que j’affectionnais – oui, j’aimais également les films romantiques, et alors ? une fille n’a-t-elle pas le droit d’aimer et le sport, et les films romantiques et doit forcément faire un choix entre les deux ? – et cela me faisait plaisir. Après tout, ils auraient très bien pu me détester, non ? Je leur avais volé leur père, en quelque sorte. Nathanaël prit alors un air plus sérieux, ce qui m’inquiéta quelque peu, il fallait bien l’avouer. « Je préfère Reb … Enfin, ça reviendra probablement, mais je n’y suis juste pas encore habituée … » répondais-je un peu gênée à propos de mon prénom. J’avais eu tant de mal à me créer une nouvelle identité, que reprendre l’ancienne directement me semblait bien trop étrange. À moins que ce soit plutôt le fait de trouver cela étrange, qui était étrange ? Probablement, je n’en savais rien. Mais je décidais d’écouter ce que mon fiancé plus si inconnu avait à me dire qui semblait si sérieux. Je roulais un peu des yeux à l’entente de sa phrase. En effet, dans le mile, c’était un peu ce que je me demandais : qu’est-ce que j’avais bien pu faire avec un homme égocentrique et n'appréciant parler que de lui. Et il avait l’air d’avoir compris que son comportement me refroidissait, ce qui était une bonne chose, non ? Mais je préférais ne rien répondre. Après tout, je risquerais plus de le blesser qu’autre chose, et ce n’était pas vraiment mon intention. Puisque même si je n’avais pas dû apprécié le fait qu’il se fiche éperdument de ce que j’avais bien pu faire pendant ces plus de deux mois, je me doutais bien qu’il devait être blessé par rapport à mon amnésie, lui aussi. J’acquiesçais à ses paroles. En effet, j’allais plutôt bien. Enfin, pour une personne qui avait dû se reconstruire une vie en deux mois on va dire. Et je comprenais un peu – mais bien qu’un peu – ce qu’il tentait de dire. Après une petite pause – le temps de trouver les bons mots - je pris une inspiration avant de lui répondre. « Je comprends un peu ce que tu veux dire, enfin j’imagine. Mais comprends que je me suis réveillée seule, sans aucun repère, sans aucun souvenir. Donc oui, forcément j’avais le choix entre déprimer et ne jamais sortir de ma chambre d’hôpital, et entre me reconstruire du mieux que possible une nouvelle vie, de nouveaux amis, de nouveaux souvenirs. J’ai choisi la deuxième option. Et le fait que tu ne veuilles même pas entendre de ceux qui font maintenant partie intégrante de ma vie … Enfin je sais pas … » m’embrouillais-je quelque peu. Je ne savais pas vraiment quoi rajouter, ou surtout avec quels mots, pour qu’il comprenne ce que je ressentais.

Je me doutais bien que cela devait être difficile pour lui de faire cette concession. Après tout, il m’avait toujours connue sous le nom de Déborah. Et même si le prénom que j’avais choisi – voire même la nouvelle identité d’ailleurs, puisque c’était la même chose pour mon nom de famille – était proche de celui que j’avais avant, j’avais toujours un peu de mal à m’y faire. Rebekah / Déborah. Cela sonnait presque pareil en plus. Et le surnom – Reb / Deb – c’était pareil, à une lettre près. Mais il me faudrait probablement un bon moment avant de réellement m’y habituer. Cela faisait plus de deux mois que je m’appelais Rebekah maintenant, et revenir en arrière me semblait étrange. Bref, j’imagine que je ferais par m’y faire, non ? Probablement … « Merci. » le remerciais-je dans un petit sourire. Cela me touchait vraiment qu’il soit prêt à faire cet effort. Bon, nous n’avions pas commencé sur le bon pied, c’était sûr. Il m’avait même énormément refroidi, à ne penser qu’à lui et à sa perte – même si je voulais bien croire qu’il y perdait aussi, forcément – alors que j’avais l’impression que c’était moi qui avais le plus perdu dans cette histoire. Déjà, mes souvenirs. Et ce n’était pas peu. Je n’aurais plus jamais de souvenirs de ma mère. Des photos, peut-être que j’en aurais. Quelques petits films, avec de la chance, si ma famille avait aimé les caméras. Mais rien de plus. Et si je pourrais me reconstruire des souvenirs avec le reste de ma famille encore vivante – donc mon père et mes frères, si j’avais bien tout compris – jamais je ne pourrais m’en refaire avec ma mère. Et cela m’attristait énormément. Je prenais réellement enfin conscience de ce que j’avais bien pu perdre. J’avais essayé, depuis le jour où je m’étais réveillée, de prendre la vie du bon pied, de vivre cela le plus normalement possible, mais jamais je n’aurais pensé qu’une personne de mon plus proche entourage pouvait ne plus être de ce monde. Et si j’avais été plutôt pessimiste sur le fait de retrouver un jour une personne de mon passé, je m’étais toujours dit que si cela se faisait – comme c’était le cas en ce moment-même avec mon fiancé plus si inconnu – je pourrais tout simplement me reconstruire de nouveau souvenir, comme je l’avais si bien fait depuis mon réveil. Entendant l’aveu – en quelque sorte – de Nathanaël, je ne pus m’empêcher de me mordiller les lèvres de gêne. Ce n’était pas vraiment le bon moment pour lui parler de Joshua, c’était sûr. Mais bon, Ashley, je pouvais lui en parler, non ? « Ashley, c’est mon frère un peu … Enfin en tout cas, c’est comme ça que j’imagine une relation fraternelle. Depuis que l’on s’est croisés dans la rue et qu’il m’a reconnue – en quelque sorte, puisqu’il ne se souvenait plus de mon nom – il a toujours été là pour moi. Sans lui, je pense pas que je m’en serais sortie en fait … »

Je me demandais à quoi pouvait bien ressembler ma vie d’avant. De ce que je venais d’apprendre, j’étais interne en chirurgie – je m’étais rendue compte que j’avais beaucoup de connaissances dans le domaine médical, cette nouvelle ne me surprenait pas tant que cela – que j’avais quatre grand-frère, et que ma mère était morte. J’avais également appris que j’étais une bonne belle-mère et que les enfants de mon fiancé plus si inconnu m’aimaient beaucoup. Il avait donc deux enfants, une fille et un garçon, de ce que j’avais compris. J’aurais aimé pouvoir me souvenir d’eux, réellement. Après tout, ils n’étaient que des enfants, et ils ne comprendraient probablement pas ce qui m’arrivait. Si leur père pouvait comprendre – et semblait enfin vouloir faire des efforts et arrêter de ne pense qu’à lui – eux ne le pourraient probablement pas. Je me demandais ce qui se passerait ensuite, si je retournais vivre avec lui – dans un autre pays, de ce que j’ai compris. Est-ce que je ferais semblant auprès de ses enfants ? Est-ce que je ferais comme si jamais rien ne s’était passé ? Je n’en avais aucune idée, réellement. Je ne savais même pas si j’avais envie de rentrer avec lui. Est-ce que je pourrais dire au revoir à Ashley ? À Brooke ? À Robynn ? Mon Dieu, à Joshua ? Est-ce que j’en serais réellement capable ? Et puis, de ce que j’avais compris, ma famille vivait ici, à New York. J’avais réellement envie de les voir, de leur parler, d’apprendre à les connaître à nouveau. Est-ce qu’ils m’aimeraient ? Est-ce qu’ils aimeraient la nouvelle moi ? Et ensuite, serais-je capable de leur dire au revoir, à eux aussi ? Tout me semblait tellement compliqué. C’était étrange. Tout ce que j’avais rêvé pendant ces deux mois et demi, c’était que mon fiancé me retrouve. Et maintenant que c’était le cas, j’étais tout simplement perdue. Parce que oui, j’aimais ma nouvelle vie. J’aimais mes nouveaux amis. J’aimais aider au refuge. J’aimais la nouvelle moi. Je fis à sourire à Nathanaël, après qu’il m’ait dit être heureux que j’aie trouvé quelqu’un – Ashley – pour m’aider. Je le pensais sincère, du moins, j’espérais qu’il l’était. Puis il s’excusa d’avoir tant tardé avant de me rechercher. Avant de s’inquiéter pour moi. Que pouvais-je répondre à cela ? Que ce n’était rien, que je le pardonnais ? Je ne pouvais pas lui mentir, et le fait était que je ne lui pardonnais pas, du moins pour le moment, si je le ferais un jour. Puis il me questionna à propos du refuge, et d’un coup, mes yeux s’illuminèrent. « Oui, je l’aide pour le refuge. En fait, à la base, le « contrat » c’était qu’en échange du gîte et du couvert, je l’aide au refuge. Mais finalement, je ne trouve pas vraiment ça équitable. Enfin voilà, j’aime aider au refuge. J’aime aider un animal à mettre bas. J’aime soigner des animaux. J’aime jouer avec eux aussi. C’est étrange non ? Je pense que la passion d’Ashley a un peu déteint sur moi. Bon, j’en suis pas au même point que lui non plus, mais voilà, j’aime ce que je fais … »

On ne pouvait pas dire que j’avais eu une bonne « première » impression de Nathanaël, mon fiancé plus si inconnu. Bien au contraire même. J’en étais même venu à penser qu’il était une ganache, tellement il était borné. Mais peut-être avais-je eu tort de penser cela ? Après tout, j’imaginais que cela devait également être difficile pour lui aussi, d’apprendre que je ne me souvenais plus de lui, plus de notre relation, plus de notre rencontre, plus de sa demande en mariage, plus de ses enfants, plus de rien. Mais il m’avait tellement agacé à ne pas s’intéresser une seconde ce que moi je ressentais à propos de cela, comment je l’avais vécu, alors que j’étais complètement seule et perdue. Et puis dès que j’avais commencé à parler d’Ashley, il avait changé de conversation, me faisant bien sentir qu’il s’en fichait éperdument – alors que sans ce dernier, je ne m’en serais probablement pas autant sortie que je l’avais fait. Bref, j’avais vraiment eu une très mauvaise « première » impression à propos de mon fiancé plus si inconnu. Et il semblait s’en être rendu compte – en même temps, on ne pouvait pas dire que j’avais particulièrement cherché à cacher mon agacement non plus – puisqu’il s’était excusé de son comportement, avant de commencer à me questionner sur ces deux mois et demi. Nous commençâmes par parler du refuge où j’aidais Ashley, en échange du gite et du couvert, puis du fait que j’aimais en fait réellement les animaux. J’eus un petit sourire tandis qu’il m’informa que Noah et Illiana, ses enfants, voulait que je lui fasse entendre raison à propos de l’adoption d’un petit chat. « Tu ne veux pas de chat ? Tu sais que ce serait un très bon moyen pour eux d’apprendre à se responsabiliser ? Un chat est un animal assez autonome, ce n’est pas comme un chien, qui demande beaucoup plus de responsabilités. Donc je trouve que c’est un très bon compromis pour des enfants, qui apprennent comme ça le sens des responsabilités. » lui répondais-je, avant de reprendre, ayant l’impression d’être allée trop loin. « Mais ce n’est que mon avis. Enfin, tu en fais ce que tu veux.  » rajoutais-je tout en me mordillant les lèvres de gêne. Je me demandais si je lui avais dit la même chose ou pas, lorsque j’avais tenté de le convaincre la première fois. Ce serait assez amusant que je sorte exactement les mêmes arguments, non ? Enfin non, amusant, ce n’était pas vraiment le bon terme non plus … Il me posa ensuite tout un tas de questions, à propos de ma nouvelle vie. Wahoo, maintenant qu’il commençait à s’y intéresser, on ne pouvait pas dire qu’il faisait les choses à moitié ! « Sinon, le reste du temps et bien … Je ne fais pas grand chose j’imagine … » començais-je dans un petit rire. « Je fais du shopping, je regarde des matchs de foot, je m’amuse avec les animaux d’Ashley. Enfin voilà, c’est à peu près à quoi ressemblent mes journées j’imagine … » continuais-je tout en baissant la tête pour me concentrer sur mes mains. Si j’avais rencontré d’autres personnes … Une autre de ses nombreuses questions. « Et oui, j’ai rencontré d’autres personnes. Brooke, Joshua et Robynn …  » répondais-je en levant la tête et en remettant une mèche de cheveux invisible à sa place. Puis je fis comme si de rien n’était, comme si cela n’avait été qu’une anecdote parmi d’autres, et me concentrais-je sur ses autres questions. « C’est l’hôpital qui s’est occupé de toutes ces démarches en fait. D’abord ils m’ont signalée auprès de la police, pour savoir si quelqu’un m’avait signalée comme personne disparue. Et ce n’était pas le cas, donc voilà, avant ma sortie de l’hôpital, j’ai rempli un formulaire, en donnant l’identité que je souhaitais avoir à présent … »

Je me demandais si la véritable personnalité de mon fiancé plus si inconnu était la première impression qu’il m’en avait donné – donc égocentrique au possible – ou si c’était celui qu’il avait en ce moment. Après tout, peut-être essayait-il simplement de me séduire de nouveau, et donc tout ceci n’était qu’une simple façade ?  Peut-être qu’il s’en moquait réellement de ce que j’avais bien pu faire pendant ces deux mois et demi … Mais bon, je décidais de croire qu’il était bien comme il le montrait actuellement et que la première impression que j’avais eu de lui avait été fausse. Après tout, il était alors sous le choc de la révélation de mon amnésie, non ? Donc forcément sur ses gardes. C’était ce dont j’essayais de me convaincre en tout cas. Et j’imagine que je verrais bien ce qu’il en était le moment voulu. Il me posa donc des questions sur ces deux mois, et je m’attelais à lui répondre du mieux que je le pouvais. Je commençais par parler d’Ashley et surtout du fait que j’aimais réellement travailler au refuge. Puis il m’annonça que ses enfants voulaient que je les aide à le convaincre d’adopter un petit chat, ce qui me tira un petit sourire. Je tentais alors de lui donner des arguments pour qu’il accepte, trouvant que c’était une plutôt bonne idée pour qu’ils apprennent à se responsabiliser. Puis alors que je me demandais si je lui avais sorti les mêmes arguments, il me dit de lui-même que c’était exactement ce que je lui avais sorti quelques mois auparavant, ce qui eu l’effet de me faire rire. Bon, apparemment, j’étais toujours moi-même, enfin la moi d’avant en tout cas, et étrangement, cela me rassurait de savoir que je n’avais pas tant changé que cela. « Justement, la condition pour qu’ils aient un chat, c’est que ce soit à eux de s’en occuper. C’est là tout l’objectif, qu’ils se responsabilisent quoi. » répondais-je dans un rire amusé, avant de me reprendre et de dire que ce n’était bien sûr que mon avis et qu’il en faisait ce qu’il en voulait. Après tout, je n’avais pas à interférer dans l’éducation de ses enfants, non ? Puis il me posa de nouveau plusieurs questions, auxquelles je tentais de répondre du mieux que possible. Lorsqu’il me demanda si j’avais rencontré plusieurs personnes, j’avais été obligée de mentionner Joshua, même si j’avais rapidement fait comme si de rien n’était. Après tout, ce n’était pas vraiment le bon moment pour en parler … « Oui … Un stupide malentendu comme tu dis … » répétais-je tout en me grattant doucement la tête de gêne. « Oui, j’imagine que c’est ce qui compte en effet. »

J’étais apparemment la même qu’avant. C’était tout du moins ce que je comprenais de ma conversation d’avec Nathanaël. Ma personnalité semblait être identique à celle que j’avais avant, tout comme mes opinions et mes goûts. En fait, j’étais apparemment la même qu’avant, les souvenirs en moins. Je me demandais donc si j’allais finir par retomber amoureuse de mon fiancé plus si inconnu. Après tout, j’avais été amoureuse de lui, et avais même accepté de passer le restant de ma vie avec lui. Donc pourquoi ne retomberais-je pas amoureuse de lui, alors que je semblais aimer tout ce que j’aimais avant mon accident ? Bon, il était vraiment qu’aimer un homme n’était pas exactement la même chose qu’aimer le football américain … Mais cela faisait parti des goûts aussi, non ? La question était maintenant : est-ce que j’en avais réellement envie ? Après tout, la première mauvaise impression que j’avais eu de lui ne semblait pas vouloir quitter mon esprit. Lorsque je lui avais annoncé ce qui s’était passé, il lui avait fallu un bon moment pour se rendre compte que la victime dans l’histoire, c’était moi. J’acquiesçais à ses paroles. « Tu as probablement raison. Après tout, tu les connais mieux que moi … » répondais-je doucement. Et c’était la stricte vérité. Il les connaissait mieux que moi. Ou plutôt, je ne les connaissais pas du tout, ne me rappelant même pas à quoi il pouvait bien ressembler, comment ils étaient, ce qu’ils aimaient, tout … J’aurais pourtant souhaité convaincre leur père d’adopter un petit chat. Après tout, ils m’avaient perdus en quelque sorte, et ils étaient tellement innocents dans cette histoire, que j’aurais voulu les aider. Mais ce n’était pas à moi que revenait cette décision, encore moins maintenant. Puis il me posa des questions sur les deux mois et demi qui s’étaient passé. Questions auxquelles je répondis tant bien que mal, tentant d’y répondre le mieux possible. « Oui, j’imagine que je vais retourner à cette vie-là … » répétais-je doucement. Après tout, je n’allais pas repartir avec lui et vivre chez lui, alors que je ne le connaissais plus. « Mais tu pourrais passer à la maison un de ces jours ? Si tu as le temps … Enfin je ne sais pas quand tu dois rentrer … » lui proposais-je alors, tentant de mettre de la bonne volonté. Après tout, si j’avais envie de retomber amoureuse de lui un jour, il fallait bien que j’apprenne à le connaître, non ?